Chapitre 41G: février - mars 1793

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Fiévreuse le matin suivant, et son ventre terriblement endolori, Malou sommeilla jusqu'à midi au fond de son lit, une bouillotte sous sa robe de nuit. Je lui apportais des langes pour ses lunes qui venaient d'arriver, et une tisane pour qu'elle ait quelque chose dans le ventre. Elle se releva pour boire, et elle me chuchota.

—''Pourriez-vous aller voir Gustavine pour lui présenter des excuses de ma part ?

—''Certainement pas Malou. Elle pourra bien attendre votre rétablissement.

Sur ces mots, elle se recoucha et se cacha la tête sous son oreiller, vexée. Je m'en allais ensuite pour la laisser réfléchir à ses erreurs. Elle m'appela peu de temps après.

—''Louise ! Pouvez – vous venir s'il vous plaît ?

—''Que se passe t-il ? Vous vous êtes décidée à aller lui parler ?

—''Vous vous croyez toujours plus forte que tout le monde mais si vous vouliez vraiment qu'elle nous pardonne, vous seriez aller lui parler ce matin.

—''Comment ça je me sent plus forte que tout le monde? Bon sang ce n'est pas ma faute si vous avez péché Marie !

—''J'ai peut – être péché mais vous aussi. Je vous rappelle que vous m'avez dit hier que vous vouliez qu'elle nous lâche.

—''Je reconnaît l'avoir dit mais pas devant elle, moi. Sur ce, reposez-vous et essayez de vous repentir un peu, plutôt que sans cesse faire retomber les fautes sur les autres.

En soupirant, je prenais congé. Cette situation m'énervait et j'espérais de tout cœur que ma nièce aurait le courage d'aller s'excuser en face.

Le lendemain, une fois Malou remise sur pieds, je la poussait à se rendre chez ma belle – fille pour présenter ses excuses. D'abord réticente, préférant manger lentement son déjeuner et s'habiller avec tout autant de rapidité, elle descendait vers dix – heures. Je ne la revoyais qu'une demie – heure plus tard, le sourire aux lèvres, elle ne trouva que deux mots à me dire.

—''C'est arrangé.

Si la dispute avait été assez vite contenue, il était vrai que j'avais parlé à ma nièce du fait que Gustavine ne pourrait pas toute sa vie vivre seule avec ses filles. Si Étienne venait à décéder ou qu'il cessait de lui verser sa petite rente, par manque d'argent ou autre, elle se retrouverait à la rue ou chez nous, situation peu enviable dans ce si petit logement, avec deux enfants. C'est ainsi que parfois, je lui parlais des magasins qu'elle pourrait aller faire plus souvent avec Malou ou des bals organisés deux fois par an par la ville de Paris. Tout cela pour permettre à chacune de rencontrer l'âme sœur, qui ne viendrait certainement pas frapper à leur porte.

Cela tombait bien, puisque le vingt – six mars, le premier bal public de l'année était organisé pour les jeunes femmes et les jeunes hommes de moins de vingt – cinq ans, à l'opéra Comique. Je les persuadais d'y aller, en promettant à Gustavine de l'aider à se payer une jolie robe. Sur ce point, elle paraissait complexée.

—''Je suis trop mince malgré mes grossesses. Cela m'agace...

—''Nourrissez - vous d'avantage. Lui conseillais – je.

Bernadette galopait maintenant dans l'appartement à une vitesse impressionnante, s'arrêtant souvent dans sa course pour ramasser les miettes de pain et les minuscules cailloux invisibles pour nous et vouloir les donner à sa mère en geignant. Une fois, Gustavine se mit à la chercher avec nous, et elle termina en larmes sur le canapé, au bout de vingt minutes d'exploration de l'appartement. C'est finalement Jacqueline qui ramena sa petite sœur, qui s'était endormi sous un des lits de la chambre. Elle rassura ainsi beaucoup sa maman qui l'embrassa de mille baisers, pour son plus grand plaisir.

La veille du bal du vingt – six mars, je faisais essayer à Gustavine la robe qu'elle avait en partie payée avec ses économies, tandis que je m’étais acquitté du reste qu'elle n'avait pas les moyens d'assumer. Nous nous enfermâmes dans la chambre toutes les trois en laissant les enfants jouer dans le salon. Malou n'avait pas de soucis à remettre la robe qu'elle portait au mariage de son frère, alors que pour Gustavine, c'était plus compliqué. Son corset lui était insupportable, car elle n'en avait plus mis depuis avant sa dernière grossesse et sa poitrine avait gonflée avec les montées de lait.

Nous n'arrivâmes pas à lui en mettre un sans qu'elle n'étouffe, alors elle irait sans. Le lendemain soir, vers vingt – heures, sous la pluie, Guillaume, mon fidèle voisin, emmena les deux jeunes femmes jusqu'à l'opéra Comique, où il reviendrait les chercher vers minuit. Je m'occupais de Jacqueline en lui donnant son souper, pendant que Bernadette sommeillait dans son tiroir, le ventre notamment plein du bon lait de sa maman, qui l'avait fait téter avant de partir. Je couchais Jacqueline vers vingt – heures trente, et je profitais de ma soirée seule avec moi – même pour prendre des nouvelles de mes fils, en leur écrivant chacun une lettre pour qu'ils sachent que je ne les oubliaient pas. Fatiguée, je m'en allais coucher, en oubliant de laisser la porte ouverte pour Malou et Gustavine. Mal m'en prenait. Au milieu d'un de mes rêves, j'étais réveillée en sursaut par des coups répétés sur la porte.

J'enfilais ma robe de chambre, et rapidement, j'allais ouvrir aux deux jeunes femmes aux pieds endoloris qui marchaient en tenant leurs chaussures à la main. Je les faisais entrer rapidement pour qu'elles puissent se réchauffer près de la cheminée. Malou s'endormit sur le canapé tandis que Gustavine rentra chez elle avec Bernadette et Jacqueline que nous dûmes réveiller, initiative qui ne plût pas trop aux demoiselles, râlant et pleurant. Après son départ, je réchauffais ma nièce d'une couverture et je retournais me coucher.

Le lendemain au déjeuner, entre deux bouchées de pain, Malou me racontait sa soirée, le sourire aux lèvres. Tout comme Gustavine, elle avait beaucoup dansé, avec des hommes souvent charmants et galants, et ce, jusqu'à minuit et demi environ. Beaucoup lui avait plu, mais elle n'avait pas osé leur demander leur adresse pour pouvoir leur écrire, ce que je trouvais vraiment dommage. Quant à Gustavine, ma nièce me racontait qu'elle ne cessait de se morfondre en se disant que les hommes n'aimaient pas les femmes ayant déjà des enfants, et encore moins divorcées. Même si l'idée n'était pas forcément fausse, si elle se l'ancrait dans la tête, jamais elle ne pourrait se remarier.

Lorsque ma nièce se plaignait de plus en plus souvent de maux de tête, et qu'elle se mettait a se plaindre de ne plus y voir clair depuis déjà quelques semaines,

—''C'est sûr que vos yeux ne risquent pas d’être abîmés par la quantité de livres que vous lisez.

—''Cessez un peu de vous moquer de moi Louise... J'ai besoin de lunettes.

—''Je suis désolée Malou mais je n'ai pas l'argent pour vous en acheter. Si seulement Léon – Paul avait la clarté d'esprit de me rendre mes sous...

—''Vos sous ? Vous voulez dire qu'il vous a pris votre argent ?

—''Non, pas du tout. Je lui ai envoyé par courrier la plupart de mes économies il y a quelques mois, parce-qu’il était dans une situation financière compliquée.

—''Vous ne récupérerez jamais votre argent Louise.

—''C'est mon fils et j'ai confiance en lui. C'est un garçon intelligent, il sait bien que je ne roule pas sur l'or et que cet argent, j'en ai besoin. Il me les rendra, j'en suis sûre, mais le tout est de savoir quand.

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