Chapitre 41E: janvier 1793

5 minutes de lecture

J'attendais toujours la réponse du propriétaire, et je me disais que si il voulait me compliquer la tâche, il aurait très bien pu déménager.

Le quinze janvier, nous allâmes acheter avec Malou nos robes pour la cérémonie du mariage de son frère, dans trois jours à Rouen. Toute excitée, elle acceptait de porter exceptionnellement un de mes corsets, sur ce joli vêtement pour lequel j'avais saigné mon portefeuille. La mienne était plus sobre et moins coûteuse, car je n'étais pas aussi proche qu'elle du marié. Pour pouvoir nous y emmener, je louais une voiture, même si pour cela, il fallait encore que je me saigne.

J'emportais avec moi le nécessaire pour que nous puissions nous coiffer sur place, à l'hôtel, et nos robes, dans une malle de voyage. Nous partîmes au matin du seize janvier, et nous arrivâmes sans encombres en fin de soirée. Après une bonne nuit de sommeil, nous allâmes rendre visite à Auguste, dans son appartement où il vivait encore seul. Il faisait les cents pas.

—''Alice n'est pas avec vous ? Le questionnait sa sœur en contemplant le tableau dans le salon.

—''Elle habite au Petit-Quevilly chez ses parents. Je la verrais demain.

Elle regardait Auguste, avant de s'avancer vers lui.

—''Vous ne seriez pas un peu anxieux, vous ?

Elle lui pris les mains comme pour le rassurer. Il avait toujours été ainsi, son frère.

Le lendemain matin, je réveillais Malou dès sept heures pour que nous ayons le temps de nous préparer. La pluie cognait contre les carreaux sales de la chambre, le temps était froid, elle n'était pas dans son assiette. Une fois que j'étais prête, je déshabillais ma nièce, qui, assise au bord du lit, se laissait faire mollement. J'avais l'impression d'habiller un pantin.

Une fois ses vêtements enfilés et sa toilette faite, je coiffais ses longs cheveux en tresses. Il était environ dix heures quand nous partîmes en direction de l'église, sous une fine pluie et un ciel noir. Malou, dans la voiture et mieux réveillée, tenait le bouquet de fleurs pendant que j'affrontais la pluie dehors, menant sur le siège du cocher. Je me garais non loin, sous le auvent d'un bar et nous courûmes nous réfugier à l'intérieur de l'église pour patienter au sec.

Les invités arrivèrent une demie – heure plus tard, mais il s'agissait surtout de la famille de Alice. J'avais beau chercher le mari et les enfants d’Adélaïde, je ne voyais personne. Je me sentais bien seule.

Quelques minutes après onze heures, après que nous fûmes installés dans l'église, je voyais arriver la mariée, au bras d'un jeune homme devant être son frère. C'était un petit bout de femme aux longs cheveux frisés, qui scrutait l'assemblée pour chercher, je le pense, un visage familier. Elle s'agenouillait devant l'autel pour attendre son fiancé, qui devait arriver d''une minute à l'autre.

Avec Malou, nous étions assises au premier rang. Elle passait son temps à se retourner vers les portes ouvertes pour voir si Auguste arrivait, et le temps devait lui paraître très long. Lorsqu'elle voyait enfin arriver son frère, au bras d'une femme qui devait être sa future belle – mère, ses yeux pétillaient.

Il s'agenouilla près de sa promise, et la cérémonie se poursuivit avec des prières, des bénédictions, et l'échange des anneaux. Les jeunes mariés se relevèrent ensuite et quittèrent l'église sous la même pluie qui les avaient accueillie une petite heure plus tôt.

Nous nous rendîmes ensuite à la mairie, accompagnées de rares invités, pour aller signer l'acte de mariage administratif. Alors que nous restâmes un peu en retrait, quelqu'un appelait ma nièce.

—''Marie – Louise Meursault est t-elle présente ?

Nous nous regardâmes avec Malou, avant qu'elle ne prenne conscience que c'était elle qu'on appelait.

—''Oui, oui ! J'arrive ! S'exclama t-elle en se dirigeant vers le bureau du maire, où patientaient son frère et sa belle – sœur. Elle parapha, embrassa les jeunes mariés avant de retourner vers moi.

—''Alors, c'est bon, vous avez signé ?

—''Oui. J'avais oublié mon nom à force que vous me surnommiez.

—''Donc j'arrête de vous appeler Malou ?

—''Ah non, surtout pas ! J'adore mon p'tit nom. Il me suit depuis toujours et c'est très bien comme cela.

Après notre passage à la mairie, nous allâmes sous un ciel moins nuageux chez la famille d'Alice, au Petit-Quevilly pour prendre un dîner. Avant même de pénétrer dans la maison couverte de lierre, nous vîmes la foule pressée à l'intérieur par le petit hublot décoratif installé sur la porte. A l'intérieur, des cousins, des parents, des frères, des sœurs se saluaient le verre à la main, dans une odeur épouvantable de sueur et de parfum. Les enfants couraient en bousculant les adultes occupés, et plusieurs personnes vinrent nous saluer, sans que nous sachions de qui il s'agissait.

Nous prîmes un verre de jus, discutâmes un peu avec les sœurs d'Alice, avant de passer à table. La mère de famille, qui était au bras d'Auguste à l'église, et aidée de ses filles, servait les plats fumants à l'immense tablée réunie dans le salon. Les jeunes mariés étaient assis côte à côte, au bout de la table, en vue de tout le monde.

Nous restâmes à table pendant tout l'après – midi, et au dessert, tout le monde clamait Auguste et Alice. Il se tordait les mains d'anxiété et elle jetait des regards gênés à sa mère. Vers dix – sept heures, lorsque la famille la moins proche commençait à rentrer chez elle et que le repas était terminé, nous pûmes discuter un peu avec Alice. Née à Rouen, elle avait quatre frères et sœurs qui eux même avaient eu des enfants. Une grande famille en soit. J'essayais de d'avantage faire sa connaissance, mais mal à l'aise, elle ne parlait que très peu et poser sans cesse les questions me lassait.

Nous laissâmes Auguste et son épouse en début de soirée, pour aller manger tranquillement notre souper à l'hôtel, et pouvoir reprendre la route vers Paris le lendemain matin.

Le dimanche vingt – huit janvier, après notre messe dominicale, nous achetâmes le journal auprès du bureau de presse, puis je le rangeais dans ma fidèle besace. De retour chez nous, Malou lisait les nouvelles de ce dimanche.

—''Louise ! Louise ! M'interpellait t-elle

—''Quoi ? Qu'y a t-il ?

Elle me tendait la double page consacrée à l’événement. Sous une illustration du roi acculé à la fenêtre ridiculement coiffé d'un bonnet phrygien, il était annoncé que le dix – neuf janvier, il avait été voté à l'unanimité sa condamnation à mort, et que le vingt et un janvier, il avait été exécuté par la guillotine. Exécuté ! Le roi était mort !

—''Le roi est mort Louise ! C'est fini ! La France est libre !

Elle pleura de joie dans mes bras. Moi aussi, j'étais bouleversée de bonheur.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0