Chapitre 41B: juillet - septembre 1792

4 minutes de lecture

Folles d'inquiétude, nous nous rendîmes chez elle dès le lendemain. Je voulais avant tout lui parler, lui prêter de l'argent car son mari n'était pas revenu depuis une semaine et ne reviendrait sans doute pas. Gustavine nous laissait entrer, hoquetant dans ses sanglots. Cette fois, elle était habillée, et Bernadette dormait dans ses bras après avoir tété. Nous nous assîmes sur le canapé pour discuter un peu avec elle.

—''Qu'allez – vous faire à présent ?

—''Je ne sais pas trop... je crois que je vais rentrer à Rouen.

—''Ils ne pourront pas vous héberger. Il n'y a pas de place là – bas. Où dormiez - vous pendant que vous attendiez d'accoucher ?

—''Je ne sais plus. Pouvez – vous me prêter un peu de sous ?

—''Oui. Combien voulez – vous ?

—''De quoi vivre quelques temps quoi...

Je lui donnais ce que j'avais dans ma besace, c'est à dire quelques billets, qu'elle devrait me rembourser au plus vite, car je n'avais pas beaucoup d'argent pour vivre. Je lui conseillais de divorcer d’Étienne, pour pouvoir se remarier et mener une vie libérée des contraintes conjugales qui la liait encore au père de ses enfants. Cependant, c'était encore trop tôt pour elle, qui n'avait pas encore fait le deuil de ces quatre années d'amour.

Nous la laissâmes chez elle, en espérant qu'elle ne décide pas de rentrer sur Rouen. Si elle divorçait, alors grâce à la pension que lui verserait Étienne pour élever les filles, elle pourrait payer le loyer d'un petit logement à Paris. Encore fallait – il l'en convaincre. Malou me disait qu'elle aimerait s'occuper de Bernadette et Jacqueline si faute de place, elles empêchaient leur mère de rester chez ses beaux – parents. Mais j'étais sûre que Gustavine n'abandonnerait jamais ses enfants, ne serait – ce quelques temps.

Nous n'eûmes plus de nouvelles, et lorsque nous décidâmes de nous rendre chez elle deux jours plus tard, l'appartement était vide. Les meubles étaient restés, mais il n'y avait plus âme qui vive, toutes les affaires personnelles avaient été emmenées. Gustavine était partie.

Le temps passait, notamment avec le vingt-deuxième anniversaire de ma nièce, le treize septembre, et l'annonce du mariage d'Auguste. Malou, trop heureuse que son frère la veuilles comme témoin, parcourait l'appartement en lisant la lettre, qui donnait la date du dix-huit janvier 1792 en l'église Saint – Maclou de Rouen. La cérémonie aurait lieu en présence de la famille de Alice, sa fiancée, et de quelques personnes de notre famille, dont sa sœur, moi, et sans doute le mari et les enfants d’Adélaïde. Comme Malou, j'avais hâte.

Très vite cependant, ma belle – fille refit son apparition. Les cheveux attachés, sa mallette à la main, son bébé dans les bras, sa fille de deux ans qui suivait tant bien que mal, elle regrettait.

—''Ils ne veulent plus de moi... Où vais – je Louise ?

—''Pourquoi donc ne veulent t-ils plus de vous ?

—''Ils disent qu'ils n'ont pas la place de m'héberger sur le long terme. Mais c'est surtout Étienne qui leur a dit que j'étais infidèle et maligne avec lui.

—''Ah il vous pourrira la vie jusqu'au bout celui – là... Vous passerez la nuit ici et demain, nous irons voir le notaire pour vous permettre de divorcer. D'accord ?

—''Oui.

Le soir venu, ma belle – fille couchait donc avec Jacqueline tandis que j'installais Bernadette dans un tiroir ouvert rempli de couvertures, près du lit de Malou. Le lendemain, alors que celle - ci gardait les enfants, nous nous rendîmes sous la pluie chez le notaire, pour aller engager une procédure de divorce, bien que cela ne se fasses pas trop dans notre religion.

Devant maître Chantais, Gustavine justifiait son choix par deux ''fautes graves'', à savoir le délaissement du domicile conjugal suivi logiquement de l'abandon du devoir conjugal et l'adultère, mais seul le délaissement du domicile se prouvait et était retenu. Cela prendrait plusieurs semaines, le temps d'obtenir l'accord d’Étienne et les papiers nécessaires, mais cela permettrait à ma belle – fille de retrouver la liberté loin de ce mari absent. En attendant, et comme je n'avais pas les moyens de lui prêter d'avantage pour payer un loyer, elle habiterait chez moi.

Pour me rembourser, et bien que cela l'ennuie beaucoup, ma belle – fille recommençait à chercher dans des petites annonces les gardes d'enfants par des bourgeois plein de sous.

—''On ne sait jamais... Lui disais - je. C'est comme cela que vous avez rencontré le père de vos enfants.

—''Oh... Vous savez, je crois bien que jamais je ne pourrais me remarier.

—''Pourquoi donc ? Vous êtes encore si jeune...

—''Ce ne serait pas mon âge qui ferait fuir les hommes mais plutôt mes enfants.

—''N'allez tout de même pas dire que vos filles sont des fardeaux Gustavine !

—''Je n'ai jamais dit qu'elles étaient des fardeaux, mais un frein c'est tout. Peu d'hommes acceptent les femmes avec des enfants, surtout si elles ne sont pas veuves comme dans mon cas. Et puis, je peux bien vivre sans mari. Pour preuve, j'élève Jacqueline et Bernadette toute seule, en étant encore mariée avec leur père.

La procédure semblait interminable, car Gustavine attendait la fameuse lettre de convocation chez le notaire pour aller signer avec Étienne, les derniers papiers. Malheureusement, lui ne se décidait pas, ne devant pas comprendre que pour que son épouse recommence sa vie, sa signature était indispensable.

Entre le deux et le cinq septembre, des centaines de prisonniers, évêques et de prêtres furent sommairement jugés et exécutés à Paris, parce-qu’ils étaient accusés, par leurs idées, de trahirent la France. Je trouvais cela absolument immonde.

à la fin du mois de septembre, alors que Gustavine venait de trouver un emploi chez une famille bourgeoise qui avait besoin d'une nourrice pour ses enfants, nous reçûmes enfin une lettre programmant un rendez – vous chez le notaire pour signer l'acte de divorce. Il n'y avait plus qu'à prier pour qu’Étienne ne pose pas de lapin et attendre jusqu'au deux octobre.

je crois que ce jour là resterait gravé dans nos mémoires. Le vingt et un septembre 1792, nous apprîmes par un crieur de rue que la monarchie était enfin tombée et que le lendemain, vingt – deux septembre, symboliserait le premier jour de la République. Je sautais de joie dans les bras de ma nièce, car c'était plusieurs années de combat qui portaient leurs fruits pour le peuple.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0