Chapitre 39D: novembre 1790 - février 1791

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J'avais maintenant conscience de gêner Marie-Camille et Jean-Charles, et cela me perturbait. Il me demandait sans cesse si je me souvenais de la paroisse où avait été signé l'acte de décès de mon mari, et je faisais exprès de lui dire que j'avais oublié, alors que je m'en souvenais très bien. Je me disais bien naïvement qu'ainsi jamais je n'obtiendrais cette rente et je pourrais rester avec eux. Malheureusement pour moi, c'était sans compter sa détermination. Quand un soir, il en vint à me menacer de me mettre dehors par un coup de pied aux fesses, je réagissais.

J'avais atteint les limites de sa patience. C'est ainsi que quelques temps plus tard, bien docilement, je le laissais me conduire à Paris pour recopier le fameux acte de décès. Nous apportâmes dès notre retour sur Rouen le papier au notaire qui s'empressa de mettre en pratique mes droits. Désormais, je recevrais chaque mois l'équivalent d'un salaire. C'est ainsi que j'écrivais à mon fils aîné pour le prévenir que je rentrais sur Paris.

J'attendais sa réponse pour quitter Rouen. Je mis trois semaines avant de la recevoir, pour moi comme une sorte de laissez-passer. Sous l'autorité de celui-ci depuis le décès d'André, je devais lui demander l'autorisation avant d'accomplir des faits importants et surtout, le fait que je m'installe sur Paris lui permettrait de quitter son pensionnat pour venir vivre avec moi.

Un appartement, j'en trouvais rapidement un à louer dans un quartier épargné. On s'occupa pour moi d'écrire au propriétaire qui avait laissé son adresse dans le journal. Nous n'avions pas besoin d'un grand logement, deux pièces nous seraient suffisantes, les garçons étant aux études toute la journée. C'est donc peu de temps avant le dixième anniversaire d'André que je disais adieu à la famille qui m'avait hébergée pendant plus de trois ans. Je quittais avec émotion Marie-Camille, ses petits-enfants, et Jacques.

Avant de lui dire définitivement adieu, je demandais un dernier service à Jean-Charles. Celui d'aller chercher André chez les jésuites et de nous ramener tous les deux près de notre nouvel appartement à Paris. Je retrouvais mon fils qui avait encore beaucoup grandi. Il soupira, lassé de sans cesse devoir déménager, je lui fit la promesse que désormais, il resterait à Paris jusqu'à la fin de ses études. Une fois arrivés, Jean-Charles sortit nos quelques affaires du coffre de toit, et nous quitta après m'avoir souhaité bon courage. Nous découvrîmes notre nouveau logement, lumineux, assez aéré, André couru vers la chambre qu'il partagerait avec son grand frère et désigna son lit parmi les quatre que comptaient la pièce. Je le prévenais.

—''Vous ne resterez pas longtemps André. Bientôt j'irai vous inscrire dans une nouvelle école.

Je m'approchais du petit blondinet occupé à fouiller les meubles qui regorgeaient de livres, et je lui caressais les cheveux, bien longs.

—''Il faudrait que je vous coupe les cheveux. Bon, vous m'avez entendu ? Demain j'irais vous inscrire là où l'on voudra bien vous prendre.

Sans doute peu pressé de retrouver les études, André préférait changer de sujet.

—''Quand Léon-Paul il arrivera maman ?

—''Je ne sais pas André. Je ne suis même pas sûre qu'il viendra ce soir.

—''Moi je voudrais qu'il vienne maintenant mon grand frère.

Après avoir tourné pendant une demie-heure, mon fils déplaça une chaise près de la fenêtre de la chambre pour guetter l'arrivée de son frère. Je ne voulais pas qu'il soit déçu.

—''Jeanjean... Je vous ait dit que je n'étais pas sûre qu'il vienne ce soir...

En effet, après le souper, André alla se coucher en pleurs, terriblement déçu de ne pas voir son frère ce soir. Je lui promettais d'écrire à Léon-Paul pour lui demander ce qu'il faisait.

Le lendemain, après que j'ai sollicité un voisin pour qu'il me conduise jusqu'au couvent, j'allais inscrire André dans cette école un peu en périphérie qu'il fréquentait déjà avant notre départ de Paris. La rentrée des nouveaux élèves était prévue au début du mois d'octobre.

Léon-Paul me répondit dans sa lettre que je reçu quelques temps plus tard qu'il préférait ne pas quitter l’internat pour ne pas perturber ses études, mais devant la tristesse d'André dont je lui faisais part, il promettait de s'arranger pour passer nous saluer prochainement. Une expression propre à mon fils qui prenait chez lui un sens particulier. En effet, de mon côté, '' prochainement '' évoquait un événement qui se déroulerait dans un très proche avenir. Chez lui, apparemment, ce n'était pas le cas.

Nous fêtâmes humblement le dixième anniversaire d'André qui cette année tombait un vendredi. Comme nous devions respecter Jésus, nous reportâmes la préparation du gâteau d'anniversaire au lendemain et nous nous contentâmes d'une soupe suffisamment consistante ce jour-là.

Ma joie était indescriptible. Je venais de recevoir une lettre de Malou qui me demandait si elle pouvait me rejoindre à Paris, car passer ses journées seule dans la chambre d'hôtel de Rouen lui était devenu insupportable. En plus, m'écrivait-elle, son frère venait de louer un logement avec ses économies au centre-ville et elle sentait qu'elle dérangerait, sans m'en dire plus. J'acceptais évidemment de l'accueillir, sachant qu'elle ne deviendrait pas un poids, elle m'aiderait dans les tâches ménagères et à élever André. C'est donc une petite semaine plus tard que par une froide après-midi de mars, elle vint s'installer chez moi.

—''Entrez, faites comme chez vous. Je vous débarrasse... Donnez-moi vos affaires. Jeanjean ! Venez saluer Malou.

Mon petit blondinet arriva, son livre à la main. Il embrassa sa cousine aux joues rouges et froides et s'en retourna vers la chambre. La jeune femme déposa ses quelques affaires avant de s'asseoir sur le canapé. Je lui servais le thé.

—''Alors ? Dites-moi tout. Comment allez-vous ?

—''Bien. Mais comme Auguste vient de s'installer dans son propre logement avec sa fiancée, j'avais trop peur de les déranger.

—''Sa fiancée ? Depuis quand votre frère est-il fiancé ?

—''Cela doit faire trois ou quatre mois. Je voulais vous en parler mais...

—''Mais quoi ? Cela me regarde quand même.

—''C'est qu'elle est un peu spéciale et je doute qu'ils n'arrivent jusqu'au mariage.

—''Comment ça ?

—''Disons qu'elle ne se laisse pas faire quoi. Elle à un caractère très fort et je crains que cela ne déstabilise trop vite Auguste. L'autre jour par exemple, elle était venue nous voir à l'hôtel et elle avait décidé que je ne dormirais pas ici cette nuit. Alors Auguste lui explique pendant une heure que je n'ait aucun autre endroit où passer la nuit et elle fini, écoutez bien, par convaincre mon frère de m'accompagner chez Marie-Camille et Jean-Charles.

—''Ce n'est pas une femme à marier quoi. Jamais satisfaite, toujours à contester son mari, non mais je vois bien de quelle femme il s'agit. Une teigne.

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