Chapitre 36D: mars 1788

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Lorsque le grand jour arriva, je réveillais mes deux fils aux aurores, pour qu'ils soit lavés et habillés pour neuf heures et demi. Si Léon-Paul se réveilla vite, je devais porter mon petit André encore endormi jusqu'au pot de chambre, puis le déshabiller tel un pantin. Heureusement pour moi, la fraîcheur de l'eau le fit vite sortir de sa torpeur. Il refusa de manger ce matin, ne buvant qu'une gorgée de son chocolat. Je m'énervais, assez stressée car c'était quasiment ma fille qui se mariait ce jour-là. Mes deux fils étaient fin prêts dès huit heures. Gustavine s'habillait avec sa future belle - mère dans la chambre, tandis que je réfléchissais. André s'était couché sur le canapé et comme j'avais peur qu'il ne s'endorme, je lui demandais de se lever. Léon-Paul, mon jeune homme aux quelques boutons sur le visage et à la voix changeante, partirait bientôt pour la Faculté des Arts, de façon a devenir médecin, il attendait juste de recevoir la lettre qui confirmait sa rentrée.

Nous arrivâmes sur le parvis vers dix heures, et la cérémonie débuta une heure plus tard, lorsque Gustavine arriva au bras de son beau - père, dans sa belle robe blanche que les demoiselles d'honneur tenaient pour lui éviter de traîner par terre, et qu'elle s'agenouilla près de son fiancé pour s'unir avec lui pour la vie. Après maintes promesses et récitations en latin, et l'échange des anneaux, enfin, ils étaient mariés.

Nous sortîmes sous la fine brise de ce mois de mars, je tenais André par les mains, mais il progressait si vite que bientôt, avant la fin de l'année j'espérais, il n'aurait plus besoin de moi pour ses déplacements. Une réception fus organisée dans l'appartement que quitterait bientôt le jeune couple, aussitôt que Étienne trouverait un logement pour lui et son épouse, non loin d'ici. Le soir après le souper, j'accompagnais ma belle - fille pour sa nuit de noces, elle ne me paraissait pas trop inquiète. Comme je ne savais pas trop jusqu'où l'accompagner, je la laissais à la porte de la chambre où son mari l'attendait. Gustavine ne me rapportait rien de ce moment d'intimité avec Étienne, ce qui voulait sûrement dire que tout s'était bien passé.

Quand arriva la fameuse lettre qui confirmait la rentrée à la Faculté des Arts de Léon - Paul, il était fou de joie, relisant mille fois le bout de papier sur lequel se dessinait sa future vie. à la fin de son stage de deux ans auprès de l'époux de Berthe, il avait passé à la Faculté un bilan écrit visant a connaître ses connaissances de la médecine. Il pouvait être fier de lui car peu d'élèves parvenaient a entrer dans cette école. Quelques jours plus tard, mon fils quittait donc l'appartement de Marie - Camille et Jean - Charles pour aller vivre quelques années là - bas, faire ses études et si possible, devenir médecin. Je l'embrassais une dernière fois tendrement, avant de le laisser partir pour quelques années.

Une après - midi, la petite Marie, la nièce de six ans de Étienne, riait avec son frère aîné depuis sa chambre, alors que mon fils se déplaçait désormais seul sur de petites distances, mais toujours de manière étrange voire comique aux yeux d'un enfant de son âge.

—'' André le canard ! André le canard ! Étienne, vous avez vu? André il marche comme un canard ! S'exclamait t-elle l'air heureuse

Je n'appréciais pas beaucoup qu'on se moque de mon fils.

—'' Espèce de petite sotte! Comment pouvez-vous rire du malheur des autres? Excusez-vous de suite. Sinon...

Sans rien dire, elle couru vers sa tante, Gustavine, qui s'agenouilla près d'elle pour l'écouter. Ma belle-fille se releva et avança vers moi, la petite fille à la main.

—'' Excusez-vous Marie. On ne se moque pas des gens. En revanche, évitez de lui crier dessus Louise. Elle ne mesure pas encore ses propos.

—'' Je ne lui ai pas crié dessus mais bon, les enfants déforment tout ce que les adultes disent... bref. Mon fils est plus intelligent de toute façon que cette gamine impolie et mal élevée.

J'allais voir André qui dessinait tranquillement. Devant cet enfant si calme, qui ne se doutait pas des méchancetés que lui avait adressé Marie, je préférais me retenir. Sans doute aurait-il été malheureux de savoir qu'on se moquait de lui, si la petite fille s'excusait. Je craignais d'un coup que mes paroles toutes droites sorties de mon cœur ne me portent préjudice, que Étienne ou Marie- Camille ne se retournent vers moi. Ils m'hébergeaient a titre gracieux et ils pouvaient quand ils le voulaient me mettre sur le trottoir. Désormais, je me tairais ou bien je tournerais cent fois ma langue dans ma bouche avant de parler.

Ce mois-ci, Gustavine et son mari nous quittèrent pour aller vivre dans un appartement a eux deux, qu’Étienne louerait a cent pas d'ici. Ma belle-fille, qui n'attendait en réalité que ça depuis son mariage, semblait absolument ravie. Moi aussi, puisque désormais, j'avais la chambre pour moi seule. Bien sûr, comme c'était le cas la plupart du temps lorsque des jeunes mariés encore sans enfants ne vivaient pas loin de chez les beaux-parents, Gustavine passait plus de temps chez nous que chez elle, tant elle s'ennuyait.

La situation financière du Royaume de France inquiétait beaucoup. Dans les journaux, les gros titres étaient : ''Le Roy fait la fête, le peuple meurt de faim '' ou encore ''Qu'attend Louis XVI pour aider le peuple?''. Nous comprenions alors pourquoi le peuple voulait faire tomber la monarchie, qui faisait mourir le Royaume de faim et qui devenait au fil des années de plus en plus bancale et inutile, elle ne profitait plus qu'à la noblesse. Même Marie-Camille et Jean-Charles, pourtant relativement aisés, n'en profitaient pas autant qu'ils le souhaitaient, étouffés d'impôts.

Chaque jour ou presque désormais, nous assistions a des révoltes du peuple, qui marchait les drapeaux levés dans la rue, en criant : A bas le Roy ! A bas la monarchie ! la plupart du temps, ils étaient arrêtés et jetés en prison. Nous avions tous peur pour Étienne, qui ne manifestait pas mais qui assistait régulièrement a des réunions pour préparer la grande révolte. Elles étaient pourtant interdites par le Roy qui craignait plus que tout de ne plus savoir comment gérer ce peuple en colère, mais tous prenaient des risques pour espérer un jour obtenir gain de cause.

C'est dans le journal que j'apprenais le mariage de mon petit cousin Georges, avec une jeune femme prénommée Louise de Rochechouart. Ils s'étaient fiancés l'année précédente. Joseph, son père, malgré le fait qu'il soit assez âgé, faisait parti des témoins, avec son second fils Philippe, âgé d'une vingtaine d'années.

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