Chapitre 32E: juillet 1783

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Nous rentrâmes en fin d’après – dîner, la chaleur était toujours aussi étouffante, en ce mois de juillet, j’avais soif, et je suais beaucoup sous ma robe épaisse et peu adaptée à la saison, tout comme Malou, qui passait son temps à tourner les petites mèches qui s’échappaient de sa coiffure, en se plaignant de la soif qui asséchait nos gorges. Avant de rentrer, je m’inquiétais de savoir si nous avions de l’eau jusqu’à demain matin.

—''Attendez Malou avant de monter. Je voudrais savoir si nous avons de l’eau à la maison. Je pense qu’il serait préférable de rapporter un seau plein pour être sûres, qu’en dites-vous ?

—''Oui. C’est une bonne idée. Je monte chercher le seau.

Ma nièce courut presque dans les escaliers jusqu’à l’appartement, où elle redescendit quelques minutes plus tard son seau à la main. Nous marchâmes un peu jusqu’au puits, situé dans une impasse à quelques maisons de là.

Malou se pencha par-dessus le rebord de pierres pour pouvoir me dire s’il y avait de l’eau, car parfois en ces chaleurs, le puits était vide.

—''C’est bon ? Lui demandais – je prête à installer le seau

—''Attendez… Oui… C’est bon, je vois de l’eau.

Je moulinais, longtemps, jusqu’à ce que je sente une résistance, et que je puisse remonter le seau plein d’eau fraîche et potable, pour le ramener à la maison.

—''J’y reviendrais car un seau ne suffira pas jusqu’à demain matin, surtout si je donne un bain à André ce soir. Informais–je ma filleule sur le chemin du retour

André me faisait la fête lorsque je passais le seuil de la porte, trop heureux de me voir. Je posais le seau lourd dans le salon, en constatant que celui d’hier était vide. Malou et Gustavine s'empressèrent de se servir un verre d’eau, assoiffées, alors que j’allais me dévêtir de mon vêtement trop chaud et encombrant.

André me suivit jusqu’à ma chambre, pensant sans doute que j’étais partie pour le faire téter, alors que j’avais pris la décision ferme et définitive d’arrêter ce qui selon mon mari, le rendait idiot. Je fermais la porte derrière moi sans le laisser rentrer, ce qui avait le don de le faire pleurer, il tapait à la porte, comme un désespéré, tandis que je tentais de me déshabiller. Voyant que je n’y arriverais de toute façon pas seule, j’appelais Gustavine qui m’aidait à me débarrasser de ce fardeau de tissus.

Le soir, surtout l’été où les journées étaient longues, Léon permettait aux filles de veiller avec nous, parfois autour d’un jeu de cartes, souvent dans le salon où chacun lisait en silence, jusqu’à parfois neuf heures du soir où la nuit n’était pas encore tout à fait tombée. Après que les filles soient allées se coucher en prenant soin de ne pas réveiller André, qui dormait souvent profondément à cette heure-là, nous allions nous même dormir, j’avais acheté un paravent que j’avais installé dans notre chambre, pour ne pas obliger Léon à rester dans le salon pendant que j’enfilais ma robe de nuit, et vice versa. Je m’étais habituée à dormir avec un homme, et j’appréciais qu’il ne me touche plus du tout, car nous avions d’un commun accord choisi de ne plus avoir d’enfants.

Ce jour de juillet, j’allais au marché accompagnée de Gustavine et Malou, traînant par la main mon fils de deux ans et demi qui avait le teint très pâle et qui pleurait, larmes légitimes d’un enfant malade et épuisé qui venait de passer sa nuit à vomir. Les filles pouvaient pour une fois m’accompagner toutes deux, car je ne pouvais pas laisser seul André avec sa demi–sœur à la maison. La boulangère, qui me voyait tous les samedis, mais rarement André, qui restait la plupart du temps à la maison, s’inquiéta de le voir si blême, cependant, comme par coutume et tous les enfants de son âge, il portait la robe et les cheveux longs, on avait tendance à le prendre pour une petite fille.

—''Tenez madame. Elle me tendit mon pain et pencha la tête pour tenter d’apercevoir l’enfant qui se cachait derrière moi, s’accrochant à ma robe, bavant, les doigts dans sa bouche. Alors, vous faites votre petite timide ? Comment s’appelle cette petite princesse ?

Je n’osais évidemment pas avouer que André n’était pas une petite fille, et je préférais m’en aller, un vent valait mieux qu’une vexation qui m’aurait de toute façon fait culpabiliser. Dans les allées du marché, Gustavine avançait devant moi avec sa cousine, elle avait l’air d’une dame, alors que Malou d’une enfant qui ressemblait de plus en plus à son père, et de moins en moins à sa chère maman. J’avais de plus en plus de mal à faire marcher André, ne pouvant le porter pour aller plus vite, j’avais peur qu’il ne vomisse au mauvais moment, c’est-à-dire dans cet endroit bondé, sur les pieds des femmes qui se bousculaient pour faire leurs commissions de la semaine.

La matinée se termina heureusement sans accident pour moi, alors que mon fils passa sa journée au lit, à boire des tisanes, une bouillotte sur le front. Le soir venu, Léon se précipita au chevet de son fils brûlant de fièvre, il pria pour son rétablissement rapide et l’embrassa.

La nuit suivante fut plutôt agitée pour André, et pour cause, il s’était reposé toute la journée. Ne dormant que d’un œil, je l’entendais se lever de son lit, puis faire tomber son verre qui se brisa dans un tel fracas qu’il réveilla en sursaut Léon. Mon mari se redressa dans son lit, avant de me demander d’allumer ma bougie. Après quelques sermons, je parvins à tâtons à atteindre une allumette, la petite lueur me suffisait à distinguer nos visages fatigués.

J’entendais ses petits pas se rapprocher, puis il frappa doucement à notre porte, comme je lui avais appris s’il avait un problème. Je regardais Léon, qui hocha la tête.

—''Retournez-vous coucher André. Ordonnais–je à mon fils, quelque peu déçue de ne pouvoir le serrer contre moi.

—''J’ai faim maman…

—''Vous mangerez demain matin. Allez dans votre lit.

Il obéit, mais cinq minutes plus tard, alors que nous nous apprêtions à nous recoucher, nous l’entendîmes pleurer.

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