Chapitre 31E: août - décembre 1782

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Louise ( 1784 - 1784)

Bien que nous eûmes déjà vu une grande partie des lieux depuis l'entrée, Mr Robes nous fit visiter, dans les moindres recoins et non peu fier, son magasin. Nous vîmes l'arrière-boutique, qui sentait à plein nez la bonne odeur des vieux livres, où les ouvrages endommagés étaient stockés, mais aussi la grande presse, pour imprimer et éditer les livres, car c'était aussi le métier du libraire. Il lui expliqua les principes de son fonctionnement, tandis que je faisais le tour du magasin, feuilletant les ouvrages, lisant avec curiosité les couvertures de ceux que je ne connaissais pas, m'interrogeant sur tel ou tel auteur, jusqu'à que je tombe sur ce petit roman, intitulé '' Voyages du capitaine Lemuel Gulliver'', qui me donna immédiatement envie de le lire. En cherchant dans ma besace un billet pour pouvoir l'acheter, je m’aperçu que Léon ne m’avait pas donné les quelques livres qu'il avait l'habitude de me confier pour mes petites dépenses deux ou trois fois dans la semaine. L’ouvrage à la main, j'allais donc le voir, l'idée d'avoir l'air d'une enfant réclamant dans un magasin m'insupportais, mais je n'avais pas le choix si je voulais l'acheter. Après que je lui ai posé la question, il sortit de sa poche le billet et me le tendis rapidement, dérangé dans ses discussions avec le propriétaire.

J'attendis encore un temps interminable qu'il finisse de parler, puis je paya et nous partîmes, retrouver la voiture garée dans la rue de l'appartement. Je commençais à lire le livre dans la voiture, il était vraiment passionnant.

Malou m'avait indiqué, que pour son douzième anniversaire, elle souhaitait voir son frère et son père, aussi alors que j'allais tenter de réaliser son vœu, Auguste m'envoyait une lettre d'invitation à la confirmation de son fils, au mois de janvier. Il n'était donc plus la peine de les voir maintenant si nous nous rendions d'ici quelques mois à la cérémonie.

Je rencontrais Gabrielle, un matin, qui accompagnais son petit garçon pour la première fois à l'école communale. Dépitée, son époux lui avait dit que François ne fréquenterait à l'école qu’un ou deux ans, avant de suivre ses apprentissages à ses côtés, pour pouvoir lui succéder à l'atelier de sellerie– bourrellerie. Pour la rassurer je pouvais lui dire que quelques années, c'était tout de même mieux que rien…

Mon ventre grossissait assez lentement, mais tranquillement, je n'étais pas trop fatiguée, même si en novembre, je me trouvais alitée pour attendre la délivrance. Léon n'avait pas eu besoin d'engager de nourrice, puisque Gustavine, du haut de ses presque quinze ans, gérait André du mieux qu'elle pouvait, et confectionnait les repas. J'étais fière d'elle, qu'elle sache s'occuper ainsi de la maison me redonnait foi en l'avenir. Depuis mon lit, je la conseillais lorsqu'elle baignait André, et parfois, bien que je n’eus pas le droit, je me levais pour aller l'aider. Mon fils n'était pas un grand bavard et pour l'instant, il préférait s'exprimer par des cris. La tisane de sauge administrée pour mes douleurs au ventre déclencha mes contractions, elles devenaient de plus en plus fortes, et bientôt, insoutenables.

Pour ce cinquième accouchement, le dix – sept décembre 1782, je me souvenais du visage des matrones venues m'aider à mettre au monde mon bébé : elles étaient deux brunes, deux femmes âgées qui furent bienveillantes durant tout le long du travail. Je m'asseyais sur cette chaise, et très vite, après quelques poussées, les pieds apparurent, et c'est comme cela que je su avant sa naissance que j'aurais une petite princesse. Folle de joie, je m'empressais de l'attraper, toute nue et toute humide, pour la serrer contre moi. Elle pleurait fort, et cherchait à téter, mais avant de pouvoir manger, elle devait être conduite au baptême. Léon, qui attendait derrière la porte, s'empressa d'aller rencontrer sa fille, qui venait d'être lavée et emmaillotée. Après le baptême, alors que Malou, trop fière d'être la marraine du nouveau - né, regardait André qui la câlinait, je me souviendrais de ses mots.

— ‘’ Ça alors, elle dort ou quoi ? ‘’ Tapota t-elle de plus en plus fort la joue de l'enfant, inerte.

Elle venait en fait de nous quitter, en douceur, sans rien dire, ni même un pleur. Nous l’avions baptisé Louise. J’en restais affectée, parce que, même si je l'avais dit mille fois après chacun de mes accouchements, j'étais sûre que je n'aurais plus d'autre enfant et puis, mon unique fille aurait eu une belle vie. Nous la fîmes enterrer au cimetière communal auprès de son frère aîné Simon. Sur son acte de décès signé par le prêtre, il était noté qu’elle avait vécu une heure trente. Cela me bouleversa qu'une petite vie puisse partir aussi vite. Pour l'enterrement, Gabrielle nous accompagna, elle me fut d'un grand soutien dans ce moment plutôt éprouvant.

Avant qu'elle ne rejoigne la terre, j'embrassais la joue de ma fille une dernière fois. Pourquoi le sort s'acharnait -il ainsi sur nous ?

Suite au drame, après quelques jours au lit pour me remettre de l'accouchement et du décès de Louise, je m'empressais de remiser au grenier les affaires de bébé, et je commençais à ranger ma chambre, à récupérer les bibelots, je voulais partir d'ici, me reconstruire en quelques sorte une vie. Léon, au nouvel an, alors que je pensais au dixième anniversaire de notre mariage, précipita les choses. Nous devions quitter la maison avant la fin du mois de janvier, car le propriétaire de la librairie venait de tomber malade, et il fallait poursuivre les affaires au plus vite, avant une catastrophe financière pour le magasin.

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