Chapitre 15D: novembre - décembre 1766

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A la fin novembre, mes lunes cessèrent brutalement, à mon grand soulagement, car je trouvais ces effusions terriblement contraignantes et sales. En revanche, elles réapparurent en décembre, à mon grand dam. Au couvent, nous fêtions la messe de minuit, le six décembre, mais c'était tout. Ni gâteau, ni dinde, ni même babiole dans les chaussettes.

Comme tous les ans, j'envoyais une petite lettre à Camille pour lui souhaiter la nouvelle année, mais je n'eus malheureusement pas de réponse.

Une des filles du dortoir, dont le père était horloger, avait une magnifique pendulette de table, qui comprenait un planétarium indiquant en temps réel le mouvement des astres et une petite horloge. L'objet, tout doré, avait une grande valeur, aussi sentimentale que monétaire, et était très convoité par les autres élèves. Posé en temps normal sur sa petite table de chevet, il disparaissait un jour. Suzanne, de son nom, pleurait sans cesse, se lamentait contre le voleur de son objet fétiche, qui selon elle aurait été volé car personne ne l'aimait, que le monde lui en voulait injustement. Se sentant persécutée, elle menaçait de se taillader les veines, mais je pense qu'en disant cela, elle espérait surtout effrayer le voleur, qui se trouvait sûrement dans la pièce. Plusieurs jours passèrent, et Suzanne renonçait à son bel objet, redoutant les foudres de son père lorsqu'il apprendra la perte de la pendulette.

L'une des filles du dortoir nous parlait souvent de sa petite sœur Zoé, prénom qui signifiait '' la vie'' en grec. Comme je n'avais jamais entendu ce prénom auparavant, je le notais sur un papier. J'avais décidé de noter les prénoms rares que j'entendais et cela me passionnait. Loin des classiques Anne et Louis, certaines personnes portaient des noms plutôt inédits pour l'époque, comme Émile, Théo ou encore Emma.

Au mois de mars, une partie du toit fus arraché par une violente tempête. La pluie tombait à flots, le vent aurait décorné des bœufs, et des orages qui grondaient.

Je me trouvais un nouveau passe-temps, l'étymologie. Tant que je n'avais pas de dictionnaire, j'émettais des hypothèses, comme l'origine du mot berger, était-il dérivé de bâton ou berge ?

Comme je n'avais pas de dictionnaire approprié, j'envoyais une lettre à Camille pour qu'elle m'en envoie un, quitte à en détacher les pages, pour qu'il rentre dans une enveloppe.

Chère Camille,

Comme vous n'avez pas répondu à ma lettre du nouvel an, je m'inquiétais, allez-vous bien?

Comment avez-vous vécu la tempête du mois de mars ? Le toit du bâtiment des garçons s'est en partie arraché, et leurs affaires trempées, ils se trouvaient bien désemparés ! Élisabeth va – t- elle bien avec son nouvel époux ? Comment les enfants acceptent t - ils leur nouveau père ?

Continuait - elle à vous rendre visite ? J'avais au détour de cette lettre un service à vous demander, pourriez-vous me dénicher un dictionnaire étymologique ? C'est mon nouveau passe-temps, et j'aimerais vérifier mes hypothèses, envoyez-le en une ou plusieurs fois, quitte à détacher les pages pour les glisser dans l'enveloppe. Je vous remercie d'avance,

Louise.

Après quinze jours d'attente, je reçu enfin une réponse :

Chère Louise,

Veuillez m'excusez de ne pas vous avoir répondu, mais je dois prendre soin des enfants de France, car elle est alitée à cause de sa grossesse, et Marguerite est aussi très fatiguée, de par sa vieillesse. Je vous écris pendant la sieste de Georges, avant qu'il ne réclame son biberon. Je dois assumer beaucoup de tâches ici, car la nourrice ne vient plus et l'employée est assez empotée. Joseph ne fait que me regarder galérer, lorsque Thérèse tente de frapper Amédée, et que Georges réclame un biberon ou un peu d'attention. (Ne répétez surtout pas ce que je vais vous dire) Joseph passe son temps à engrosser son épouse, mais il n'assume pas même l'éducation de ses fils, alors qu'un quatrième enfant est sur le point d'arriver. France n'a pas même récupéré de son précédent accouchement qu'elle attend de nouveau un enfant, ce n'est tout de même pas humain ! Les enfants qui sont là, eux, n'ont pas l'attention de leurs parents, puisqu'un nouveau bébé arrive tous les ans !

Concernant votre demande d'un dictionnaire étymologique, je ne comprends pas votre demande, précisez, donnez-moi la définition. Je vous renvoie une lettre car Georges vient de se réveiller et Joseph va encore râler de l'entendre pleurer.

Camille.

Chère Camille,

Tout d'abord je vais vous dire ce qu'est un livre étymologique : il s'agit d'un livre sur l'origine des mots. Ensuite, ce que vous me racontez sur Joseph est aberrant bien que tout a fait rationnel pour les hommes d'aujourd'hui : telle est fondée notre société. Si vraiment vous trouvez cela ignoble, alors exprimez-vous envers lui, au risque de vous faire sèchement renvoyer. Personnellement, je ne trouve pas cela normal non plus, surtout le fait que vous deviez assumer un rôle qui n'est pas le vôtre, alors qu'en tant que père, il devrait au moins prendre soin de ses deux fils, ce qu'il ne fait pas. Cependant, un jour France cessera bien d'avoir des enfants, et elle pourra ainsi s'en occuper pleinement.

(Ce sujet est assez délicat, et je vous prie, pour éviter les coups, de détruire les lettres une fois lues, ce que je ferais moi-même avec vos épîtres.)

Louise.

Camille ne m'envoya pas d'autres lettres, et ma demande de dictionnaire resta vaine.

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