Chapitre 18I: mars 1770 ⚠

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Une fois qu'Auguste eût terminé de manger, Camille débarrassa la table, et un peu plus tard, nous prîmes notre repas toutes les deux. Bien que ma sœur cuisine assez bien, son pot au feu me déplut, elle n'avait pas pris le temps de bien cuire ses pommes de terre, sa viande saignait encore, et je n'aimais pas beaucoup les navets. Je mangeais tout de même pour honorer la cuisinière, qui avait pris le temps de faire ce plat. L'après–dîner, le fils refusa de dormir, devant considérer qu'il avait assez passé de temps dans son berceau ce matin-là.

Lorsque j'annonça à Camille que nous avions déménagé, elle ne fit que soupirer.

Cette dispute nous avait éloigné un moment, mais après notre réconciliation, nous nous étions rapprochées encore plus. Cet après–midi là, nous passâmes un temps à discuter, puis à jouer avec Auguste. Le petit garçon, neuf mois et quatre dents, avait un caractère plutôt passif et fragile, comme son père. Quand nous étions installées sur le fauteuil et que je le tenais sur mes genoux, il réclamait vite sa mère, en râlant, et lorsqu'il n'était pas satisfait, il jetait son hochet d'argent par terre. L'enfant régurgitait le lait qu'il venait d'avaler, sans cesse, partout. Quand sa mère l'avait sur les genoux, il vomissait par jets. Camille espérait qu'il cesserait ces désagréments une fois qu'elle l'aurait sevré, et qu'il mangerait sa bouillie.

Le soir, après que j'eus dit au revoir à Camille, je cherchais Chocolatine pour rentrer à la maison. Je ne la trouvais pas, où aurait-elle bien pu aller ? Durant la journée, je l'avais oubliée, et je priais pour qu'elle ne se soit pas enfuie, car cela m’aurait valu les foudres de Célestin. Après avoir cherché dans tout l'appartement, je dû me rendre à l'évidence qu’elle était partie. C'est avec de la peur que je rentrais chez moi, une peur légitime puisque Célestin me gifla et vociféra ces mots qui ne me plurent pas énormément.

— '' Espèce d'idiote ! Si vous êtes assez incapable pour perdre une nègre dans un appartement, alors vous êtes une vraie fille, Louise, maladroite, et étourdie en plus !''

Je ne pouvais rien répondre, tout juste aider Célestin à afficher des avis de recherche pour celle qui serait très sévèrement punie si retrouvée. Je me remettais aux fourneaux et au ménage, en espérant qu’elle revienne vite. Deux jours après, un homme se présenta chez nous en disant avoir trouvé ce matin une nègre cachée dans sa cave, qui correspondait bien au portrait placardé dans la ville.

Nous nous y rendîmes, et Célestin afficha son contentement, c'était bien elle. La grosse noire, assise dans un coin de la pièce humide, attendait sans doute que l'on vienne la récupérer. Célestin, énervé contre cette nègre qui lui avait fait perdre son temps, allait sans doute le lui faire payer.

Célestin donna quelques sous à l'homme plutôt honnête qui aurait aussi très bien pu la garder pour lui, et nous rentrâmes, moi tenant fermement en laisse Chocolatine.

A la maison, Célestin retira de force sa robe à Chocolatine, qui se retrouva donc entièrement nue devant nous. Je regardais rapidement ses seins flasques qu'elle tentait de dissimuler avec ses bras, le triangle noir qu'elle portait entre les deux jambes, elle ressemblait à une femme, mais ce n'en était évidemment pas une. Bien décidé à l'humilier, Célestin la força à tenir ses mains au-dessus de sa tête pour ne pas lui permettre de cacher sa poitrine. Enfin comme ultime punition, il l'enferma sur le balcon. En la voyant grelotter de froid, j'eus un instant de pitié : sûrement née dans un pays chaud, ce décalage de température devait lui être insupportable. Avant que j'ai eus le temps de demander à Célestin de la faire rentrer, celui-ci fis cesser sa sanction. Une fois rhabillée, elle se remit aux fourneaux, et personne ne ressassa l'incident de la journée.

Pendant le repas, Célestin me fit part de sa révolte contre les opposants à l'esclavage, en gros titres dans les journaux.

—''Quelle idée de vouloir abolir l'esclavage ! Tu es bien avec nous Chocolatine, n'est-ce pas ?''

La nègre n'eus d'autre choix que de répondre par l'affirmative, et de Célestin de clore.

—''Pourquoi vouloir changer un système qui fonctionne si bien ?''

Nous assistâmes à une pendaison, un samedi, en mars, j'eus des hauts le cœur, le condamné se débattait les pieds dans le vide, tenant la corde de ses deux mains comme s’il voulait la desserrer de son cou. La mise à mort avait été mal calculée, la nuque ne s'étant pas brisée sous la chute de l'homme. Le décès ne fut déclaré qu'au bout de cinq longues minutes.

Un jour, alors que je me rendais chez Camille, j'assistais à une scène de couple. Auguste m’aperçu, et me prit à partie, sans que je ne comprenne rien.

— '' Louise vous êtes d'accord avec moi ?''

Je gonflais les joues.

—''Que s’est t-il passé au juste ?''

—''Camille dit que ma mère est trop invasive, ce qui n'est pas vrai, elle vient quand il le faut, pour voir Auguste fils.''

Camille râla.

—''Votre mère vient voir son petit–fils uniquement pour me critiquer négativement sur la façon dont je le soigne et dont je m'habille, et je n'en peux plus...''

—''Mais c'est ma mère, elle veut voir Auguste et je trouve cela normal, vous ne pouvez pas l'en empêcher. N'oubliez pas qui le garde quand nous nous absentons.''

Sur ces mots, Auguste quitta la pièce. Camille continua de marmonner.

— '' Je déteste la belle–mère depuis la naissance de mon fils. Alors qu'avant je l'appréciais presque, maintenant elle vient à l'improviste, et me fait sans cesse des remarques sur la façon dont je me tiens, même mes cheveux sont passés au crible, alors que je n'y fais rien de particulier.''

—''Que voulez-vous qu'Auguste y fasse ?''

—''Je voudrais qu'il se rende compte du comportement de sa mère. Elle est insupportable, je ne pensais pas en me mariant que ce serait si difficile...''

—''Lui avez-vous annoncé votre grossesse ?''

—''Non, mais pourquoi me demandez-vous cela maintenant ?''

—''Peut-être cela le calmera t-il.''

—''Moi ce que je pense, c'est que la belle–mère aura deux fois plus de raisons de venir chez nous.''

—''Vous ne voyez que la vision négative, mais pensez donc au poupon que vous aurez dans les bras d'ici quatre ou cinq mois...

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