Chapitre 19M: janvier - avril 1771

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Le lendemain, je retrouvais Charlotte sur la place du marché, vêtu de ses plus beaux habits, c'était une femme d'une trentaine d'années dont la chevelure était cachée sous un grand chapeau bordeaux usé, je pouvais tout de même par les fines mèches qui s'y échappaient savoir qu'elle était blonde. Nous nous rendîmes chez Louis, dont je considérais depuis peu l'appartement comme mon logis. Il n'y avait personne, pas même Madeleine. Le silence de mort fut tout à coup coupé par un pleur d'enfant venant d'en bas. Je l'invitais à s'asseoir, et lui servis le thé. Nous fîmes plus ample connaissance, et j'appris qu'elle vivait dans un minuscule deux pièces avec son mari malade et alité depuis un an, ses deux neveux orphelins, sa belle–mère et sa fille de deux ans. Je su aussi qu'elle cousait des tapis pour faire vivre sa famille, je pense qu'elle fut étonnée de voir dans quel luxe je vivais. Malheureusement, au bout d’à peine une heure, elle dut rentrer, elle était seule avec sa belle –mère vieille et gâteuse à entretenir le logis et les trois enfants. Quelque peu déçue, je la raccompagnais devant chez elle. Enfin au bout de la rue, car elle refusa de me montrer son immeuble miséreux, et nous nous promîmes de nous revoir. Le soir, je parlais avec Louis et Madeleine de la vie difficile qu'elle menait, qui d'ailleurs s'apparentait plutôt à une survie quotidienne.

Heureusement, ma petite blessure au cœur se répara rapidement lorsque je vis la bonne humeur sur son visage le lendemain au parc avec sa fille Béatrice, et ses neveux Paul et Jean, les fils de sa sœur décédée avec son mari il y a quelques années dans un incendie. Tandis que nous parlions, les enfants jouaient, sa petite Béatrice était un peu garçonne, remuant la poussière, goûtant la neige, se barbouillant de terre humide, rapportant avec grand plaisir des cailloux a sa mère, au lieu des fleurs habituelles. Sur sa robe de toile, elle avait enfilé une veste trop légère pour ce froid mordant. La petite ne s'en plaignait pas, malgré ses jambes nues.

L'état d'Auguste s'améliorait doucement, a force de repos, tisanes et lavements, mais il restait encore alité. J'aidais de temps en temps Camille, mais je préférais, pour être franche, passer du temps avec Charlotte. Février passa, mars aussi, avec la guérison complète d'Auguste et en avril, les dix ans de Thérèse. Je lui offris une robe, et ses parents un chapelet et un livre de prières. Comme Philippe et Georges avaient grandi ! Georges fêterait cette année ses six ans, tandis que Philippe aurait quatre ans. Deux adorables garçons blonds comme leur mère, que j'aimais beaucoup.

Vers midi, le vingt-neuf avril, tandis que j'étais assise sur un banc près de Camille, il arriva dans l'église vêtue d'un costume, au bras de sa marraine, et s'agenouilla devant l'autel pour attendre sa promise. Madeleine arriva avec son père, et la cérémonie commença. Tout se passait bien, quand le fils de Camille perdit patience au milieu de la cérémonie et cette fois, son père le prenais par la main pour le faire sortir de l'église. L'enfant, sans doute surpris par le fait que son père s'occupe de lui, retourna ensuite s'asseoir sagement, et ne dit plus rien jusqu'à la fin. Quand tout fut terminé, nous rentrâmes chez nous accompagnés des parents et des frères et sœurs de Madeleine. Je fis connaissance avec la famille : ma belle - sœur était deuxième d'une famille de cinq enfants, dont le benjamin avait vingt - quatre ans et l'aînée vingt - neuf ans. C'était une charmante jeune femme veuve depuis quelques mois qui était mère de quatre enfants plutôt turbulents : dès le début du repas, le plus jeune, Donatien, s'empara d'une plume et d'un encrier. Il brisa la plume et vida l'encrier sur la table a manger dressée pour le repas. Son grand - père le tira par l'oreille et le conduisit dans ma chambre.

Le jeune garçon y passa son après - midi, tandis que nous dévorions viandes en sauces et gâteaux gargantuesques et levions nos verres en l'honneur des jeunes époux. L'après-midi nous le passâmes attablés, discutant de ci et de ça, buvant mon thé, piochant dans le plat a biscuits et grignotant en parlant, je faisais connaissance avec les frères et sœurs de Madeleine, il y avait Jeanne l'aînée, Madeleine la deuxième, puis François, Henri et Claude les trois frères, tous mariés et pères. Chacune de leur épouse portait un enfant, mais tandis que l'une était enceinte de quelques mois de son premier, les deux autres attendaient leur troisième pour les mois de juin et juillet.

Les parents de Madeleine me parurent relativement jeunes, sa mère, qui ressemblait énormément à chacun de ses enfants, parlait avec nous, aussi elle posait des questions mais le père se taisait en se contentant d'écouter. à la fin de l'après midi lorsque les enfants qui s'ennuyaient commencèrent à taper sur les nerfs du grand - père, qui n'avait plus beaucoup de patience, les mères se proposèrent de les emmener se promener. Dès lors le calme revint. Une heure a peine après, ils rentrèrent et nous prîmes sans grande faim notre souper, avant que Louis ne coupe toute conversation :

—''Nous y allons Madeleine ? Demanda-t-il a sa jeune épouse en pliant sa serviette.

Elle lui répondit en le regardant amoureusement :

—''Un instant je vous prie. Maman voulez - vous m'accompagner ?

Sa mère, qui était la plus anxieuse, suivait sa fille dans une des chambres, Madeleine qui ressortait deux minutes plus tard les cheveux lâchés, nu pieds et en robe de nuit, avant de rejoindre son mari pressement dans sa chambre.

La mère retourna ensuite s'asseoir à nos côtés un peu perturbée, l'air absent. Les jeunes époux allaient passer leur premier moment intime ensemble, c'était un comble de savoir la mère de la mariée plus stressée que la mariée elle-même !

Le père de Madeleine, au bout de seulement trente minutes, alla frapper à la porte pour s'assurer que les mariés sortiraient rapidement. Cette attitude m'énerva énormément, j'étais d'accord avec son épouse qui lui disait de les laisser en paix. Quand Madeleine et Louis sortirent enfin, quelques quinze minutes plus tard, il alla lui même vérifier les draps, les jeunes gens ayant vécus plus d'un an ensemble avant de se marier, il était pour lui indispensable s'assurer que la mariée avait mérité sa robe blanche. Les draps étaient bien tâchés, nous n'étions pas sûr de quel sang mais en tout cas, cela passait aux yeux de la famille. Les jeunes époux retournèrent se coucher chacun dans leur chambre rapidement après, tandis que nous finissions de prendre notre repas.

A la fin de la soirée, la famille quitta les lieux et je restais un peu auprès du feu, avant d'aller me coucher.

Depuis le mariage de mon frère, je me faisais le plus discrète possible, ayant comme seule préoccupation de ne pas les gêner. J'avais peur qu'ils me demandent de partir et de ne pas savoir où aller. Quelques jours plus tard, un soir, j'entendis un conflit derrière la cloison, et là, mon cœur se mit à battre très fort : et si j'étais le sujet de la dispute ? Je me bouchais les oreilles comme une enfant qui ne voulait pas entendre ses parents se crier dessus.

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