Chapitre 19J: novembre 1770

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Avec prudence, nous descendîmes de la voiture. Je revois encore Camille marcher jusqu'à la plage et retirer ses chaussures pour sentir pour la toute première fois de sa vie la froideur du sable sous ses pieds. Elle me regarda en souriant largement, cette fois, c'était un vrai sourire, un de ceux qui donnent du baume au cœur. Moi aussi je retirais mes chaussures, et les tenant à la main, j'avançais près d'elle. Nous marchâmes un peu puis nous nous assîmes sur le sable pour profiter de l'instant. Je ne sais pas ce qui me passa par la tête à ce moment-là mais mon cœur se mit à battre très fort : je roulais de mes mains une boule de sable, et la lançais sur Camille. J'eus très peur de sa réaction, mais celle-ci fus surprenante, elle fit de même avec moi. Je me levais et courais pour éviter une nouvelle attaque de sable, mais Camille me poursuivait sans me laisser de répit, le sable se retrouvait dans mes vêtements, me grattait, mes cheveux étaient bon pour être lavés, et ma bouche craquante. Je n’avais pas ris aussi fort depuis longtemps, les larmes qui s'échappaient de mes yeux dans la force du combat faisait se coller les grains sur mes joues.

Notre jeu cessa brusquement lorsqu'une voix masculine se fit entendre derrière nous.

— '' Mesdemoiselles, vous êtes seules ? Nous demanda t-il

—'' Nous n'avons pas le droit de parler aux inconnus. (Je riais en disant cela mais je voyais que l'homme ne partageait pas ma joie.)

—'' Je suppose que vous êtes mineures, vous devez être accompagnées d'un homme.

Je m'indignais en mentant.

—'' De quel droit estimez-vous ainsi notre âge ? Nous sommes majeures et mariées, alors je vous prie de ranger votre langue.

L'homme, quelque peu naïf, devint rouge, puis il fit demi-tour sans ajouter un mot. Soulagées de ne pas avoir à rentrer de suite, nous reprîmes notre pause sous le soleil de novembre. Malheureusement, personne ni même la météo n'étaient avec nous ce jour-là, et il se mis à tomber de grosses gouttes de pluie accompagnée d'un vent glacé. Nous courûmes aussi vite que nous le pûmes nous réfugier dans la voiture en attendant que la pluie passe. Je regardais l'heure : il était onze heures moins deux, et le ciel était encore bien sombre. Voyant tout de même que la pluie avait cessée, nous remîmes nos chaussures et sortîmes toutes deux de la voiture, pour profiter encore un peu du bon air marin. L'odeur de la mer mêlée à celle de la pluie donnait un temps humide mais agréable. J'avais froid.

—'' Alors Camille, que pensez-vous de la mer ? Lui demandais - je —''impatiente d'avoir son avis.

—'' Pff... C'est le plus beau cadeau que vous pouviez me faire. Ne vous braquez pas mais je suis inquiète pour Marie - Louise et Auguste, ce séjour est incroyable bien sûr, mais j'ai quand même hâte de les retrouver.

J'étais déçue, je pensais qu'elle ne voudrait pas partir d'ici, quelle joie je me faisais lorsqu'elle partageait mon opinion ! Mais je n'étais ni mère ni épouse et je tentais de la comprendre. Ce n'était pas facile, bien sûr...

Vers treize heures de l'après–midi, lorsque je m'apprêtais à proposer à ma sœur de rentrer chez Guillaume pour prendre le dîner, celle – ci me fâcha.

— '' Quelle heure est-il ? Demanda-t— Elle soucieuse

—'' Treize heures... cela vous dirait de rentrer chez Guillaume pour manger ?

—''Et cette après – midi, que ferons-nous ?

—''Je n'en sais rien... nous irons sans doute nous promener, j'ai trouvé un sentier de balade sympathique.

— Il ne fait pas beau et mes chaussures me font mal aux pieds... A quelle heure rentrerons-nous à Paris ?

—''D'accord, j'ai compris Camille. Ce que je vous propose ne vous intéresse pas, vous souhaitez uniquement retrouver vos enfants chéris et votre foyer. Dans ce cas-là nous rentrons, ce n'est pas la peine de chercher à faire quoi que ce soit à faire.

—'' Arrêtez Louise, ce n'est pas ça.

—'' Que dites-vous ? Alors quel est votre problème Camille ? J'aimerai savoir parce que cela m'agace. Voilà que je passe un mois à négocier ce séjour pour vous, que je tente de vous faire plaisir, et vous me tannez pour rentrer au bout d'une heure. C'est bien dommage de faire quarante heures de route pour ce résultat. J'ai raté mon cadeau et je le regrette, maintenant rentrons.

Camille tenta de rattraper ses paroles trop vite dites :

—'' Attendez Louise... je vous en prie écoutez-moi...

Je lui criais dessus un peu méchamment, je l'admets :

—'' Pourquoi je fais tout cela pour vous ?! Vous croyez que c'est uniquement pour moi ?! Moi aussi je suis fatiguée Camille, comprenez - le un peu, enfin !

Tandis que je prononçais ces mots, Camille se mettait dans une position de vaincue. La tête et les yeux baissés, elle comprenait bien que je ne plaisantais pas. Bien sûr, je ne comptais pas rentrer, juste lui donner une leçon de respect. Ma grande sœur ne disait pas un mot durant la petite heure que dura notre trajet vers la maison de Guillaume. Aussitôt rentrées, nous nous assîmes toutes deux à la grande table (eux avaient déjà pris leur repas), et la mère de famille nous servi la soupe et le pain. Dès que la femme fut partie, les trois petites filles bien curieuses vinrent à notre rencontre : « Comment vous appelez vous ?» ; « d'où venez-vous ?» Ou encore, ma sœur eut le droit à « quel âge avez-vous ? » Par la benjamine.

Entre deux bouchées de pain, nous leur rendîmes leurs questions. La plus petite, Fanchon, n'avait que trois ans ''et demi'', comme elle aimait rajouter pour signifier qu'elle fêterait prochainement ses quatre ans, la cadette, Jeanne, avait six ans et Mathilde, la grande, était âgée de huit ans. Les trois charmantes fillettes furent bientôt rappelées par leur mère pour un motif inconnu, et nous ne les revîmes plus. Une heure plus tard, nous chargeâmes nos malles dans la voiture avant de retourner voir la mer une dernière fois.

Nous dîmes adieu à la maison Océane, remerciâmes la mère de famille pour son hospitalité et partîmes saluer une dernière fois la mer. Elle me parut encore plus belle, encore plus mystérieuse que le matin même, et le temps auprès d'elle passa bien trop vite selon moi. Quand seize heures sonnèrent au clocher de l'église, nous reprîmes avec regret le chemin de Paris. Le temps fut clément sur le trajet du retour, mais nous dûmes tout de même nous arrêter souvent pour nourrir, abreuver les chevaux et par deux fois, remettre un fer décloué à un des animaux. Je profitais du soleil, confortablement assise sur le siège surélevé du cocher, puis quand le soleil baissa d'intensité, nous nous arrêtâmes dans une auberge pour passer la nuit, il était bien trop dangereux de rouler une fois le jour disparu, d'abord la visibilité n'existait que grâce à la lune, puis les brigands présents en grand nombre au bord des routes n'hésitaient pas à piller les voitures et violer les femmes.

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