Chapitre 21E: octobre 1772 - janvier 1773

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On envoya dès la mi-octobre ma sœur dans un hôpital au bord de la mer, en Normandie, pour soulager ses poumons malades, que le médecin avait diagnostiqué comme tuberculeux. J'espérais qu'elle en revienne quelque peu guérie, mais je craignais que le voyage ne l'épuise et n'aggrave son état.

Je pu bientôt rencontrer les deux petites filles de Léon : Caroline et Gustavine, âgées de trois ans et quatre ans et demi. Celles-ci, adorables, me firent un baiser chacune sur une joue pour me saluer. Caroline avait des yeux bleus splendides, des cheveux blonds soyeux, un visage rond et des joues rouges que l'on avait envie de croquer. Sa sœur, pourtant brune, était son portrait craché, bien que, je ne sais pas si c'était le fait qu’elle était plus âgée, je la trouvais moins mignonne.

Après avoir fait connaissance, je me disais que finalement, ce mariage ne serait peut - être pas si horrible que cela.

Je passais encore du temps avec mon amour, je ne voulais pas le perdre, je l'aimais trop fort. L'idée de partir avec lui m'effleura plusieurs fois l'esprit, mais encore fallait -il savoir où et par quels moyens. Mathurin n'acceptait pas l'idée de me voir mariée et plusieurs fois il me reprocha de ne rien faire pour empêcher cette union, j'avais beau lui dire que je ne pouvais rien y faire, il ne voulait pas entendre raison. Nous passâmes plusieurs nuits aussi tendres que délicieuses ensemble et malgré notre méthode de limitation des risques, je m’apercevais en décembre que j'étais enceinte. Ce n'était pour moi pas possible, qu'allais - je faire ? C'était inévitable, mais je ne croyais que cela n'arrivait qu'aux autres. A un mois de mon mariage, je paniquais. Absolument pas résolue à inquiéter autour de moi, je décidais seulement d'en faire part à Mathurin. Il me parut horrifié, comme si ces erreurs auparavant loin de lui se rapprochaient subitement. Après réflexion et calculs, cet enfant naîtrait de mon union avec Léon. Déjà grosse de quelques semaines, il allait me falloir être discrète pour faire persister le mensonge aussi longtemps que possible. Je priais juste pour que l'enfant ne ressemble pas à son père...

Camille revint de sa cure juste avant la nouvelle année, mais ses poumons étaient toujours aussi rongés par la maladie. Ses enfants vinrent l'embrasser un par un jusqu'à sa couche, le petit Michel pleurait sans cesse parce qu’il entendait sa mère tousser très fort, sans pouvoir identifier l'origine de ce bruit, je lui expliquais que sa mère était très malade, je lui décrivait les larmes qui coulaient sur ses joues, le mal qui la rongeait.

J'avais décidé de m'occuper de ma sœur, de prendre en main ses soins, dont pour certains, très intimes, ne pouvaient pas être laissés à une simple bonne embauchée en vitesse par Auguste. Comme je ne pouvais pas non plus rester jours et nuits auprès de ma sœur, la bonne cuisinait et lui donnait à manger, faisait sa toilette du visage, l'emmenait au pot de chambre, cependant, loin de l'abandonner, je passais tous les trois ou quatre jours pour lui donner un bain, la rassurer, changer sa robe de nuit. J'aurais voulu l'emmener se promener, mais elle était trop fragile, trop maigre et surtout, contagieuse.

Je me souviens de la boule au ventre terrible le jour de mon mariage, célébré le lundi quatre janvier 1773. Le matin, lorsque ma cousine France vint m'aider à m'habiller et qu’elle vit que je n'étais pas dans mon assiette, j'eus l'horrible peur qu'elle voit mon ventre déjà un peu arrondi. Heureusement, elle ne soupçonna rien de ce côté-ci et me rassura même quelque peu.

—''Vous êtes anxieuse, je le sens. Détendez - vous... Moi aussi j'avais peur le jour de mes noces, mais regardez aujourd'hui tout va bien !

Quand je pénétrais dans l'église au bras de mon frère, je ne me sentais pas bien du tout. J'aurais fait un malaise si je n'avais pas souri en pensant à l'enfant que je portais de mon amour, à qui j'avais dû pourtant renoncer. Léon était déjà agenouillé près de l'autel, aussi je le rejoignais tremblante, les mains moites. Le prêtre nous demanda nos consentements mutuels, aussi j'acceptais la voix hésitante, au moment où Léon me passa l'anneau au doigt, je regardais l'assemblée séparée des deux côtés de l'église : les hommes à droite et les femmes a gauches qui me souriaient pour m'encourager. Nous reçûmes la bénédiction nuptiale, aussi nous récitâmes ensuite les prières apprises par cœur et longtemps récitées devant France et le miroir. Enfin, je me releva en tenant ma robe, pour quitter au bras de mon mari l'église dans ma longue robe blanche qui traînait sur le sol.

C'est sous la neige que nous sortîmes et mon époux me montra l'appartement qu'il avait occupé avec sa femme durant huit ans, malheureusement à plusieurs lieues du domicile de Camille. Cet appartement comportait cinq petites pièces : trois chambres, un salon, et une cuisine.

Épuisée par ce petit être qui accaparait mon corps autant que mon esprit, je fis n'importe quoi quand il me fallut préparer le repas du midi pour la belle famille. En effet autour de la table étaient réuni les parents de Léon, ses deux sœurs, leurs enfants et époux. C'est là que je su que tous étaient hypocrites, puisqu’ils firent mine d'apprécier ma bouillie de légumes censée être un ragoût. Pour tenter d'échapper à mon sort ce soir et ainsi sauver mon enfant, je prenais la décision de sortir me promener avec Caroline et Gustavine. Je voulais qu'elle dure longtemps cette sortie, très longtemps, j'aurais voulu me perdre dans les rues de Paris ou mourir de froid sans rien dire et sans douleur, mais pas retrouver mon époux. C'est uniquement lorsque les petites filles commencèrent à se plaindre du froid que je décidais de rentrer. "Mon enfant, vous naîtrez et vous verrez la lumière du jour, je vous le promets''.

C'est sur cette promesse que je fis une prière, ce bébé était une continuité de mon amour pour Mathurin, il devait vivre. Après le gâteau du dessert avalé, je me plaignais d'une soit disant fatigue pour aller pressement me coucher, en ayant soin de verrouiller la porte à clef de ma chambre pour qu'il ne vienne pas me déranger. Le lendemain j'évitais de croiser son regard, je ne voulais pas qu'il me reproche quoi que ce soit.

Un soir, alors que je venais de réaliser que sans consommation du mariage je ne pouvais pas faire croire à la paternité de Léon, qu'une consommation tuerait mon bébé mais aussi que si loin de ma sœur je ne pouvais pas venir la rassurer sur son sort si incertain, je me trouvais dépassée par les événements. En dernier recours j'envoyais une lettre à Mathurin, qui je l'espère répondrait par des conseils. Au bout de trois semaines je n'avais pas de réponse. Salaud, salaud, salaud...Me lamentais - je plus tard sur mon lit. Amoureux quand cela l'arrangeait mais incapable d'assumer ma grossesse dont il n'était pourtant pas étranger. Finalement je ne pouvais plus garder cet enfant.

Quand Léon finissait par m'empêcher de lui bloquer l'accès à ma chambre le soir, bien que dégoûtée, je dû me laisser faire. La seule solution que j'eus pour ne pas vomir fus de fermer les yeux et de penser très fort à ma sœur chérie en relativisant tout en me disant que cela me permettrait d'avorter. Je priais secrètement pour sa mort tout en souffrant le martyr, si bien que le lendemain j'avais mal en marchant. Alors que je croyais que j'allais forcément perdre mon bébé, ce que l'on m'avait toujours affirmé tomba à l'eau. L'enfant, bien installé, ne voulait pas mourir et j'avais beau guetter le pot de chambre, jamais il ne tombait dedans.

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