Chapitre 22G: février - avril 1774

3 minutes de lecture

La nourrice de Léon - Paul fut renvoyée dès février, désormais je le nourrirais de biberons de lait de chèvre et d'une bouillie de céréales préparée par mes soins, qu'il adorait. Depuis le départ de sa mère, Malou la réclamait sans cesse, alimentant ma douleur quand a son absence. C’était bête de ma part de lui dire qu'elle rentrerait à la maison, je pense que c'était surtout pour ne pas m'avouer a moi même qu'elle ne reviendrait pas.

—''Quand maman elle va rentrer ?

—''Bientôt Malou, bientôt...

—''Est - ce qu'elle sera là pour mon anniversaire ? Celui de mes quatre ans ?

—''Mais bien sûr, que croyez-vous ? Elle est partie pour seulement quelques semaines, et elle vous fera même un baiser en rentrant.

—''D'accord mais pourquoi on a changé de maison ? Et d'abord où sont papa et Auguste ?

—''Je vous ai déjà expliqué, tout cela n'est que temporaire, c'est à dire que ça ne durera pas. Quand votre maman rentrera, vous retrouverez votre appartement, votre papa, et votre frère aîné.

—''Je peux envoyer une lettre a maman? elle me manque.

—''Je l'écrirais si vous voulez. Que voulez-vous lui dire ?

—''Maman, vous me manquez, je voudrais bien... non, j'aimerais bien vous faire un baiser. Quand vous rentrez, je ''voierais'' papa et Auguste, car pour l'instant je ne sais pas où ils sont. Rentrez vite maman, et guérie et pas dans votre boîte noire.

Malou.

La lettre fut écrite, et j'allais même l'envoyer, mais mon esprit un peu embrouillé s'éclaircit douloureusement : sa mère, ma sœur chérie, était morte et ne reviendrait jamais parmi nous. Je posais la lettre sur mon bureau et l'oubliais un temps, mais ma nièce ne tarda pas à me le rappeler.

—''Pourquoi vous l'avez pas envoyée ?! Vint-elle un jour me voir dans le salon en brandissant le papier, dans une colère certaine.

—''Je vous interdit formellement de fouiller dans mes affaires, donnez-moi cette lettre.

—''Non !

—''Ne posez pas de question, c'est comme ça. Donnez-la moi.

Malou, visiblement très déçue et dans l'incompréhension totale, me tendit la lettre, avant de repartir, les larmes qui perlaient sur ses joues roses et rebondies.

J'entendis Gustavine la consoler dans la chambre, elle lui disait :

—''Chuuuuut... séchez vos larmes... votre maman veille sur vous de son nuage...

—''Elle n'est pas sur un nuage, elle est dans la boîte, et moi... moi je ne sais pas quand elle reviendra, elle me manque...

—''Mais elle ne reviendra pas Malou...

—''Pourquoi ? Louise elle a dit que maman elle sera là à mon anniversaire.

—''Elle vous a menti, votre maman ne reviendra jamais plus. Les adultes appellent cela la mort.

Malou pleura beaucoup, même si le sens de cette phrase '' jamais plus'' n'avait pas trop de valeur a son âge, c'était surtout la mort qui lui parlait, avec les représentations du diable et des anges sur les livres qu'elle regardait et les quelques passages de la Bible que je lui avais lu.

Il pleuvait dehors, et le vent soufflait fort, nous restions au chaud, coincés dans ce logis exigu. Malou m'en voulait de lui avoir menti, Léon - Paul faisait ses dents et avait souvent les joues rouges et de la fièvre.

Dès le mois de mars, Léon recommença à me rejoindre dans mon lit très discrètement et très rapidement certains soirs. Dès la fin du mois d'avril, des maux de ventre et un arrêt brutal de mes lunes me rendirent à l’évidence : j'étais enceinte, ce qui m'inquiétait énormément. Accueillir un nouvel enfant dans cette situation était pour moi de l'inconscience, et lorsque j'en fis part à Léon, il me rassura.

—''C'est une excellente nouvelle. Voilà qui va définitivement résoudre nos questions de déménagement : désormais nous n'avons plus le choix, il faut trouver un logis plus grand avant la naissance. Quand ?

—''D'après mes calculs, entre le mois de décembre et le mois de janvier prochain. Attendez un peu avant de l'annoncer aux enfants, si jamais vous ne trouvez pas de nouvel appartement plus grand, je m'en débarrasserai discrètement, ni vu, ni connu.

—''Vous n'aurez pas à vous en débarrasser, je trouverai, c'est sûr.

Cette fois, j'étais bien décidée à m'en débarrasser si nous ne trouvions pas de nouveau logement : il était hors de question et de toute façon impossible d'accueillir un nouvel enfant dans cette promiscuité invivable. Sans doute me serait-t-il difficile d'interrompre ma grossesse, mais je n’hésiterais pas à le confier à l'hospice aussitôt né.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0