Chapitre 22D: août - décembre 1773

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A ma soeur adorée Camille, décédée le 28 décembre 1773 dans sa vingt-septième année. ( 2 novembre 1746 - 28 décembre 1773)

Le 26 août, je me rendis à l’église Sainte–Geneviève accompagnée de mon mari pour mon amessement, une petite cérémonie coutumière pour me débarrasser de mes ‘’ impuretés ‘’ attrapées lors de ma grossesse et mon accouchement, et me faire pardonner pour avoir manqué des messes. Mon bébé grandissait étonnamment vite : à deux mois déjà il ne ressemblait plus à un nouveau - né et il me fit son premier grand sourire lorsque je lui montrais son reflet dans un miroir. Nous étions en septembre, mais il faisait toujours aussi chaud, ce fus le sept l'anniversaire de Gustavine, à qui l'on souhaita ses cinq ans et le treize, c'est Marie - Louise qui souffla sa troisième bougie et elle eut le droit exceptionnel de recevoir un prompt baiser de sa maman, ce qui leur déclencha un grand sourire à toutes les deux.

Alors que son état semblait s'être quelque peu amélioré ou du moins stabilisé, Camille rechuta brusquement. Il n'y avait plus d'espoir, ses poumons ne lui laissait plus qu'une respiration très saccadée, couplée à une toux rauque et terrible. Ses draps étaient maculés de sang, car elle en crachait sans cesse depuis quelques temps, ce qui faisait peur à voir.

Je tombais malade en septembre et un petit incendie se déclara dans le quartier où je vivais, vite éteint heureusement. Durant les quelques jours où je fus alitée, c'est France qui vint pour prendre soin de Léon - Paul, elle prit son rôle à cœur et ne manqua pas de me rappeler l'irrépressible envie qu'elle avait d'être maman pour une septième et (dernière) fois. Tout alla très vite puisqu’elle m'annonça avec extase sa grossesse au début du mois de décembre, un nouveau bébé à naître au printemps qui la rendait heureuse et excitée comme une enfant.

Depuis que l'état de Camille avait gravement empiré, et que le curé lui avait même administré l’extrême onction, je m'assurais de rester le plus souvent auprès d'elle, pour la rassurer et être présente à ses côtés. Nous étions le vingt-huit décembre, il était tard dans la nuit, je lui tenais la main très fort pour qu'elle sache que je ne l'abandonnerais pas, bien que je sois très fatiguée. Même si je tentais de rester éveillée, la fatigue m'emporta et le matin, quand je me réveillais, les yeux de Camille étaient grands ouverts mais sans réflexes, sa main glacée et elle ne respirait plus. Je tentais de la réveiller, en vain. Je hurlais. Auguste accourut avec le médecin. La seule chose qu'il pouvait faire, c'est écouter son cœur, et me regarder en bougeant négativement la tête. Il déclara que ma sœur était morte vers six heures et il signa ainsi le certificat de décès.

Je n'y croyais pas, et bientôt la douleur fus indescriptible, atroce, horrible, comme un poignard qui vous transperce le cœur en enfonçant sa lame et en tournant cruellement sur lui-même dans la plaie. Je pleurais à chaudes larmes avant qu'elles ne se tarissent. Je restais agenouillée en tenant la main de Camille toute la journée, tandis que la famille venait se recueillir sur son corps raide et inerte et allumait un cierge en sa mémoire.

En fin de journée, je décidais de passer un peu de temps avec elle. Je verrouillais la porte encore sous le choc, et je la déshabillais doucement de sa robe de nuit blanche. Son corps inerte et nu se dévoila sous mes yeux, sur son ventre, des zébrures violettes qui ressemblaient à des cicatrices, témoignage de ses trois grossesses successives, trois blessures que son corps encore si jeune n'avait pas bien acceptées. Sa poitrine était voluptueuse, ses formes généreuses, je contemplais ce corps dont j'avais si longtemps rêvé. Durant sa maladie, j'étais venue m'occuper de Camille, la laver, la rassurer, mais je n'avais pas assez pris le temps de la rendre belle, comme elle aimait tant être. Ce corps abîmé avait été laissé trop longtemps à l'abandon, et je me devais de lui rendre sa dignité avant de lui dire adieu. Je la lavait, je brossait ses cheveux, poudrait ses joues, m'occupait de son corps, et enfin je lui enfilait sa plus belle robe, la jolie bleue qu'elle portait souvent lorsqu'elle était enceinte de son premier enfant.

Avant de rouvrir la porte, je lui plaçais ses mains jointes sur sa poitrine, et j'y glissais un chapelet. Les yeux fermés, la belle dormait. Les enfants purent revoir leur mère avant l'enterrement. Malou était restée prostrée devant le corps de sa maman, tandis qu'Auguste s'était agenouillé et avait joint les mains comme son père sans trop comprendre.

Camille resta encore une journée allongée sur son lit avant d'être emmenée pour la cérémonie de deuil. Je dû alors me résoudre à lâcher sa main, mais avant, j’embrassais une dernière fois sa joue glacée.

—''Seigneur Camille, rien ne sera pareil sans vous... Vous allez me manquer énormément... Bon voyage ma sœur chérie et reposez en paix. Je vous aime fort.

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