Chapitre 24E: décembre 1774

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Il faisait de plus en plus froid dans la maison, si froid que je me couvrais de deux couvertures épaisses, et enfilais une veste de fourrure en vison. Je perdais les eaux au début du mois de décembre, mais cela ne m'étonnais plus puisqu'il s'était passé la même chose pour la naissance de Léon – Paul. Je me souviens que le quatre décembre, trois matrones étaient venues. C'étaient de simples voisines, toutes trois très vieille, ce qui ne me rassurait pas. Elles furent malgré leur vieille âge très gentilles avec moi et me rassurèrent, elles me parlèrent alors que la douleur était au plus fort. Je me sentais comme une enfant entourée de parents âgés et avec de l'expérience. Elles m'installèrent tranquillement sur la chaise tout en me parlant alors que l'on voyait déjà la tête de l'enfant. Tout se passa incroyablement calmement, sans cris ni pleurs, la nuit fus toutefois harassante.

—'' Allez-y madame, poussez. Encore. Encore. Encore. Soufflez maintenant... Poussez. Poussez. Poussez, je vois ses cheveux, allez - y, très fort, très fort... Soufflez, soufflez, poussez maintenant... Encore un petit effort madame, il est presque né... J'aurais retenu chacune de ses paroles tant leurs voix étaient calmes et rassurantes.

Au petit matin, épuisée, je fus délivrée d'un seul coup de cet enfant. Et puis rien. Il ne pleurait pas. La matrone lui tapa doucement dans le dos, il éternua et se mis à hurler a plein poumons. Le cri d'une nouvelle vie qui commençait, ce cinq décembre 1774.

Je m'endormais ensuite, laissant l'enfant aux soins des matrones, prenant un repos bien mérité après cette nuit blanche. Lorsque je me réveillais plus tard dans la journée, dans le noir presque total puisque les volets clos laissaient seulement passer des filets de lumière, mon bébé dormait près de moi, serré dans ses mailles. Le silence était étouffant. J'aurais voulu me lever mais une douleur terrible a l'entrejambe me retenait, paniquée dans ce noir complet je criais et appelais Léon – Paul. Après quelques minutes d'attente, la porte s'entrouvrit doucement et un petit bonhomme en robe apparut dans l’entrebâillement, que j'invitais à entrer.

Péniblement, j'allumais une bougie et la lumière fus. Je jetais un œil au berceau, un enfant dont j'ignorais le sexe et le prénom me regardait avec ses grands yeux bleus, je craquais et le prenais dans mes bras. Impatiente, je retirais ses mailles : c'était un petit garçon. Perdue, je ne savais pas s’il avait été baptisé, quelle heure il était, où était les matrones. Enfin mon époux arriva dans ma chambre (pour une fois que j'avais envie de le voir), il ouvrait les volets, me donna l'heure, onze heure quinze, le prénom de l'enfant, Simon. Je fus attristée parce que j'avais promis à Camille de donner son prénom à mon enfant, mais après tout, mon époux ne pouvait pas savoir. Les matrones étaient parties quelques heures avant, et m'avaient laissé dormir. Dans la journée, les enfants vinrent saluer Simon, Malou parla même de petit frère pour le nouveau - né, ce qui me fis chaud au cœur.

Lorsque Léon parla d'envoyer des faire parts à la famille je me demandais vraiment d'où venait cette mode, mais j'étais trop faible pour m'opposer à quelque chose d'aussi ridicule. Léon me fit lire les deux lignes avant de l'envoyer :

''Monsieur Aubejoux a l'honneur de vous faire part que Madame Aubejoux est accouchée très heureusement d'un garçon baptisé Simon, la mère et l'enfant se portent bien.''

Le lendemain de la naissance, ce fus la Saint – Nicolas. Les enfants avec beaucoup d'investissement installèrent la crèche où reposait désormais le petit Jésus au milieu d'un âne, une vache, et ses parents Marie et Joseph. Léon - Paul vint me voir dans mon lit et m'annonça que la crèche était installée, avec ses mots d'enfant, Malou et Michel, tout aussi fier me racontèrent qu'ils avaient déposé un bol de lait et un biscuit pour Saint – Nicolas au pied de la cheminée du salon. Ils en profitèrent pour faire un baiser à Simon, et repartirent à leurs jeux en trottinant.

Au bout de quatre jours, la famille arriva à mon chevet, et me félicita de mon enfant. Malheureusement pour moi, il n'y avait que la famille de Léon, pas un signe de ma cousine ou mon frère. Je venais à douter s'il leur en avait envoyé à eux. Léon m'affirma qu'il avait écrit un faire part pour Louis et un pour France, comme à ma demande, et que les adresses étaient celles que je lui avais donné. Sans doute aurions-nous habité Paris seraient -ils venus.

Encore fatiguée mais aussi un peu fainéante, je ne sortais de mon lit qu'au bout d'une semaine, contrairement à mon premier accouchement, où j'y était resté moins d'une journée. J'étais surtout moins excitée à l'idée de donner le bain, le change et nettoyer le cordon ombilical de mon deuxième fils. Cela dû se faire malgré tout, et l'idée d'engager une bonne à tout faire ne me vint pas, du moins elle me vint mais fus vite rejetée : lorsque j'en parlait a Léon, il s'indigna d'avoir épousé une femme qui râlait a l'idée de s'occuper de ses enfants, mais l'idée était surtout financière, avec un prêt de cinq mille livres à rembourser et un taux d'emprunt a presque trois pour-cent, pas question de s'encombrer d'un salaire en plus de celui de la nourrice à verser tous les mois, qui ralentirait forcément le remboursement.

Je m’occupais donc seule de Simon, tandis que la nourrice lui donnait son sein sept à huit fois par jour. Cette nourrice-là, contrairement à celle de Léon-Paul, resterait dans ma mémoire, assez jeune, une quarantaine d'années, son visage, j'étais sûre que je l’avais déjà vu, mais j'étais incapable de me rappeler où. Je lui demandais son prénom, elle me regarda intriguée, on n'avait jamais dû lui demander. Elle s'appelait Margot, mais malgré cette information, je n’arrivais pas à retrouver le moment où je l’avais vue. Comme ma poitrine devenait dure et douloureuse, je me rappelais des conseils de France et la serrait fort avec un bandage, ce qui fus tout aussi douloureux, mais ralentirait et stopperait vite je l’espérais, la montée du lait.

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