Chapitre 25H: février 1776

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Je relisais une dizaine de fois cette phrase '' Rose, ce six février, Rose ce six février'', avant de la froisser, la déchirer, puis tremper dans mon verre d'eau les morceaux de papier, avant de touiller pour faire se décomposer le papier, et de tomber en larmes.

Dans mes sanglots, il y avait de la haine contre cet homme que j'avais tant aimé, c'était tellement douloureux de savoir qu'il ne m'aimait déjà plus, que la distance avait été de trop pour définitivement briser notre couple. Ce salaud ne saurait jamais la bêtise qu'il avait mise dans cette lettre, en effet, si vous n'aviez pas compris, Rose est née seulement un mois après leur mariage, ce qui signifie bien le désir brûlant que Mathurin vouait à cette garce d'Augustine, sa cousine… il m'avait bien pris pour une cruche, mais je n’étais pas dupe.

Une belle histoire d'amour venait de finir avec une lettre, je ne lirais plus ses courriers, Léon – Paul ne saurait jamais et ne verrait jamais son père. J'éclatais en sanglots, trempait mon drap, il m'avait poignardé le cœur de la même manière que lorsque ma sœur était morte, mon cœur était profondément blessé à présent, par deux fois. Ce monstre m'avait fait perdre le goût à la vie, je l'aimais tellement c'était fou, une passion dévorante. Désormais, je n'avais plus que mes yeux pour pleurer, plus jamais je ne ferais confiance à un homme, moi qui pensait que notre histoire durerait de longues années, serait belle. J'avais besoin de l'amour d'un homme, de bras protecteurs et affectueux, sans Mathurin je n'avais plus rien.

Je sais qu'il chercha à me recontacter, mais blessée je déchirais chaque lettre, sans me blesser davantage à savoir ce qu'il avait à me dire. Malgré cette douleur persistante, je continuais à m'occuper de mon nouveau – né et des enfants, avec ce vide permanent, ce désir qui ne me quittais pas, j'avais besoin d'un homme.

Toujours en février, vers la fin du mois, par une après – midi froide où il ne travaillait pas et fumait sa pipe, tranquillement assis dans le fauteuil du salon, en effet il comptait sur ses associés pour se laisser du repos, Léon m'annonça que nous allions prendre un repas chez sa mère le soir même, à Paris. J'étais stressée par cette annonce, je n'avais vu qu'une fois ma belle – famille, et Émile, encore un nouveau-né, si petit, je devrais apporter des biberons, des linges, un couffin, bref tout l'attirail encombrant nécessaire à mon fils.

J'allais acheter un bouquet de fleurs, réunissait les enfants pour les coiffer et les habiller convenablement, tressait les cheveux des filles, cirait les chaussures des garçons, leur lavait les cheveux. Émile dû être tiré de sa sieste de dix-sept heures, il râlait, je le changeais, le lavais, l'enroulais dans un nouveau linge, le parfumais et enfin nous partîmes, dans la nouvelle voiture de Léon. Nous étions un peu serré malgré ses six places, et la route fut cahoteuse, il faisait nuit, nous allions doucement mais les juments étaient pleines et nous ne devions pas trop les solliciter. Nous arrivâmes vers dix – neuf heures chez les parents de Léon, nous fêtions les quarante ans de mariage de ses parents, ce que j'apprenais un peu plus tard. L'ambiance était joyeuse, la table regorgeait de légumes, pains, et viandes, la famille était aisée financièrement.

Dans le grand appartement des parents, les enfants se trouvèrent vite un terrain de jeux : la chambre de Léon reconvertie en salle de jeux, des toupies, balles, puzzles, peluches, poupées dans les armoires qui débordaient, Malou, Caroline et Léon - Paul jouèrent avec les neuf enfants des sœurs de Léon tandis que Michel, Gustavine et Émile restèrent avec moi. Michel s'ennuyait, Gustavine trouvait les enfants trop jeunes pour jouer avec eux et Émile avait sommeil, il s'endormait dans mes bras un peu après qu'il eut fait un grand sourire à toute la famille, son premier sourire. Nous mangeâmes avec appétit les victuailles en célébrant les mariés, non plus tout jeunes, puisqu'ils avaient chacun plus de soixante ans, mais très gentils avec moi. Aussi lorsque je demandais un baquet et de l'eau pour changer et laver Émile, ma belle – mère m'aidait, et enfin lorsque je demandais en fin de soirée une pièce au calme pour y coucher Émile et Michel, ils me laissèrent les faire dormir dans une chambre qui n'était plus utilisée.

A la fin de la soirée, alors que tous les enfants somnolaient, et que les sœurs de Léon s'apprêtaient à rentrer avec maris et enfants, nous réveillâmes Michel et Émile, qui se mis à hurler, et nous montâmes dans la voiture pour rentrer. Pendant tout le chemin je le berçais, tenant sa tête fragile entre mes mains, caressant ses petits cheveux de bébé, lui donnant mon doigt, le rassurant à chaque sursaut de la voiture.

Je reçu cette lettre peu de temps après.

Ma chère Louise,

J'espère de tout cœur que vous allez bien avec vos enfants, quant à moi, je viens d'apprendre le décès de ma sœur Élisabeth, dans un tragique accident de voiture, avec deux de ses fils et son mari. D'après ce que Charles m'a dit, il y aurait eu dans une pente le décrochage d'une bride qui attachait les chevaux à la voiture, et la voiture sans chevaux et devenue incontrôlable alla percuter une maison à pleine vitesse. Les enfants et Élisabeth furent sortis encore vivants de la voiture réduite en bouillie, mais ils étaient blessés si gravement qu'ils décédèrent rapidement ensuite. Voilà donc mon neveu Charles et sa sœur Berthe orphelins, mais cela n'est pas trop grave financièrement pour eux : Berthe, qui a quinze ans, a trouvé refuge chez sa marraine, et Charles, est venu vivre chez moi, cela nous fait de la compagnie avec Joseph. Je suis bouleversée par la mort de ma sœur, c'était la dernière sœur qu'il me restait car Marie est morte aussi il y a peu de temps au couvent des Madeleines, je viens de trouver sa croix au cimetière, par hasard. Je suis seule désormais, et j'ai hâte que Georges et Philippe rentrent de leurs études, a quatorze ans, mes chers fils qui ne me donnent aucunes nouvelles, même à leur père. Je n'ai presque plus de famille, c'est si triste a seulement trente – sept ans, mais que voulez-vous. Bonne continuation,

France.

La mort d’Élisabeth ne me fit pas verser de larmes, c'était surtout de savoir ma cousine seule avec son époux, elle qui avait eût six enfants, trois sœurs et deux parents aimants n'avait désormais plus grand-chose.

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