Chapitre 26F: août 1776

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Au bout d'un certain temps, après que Malou m'ait lancé des regards inquiets et confié notamment qu'elle ne se souvenait plus de ni de son frère, ni de son père, Auguste arriva, comme poussé par son petit garçon un peu plus impulsif que lui. Il fixa Malou sans avoir l'air de considérer qu'il avait une fille, avant de s'avancer vers nous un peu hésitant. Sans doute pris d'un élan de confiance en lui et comme si je n'existais plus, il embrassa sa fille et la serra dans ses bras. Je m’effaçais en restant devant la porte d'entrée, laissant Malou avec son père.

Malou resta un certain temps avec son père et son frère aîné, je ne les vis pas puisque la petite famille s'était isolée dans sa chambre, mais quand nous dûmes repartir, ma nièce sanglotait, elle embrassa une dernière fois son frère et son père et nous allâmes au jardin des plantes.

Elle ne me parut pas intéressée par la visite, je crois qu'elle ne pensait qu'a son père, aussi je ne vis pas même l’intérêt de l'emmener aux boulevards, mais à présent mon esprit était occupé par une question bien importante : Auguste père ne regrettait-il pas sa défunte épouse au point de voir dans Malou son reflet, et d'exprimer l'amour qu'il n'avait jamais pu exprimer avec Camille auprès d'elle ? Cette question tartina mon esprit tout le long de l'après-midi, quand ma nièce me parlait je ne faisais qu'entendre, nous allâmes à l'église, mais pas celle près du cimetière, une autre que je ne connaissais pas avant, et nous déambulâmes dans les rues jusqu'au soir, où Léon vint nous chercher.

Je récupérais les enfants qui soupaient chez Gabrielle, que je ne remerciais jamais assez de sa gratitude, et nous rentrâmes chez nous, l'esprit plein de questionnements et d'émotions.

Léon – Paul n'était pas facile en ce moment. Souvent il faisait des caprices, heureusement vite réglés, mais ils dépassaient les limites, comme la fois où il attrapa un poulet dans la cour, entra dans l'écurie et le lança avec rage sur une des juments. La poule caqueta, voleta, avant de finir écrasée sous les sabots du cheval effrayé qui cabra. Mon mari le sanctionna, qui n'avait surtout pas le droit de pénétrer dans l'écurie sans autorisation, et la faute retomba sur moi car selon lui j'aurais dû fermer la porte de l'écurie a clef, comme il le faisait à chaque fois qu'il y rentrait. Je venais d'apprendre que d'après mon mari, je passais mes journées dans l'écurie, bien sûr, il est certain que mon passe - temps favori était d'ouvrir les portes, et depuis combien de temps j'avais pour charge de m'occuper des juments ? Incapable de remettre la faute sur lui, il me faisait tout porter, en sachant bien que je ne pourrais pas remettre en question ses accusations. Comme si les soucis que me causaient Léon – Paul ne suffisait pas, son père m'envoya de nouveau une lettre :

Louise,

Présentez-moi mon fils, montrez-moi mon enfant, je vous en conjure Louise, je veux le connaître, exister dans sa vie, avoir un sens pour lui, ne pas être un inconnu à ses yeux, je veux qu'il sache que je suis son père. Si dans votre orgueil vous ne voulez pas me l'emmener, ou même simplement lui en parler (je sais que vous ne l'avez pas fait, je vous connaît vous savez), alors je viendrais chez vous et je le ferais moi-même. Je suis confus de vous menacer de cette manière, mais j'ai besoin de voir mon fils, je ne peux plus attendre, simple instinct paternel. Si vous me détestez après ma visite, j'aurais au moins vu mon enfant, après si vous me pardonnez c'est encore mieux. Je ne sais par quel moyen je viendrais mais préparez-vous le douze dans la nuit vers une heure ou deux, à me voir arriver.

Mathurin (qui vous aime même si vous le détestez)

Il ne pouvait pas me faire cela, je ne le croyais pas, ce n'était pas possible. Mon cœur battait fort car j'avais peur d'être surprise par son arrivée, même si je tentais de me persuader qu'il n'aurait pas le courage de le faire, au fond de moi je l'attendais déjà. Je redoutais la nuit du douze juillet, le surlendemain de la réception de la lettre, j'avais terriblement peur qu'il révèle tout à notre petit garçon et que je sois morte par sa faute. La fameuse nuit arriva bien vite, malgré moi et dans mon anxiété, je ne parvenais pas à dormir, d'abord il faisait chaud, et puis j'avais peur que Mathurin n'arrive. Vers trois heures, alors que je me pensais '' saine et sauve'' et que j'allais m'endormir, un caillou lancé sur la fenêtre me fis sursauter : il avait osé.

J'allais regarder à la fenêtre, en bas Mathurin m'attendait, je pensais aux contes de princesse au moment où leur prince allait les chercher la nuit dans leur chambre en passant par la fenêtre, aidés par un drap jeté par la belle. Mais je n'étais pas une princesse et mon prince charmant me faisait vivre un cauchemar, enfin un beau cauchemar, puisque je descendais les escaliers pour aller lui ouvrir la porte en bas, un peu moins romanesque que les contes mais tout aussi beau puis qu’après que je le traitait de fou, il me donna un baiser fougueux et passionné, je serais restée des heures avec lui sur le seuil de la porte, dans la fraîcheur chaude de l'été étoilé de cette nuit du douze juillet 1777, mais il était plus sûr que nous montions à l'étage. Sans dire un mot, nous grimpions les marches en passant par la chambre qu'occupait avec son frère Léon – Paul, l'enfant dormait profondément, Mathurin lui baisa le front doucement et lui chuchota ces mots : dormez bien, mon fils.

Nous rejoignîmes ensuite ma chambre, mais je n'avais pas envie de lui, rattrapée par la peur que Léon ne se réveille. C'est un peu froidement et morte de fatigue que le priais de rentrer chez lui, il ne voulait pas au début, mais devant mon insistance, il repartit énerver presque en claquant la porte. J'étais ravie d'avoir pu le revoir, mais je savais que désormais, notre amour ne pourrait jamais plus se vivre comme autrefois et que la flamme finirait par s'éteindre.

Léon – Paul fêta ses quatre ans ce seize juillet 1777. Comme cadeau je ne pu que tenter de soulager sa jambe encore abîmée, qui le faisait souffrir, chaque jour je prenais une demie–heure pour appliquer crème et massages sur son membre blessé. Son boitillement avait un peu diminué mais il était encore flagrant, il ne courait plus, ne pouvait plus jouer à sa draisienne que j'avais rangée, je pense que ses caprices étaient une manière de nous dire : cela suffit maintenant, j'ai ai marre de me voir tout interdit, alors je vous montre que je ne suis pas d'accord.

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