Chapitre 26D: juillet 1776

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J'initiais Émile à la piété en le faisant écouter les prières, il babillait vaguement sans éprouver d'intérêt mais je pensais que le fait de le faire écouter lui apprendrais plus vite. Tous les autres enfants y compris Léon – Paul récitaient leurs prières avec nous avant chaque repas et avant chaque nuit de sommeil, ils les connaissaient par cœur. Il était très important pour moi comme pour Léon de transmettre mon amour de Dieu aux enfants, je voulais qu'ils prennent conscience de l'importance de notre religion, et deviennent de bons et fervents catholiques.

Comme si le petit incident avec Antoinette ne suffisait pas, Léon – Paul fis une énorme bêtise avec ses amis, une après – midi ensoleillée où je faisais la sieste avec Émile, au frais dans la maison. Les moindres détails de la situation me furent donnés par mon fils. Léon – Paul jouait donc sans surveillance au village avec les amis terribles dont je connaissais enfin le prénom : Charles (l’irremplaçable), Lucienne (petite fille dont Léon – Paul était amoureux) et Henri (un des frères de Charles). Les petits garçons jouaient avec cailloux et bâtons au bord de l'étang, arrosant au passage les filles qui criaient jusqu'à alerter le voisinage, quand Charles s'interrogea sur la présence inhabituelle d'une voiture près de l'étang.

—'' Et si on va jouer à conduire la voiture ? Demanda-t-il à ses amis.

Henri et Léon – Paul suivirent Charles mais Lucienne fut repoussée.

— Toi t'es une fille, les filles ça joue pas à la voiture. S'exclama Charles, qui était le chef de sa petite troupe, fier d'avoir déjà quatre ans et demi. Vexée, Lucienne tourna les talons, avant que Léon - Paul ne la rattrape.

—'' Lucie tu peux rester si vous voulez, Charles il est méchant, mais moi je veux bien que tu viennes.

Alors après que Léon – Paul ai négocié avec Charles, Lucienne pu revenir s'amuser avec eux, dans la voiture. Cette voiture n'était pas un jeu, elle appartenait au notaire installé depuis peu dans le village, mais les enfants s'en fichaient : elle avait des sièges qui'' font sauter'', des roues hautes comme '' des géants'' et mieux que tout, sous le siège du cocher '' il y avait des épées comme pour les chevaliers''. La petite troupe monta dans la voiture, joua un temps à faire semblant de conduire les chevaux (il n'y en avait pas cette fois harnachés à la voiture, par chance), à escalader dix fois pour atteindre le siège du ‘'chef'' que Charles avait proclamé comme le sien, puis le terrible décida qu'il fallait passer aux choses sérieuses, et '' décorer '' cette voiture. Les enfants lâchèrent leurs bâtons et s'armèrent de cailloux, pour graver le bois et la rendre '' plus jolie''. Charles écrivit son prénom, une faute que lui seul aurait pu commettre puisque lui seul savait écrire, puis les enfants gribouillèrent soleil, bonhommes, et chevaliers avant de quitter leur jeu, lassés. Ce n'est que quelques instants plus tard que le propriétaire, horrifié par les dégâts sur sa belle voiture, et qui en voyant le nom de Charles, connaissant son père, alla chercher celui - ci. Le père battit assez fort son enfant, qui dénonça ses '' complices'', dont mon fils. On vint frapper à ma porte, me réveillant, pour me ramener mon diablotin par l'oreille. Ne sachant pas quoi faire sur l'instant, je me contentais de lui donner une petite gifle, mais le soir venu ce fus une déferlante de poings qui s'abattit sur mon enfant, décidément, nous ne le comprenions pas en ce moment.

Je me décidais à ramener des poules et des lapins du marché un midi. Au premier abord, mon mari se demanda ce qu'on allait en faire, puis il approuva mon idée en se disant que nous ne mangions jamais de lapin, et rarement du poulet, et que c'était une bonne idée pour diversifier notre alimentation. Les lapins restèrent dans leur cage la semaine durant puis le dimanche suivant, alors qu'il avait le temps, Léon fabriqua avec quelques planches une étagère a six clapiers tandis que les poules picoraient dans la cour. Nous avions deux lapins, deux poules et un coq mais d'ici quelques semaines, nous aurions des poussins et des lapereaux. Lion était intriguée par les poulets qu'il s'amusait à effrayer en les poursuivant, je revois Émile tenter d'empêcher le chien de courir après les volailles, trottinant maladroitement, tombant parfois, mais toujours se relevant. Léon venait de vendre les pouliches, désormais adultes, et Léon – Paul n'avait pas apprécié, Michel lui demandait pourquoi il ne pouvait plus leur embrasser le bout du nez.

Un samedi soir, je ne sais pour quelle raison, Léon me promettait de tous nous emmener au théâtre à Paris le lendemain soir, dimanche. J'étais ravie, pour une fois que je sortirais de Montrouge et de mon quotidien routinier, et que les enfants iraient au théâtre pour la première fois pour certain. Le soir suivant après le repas, je tentais de me faire belle et élégante pour cette sortie qui serait sans doute la dernière de cette année, je tentais de retrouver mes bijoux d'oreille mais impossible, la seule paire que je possédais, les premières que j'avais eu, s'était sans doute perdues dans le déménagement après que je les ai retirées.

J'en avais été chagrinée surtout que je n'en possédais pas d'autres. Je coiffais mes cheveux en tresse, ajustait mon chapeau depuis trop longtemps remis au fond de mon armoire, un beau chapeau bordeaux a bords larges surmonté de fleurs, ma robe imposante que j'avais eu du mal à enfiler, je me poudrais, enfilais des gants, des ballerines. Je préparais Gustavine en la coiffant et en tentant de retrouver sa robe préférée, Malou qui depuis quelques temps me réclamait son père, ce soir-là elle avait pleuré et son visage était rouge de larmes, je lui avais promis d'aller lui rendre visite dès que j'aurais envoyé la lettre a sa sœur Adélaïde pour connaître sa nouvelle adresse, a vrai dire j'appréhendais.

Michel et Léon–Paul avaient enfilés culottes de soie et veste élégante, tenues très à la mode, tandis que mon petit Émile portait simplement sa robe blanche. Le trajet se déroula bien, et nous arrivâmes vers vingt–heures au théâtre, il y avait beaucoup de monde, je tenais fermement mes deux trésors par la main, en gardant un œil sur Michel qui accrochait fermement la main de Gustavine, quelque peu effrayé par ce brouhaha, Malou marchait seule derrière, mélancolique et triste.

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