Chapitre 27I: février 1779

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Le soir, j'aimais, après avoir couché les enfants, aller les voir dans leur sommeil, leur respiration régulière et apaisé me procurait un sentiment de paix, de sérénité profonde, je me sentais bien. Je m’asseyais souvent au bord du lit de Michel, il n'y avait que la nuit où sa différence ne comptait pas, la nuit, le noir, étaient son monde, ils les connaissaient mieux que tous les autres enfants, tout aussi souvent je cogitais sur l'avenir de ce bonhomme, mon p'tit loup de la nuit :

—''Mais que vais – je bien pouvoir faire de vous Michel ? vous allez avoir sept ans et je ne sais vraiment pas,'' je sèche'' comme dit Malou.

Au lendemain matin, comme nous étions dimanche, nous allâmes à la messe, aussi je croisais Gabrielle, avec son fils à la main, qui lâcha sa mère et vint me voir presque en courant :

—''Il est pas là Émile ? Nous on a un chien !

J'embrassais Gabrielle et elle me confirmait la nouvelle. Ensuite, je fus un peu méchante je l’admets.

—''Comme ça vous n'avez pas d'enfant mais vous avez un chien. C'est normal.

Mon amie parue dérangée.

—''Que me dites-vous Louise ? Vous osez faire cette réflexion ? Pourquoi me dites-vous cela, vous êtes énervée c'est ça ?

—''Je trouve cela ridicule, voilà tout.

—''On n'a pas le droit d'avoir un chien ?! C'est parce qu’on a qu'un enfant qu'on a pas de droits, c'est ça ? C'est ça Louise ?

—''Ce n'est pas ça…

—Vous me prenez pour qui ? Vous croyez que je vais arrêter de vivre à cause d'un enfant qui ne vient pas ?

—Écoutez-moi Gabrielle, je trouve cela ridicule de remplacer un enfant par un animal, pour compenser, c'est tout, c'est mon avis. Calmez-vous !

—''Pour compenser quoi ? Mais vous ne comprenez donc pas qu'on n'y arrive pas! Aussi vous croyez que la mort de Jacqueline nous a donné le courage de nous battre pour avoir un autre enfant ? Mêlez-vous un peu de vos affaires et rentrez chez vous, parce que là, vos paroles sont ridicules.

—''Oui c'est ça, je vais rentrer chez moi, et vous, vous êtes en train de me dire que le chien est l'enfant que vous n'avez pas la force d'élever à nouveau, c'est tout, c'est clair, mais absurde et dégoûtant.

—''Arrêtez Louise, parce que là, je vais exploser. C'est vous qui êtes pathétique. Sur ces mots, Gabrielle soupira d'énervement et sans même se rendre à l'église, attrapa son fils par la main et rentra chez elle.

Suite à ma petite dispute avec mon amie, et alors que j'aurais dû aller m'excuser, je l'évitais soigneusement. Cela n'avait pas abîmé la relation entre Émile et François, bien au contraire, ils ne s'étaient jamais appréciés avec autant de force, toujours serrés l'un contre l'autre, ils étaient bien rares les moments où ils n'étaient pas ensemble, à se disputer, comme cela leur arrivait, où à rire et se taquiner gentiment.

Léon m'annonça ce vingt – huit février que Marie, la fille de sa sœur Catherine, avait accouché d'un petit garçon, enfant qui la faisait devenir grand – mère pour la première fois. Nous rendîmes bientôt visite à la jeune maman, usée par cette mise au monde, qui somnolait, auprès du petit Pierre âgé d'un jour.

Alors que je pensais que les médecins auraient guéri la jambe de mon petit bonhomme, au contraire la blessure s'aggravait avec le temps, le boitillement distinguable seulement par une personne informée de son accident, devint une véritable boiterie qui lui causait désormais de petites brimades de la part de ses camarades, certains l'appelaient ''Claude le boiteux'', d'autres encore '' Le clopin''. Léon – Paul, malgré qu'il n'ait que cinq ans, en souffrait, autant physiquement, puisque sa jambe lui faisait mal, que mentalement, mais le regard des autres restait le plus difficile à supporter pour lui.

Chaque après – midi, je lui disais quelque chose comme :

—''Allez venez mon p'tit bonhomme, je vais vous masser votre jambe.

D'humeur câline, il se lovait d'abord contre moi avant de se laisser soulager par mes massages de maman, qui avaient je pense plus une vertu psychologique réconfortante et relaxante plutôt que véritablement physique.

Le sept février, ma belle – fille Gustavine avait onze ans, tandis que la veille mon neveu Michel atteignait l'âge de raison. A sept ans, il venait de perdre une de ses dents de lait, qu'il avait dû avaler, puisque lorsque me faisait part du trou qu'il sentait dans sa dentition, il ne savait ce qu'il avait fait de sa dent. Malou avait perdu certaines de ses dents de lait. La première l'avait grandement inquiété, mais ensuite elle attendait avec impatience la fée des dents, et c'est avec écœurement que je la voyais les faire bouger pour qu'elles tombent, avec sa langue, ou pire avec un fil accroché à la porte, ensuite claquée. Je l'avais punie pour cela, c'était dégoûtant, c'était Gustavine qui lui avait appris cette méthode barbare. Léon – Paul lui, ne tarderait pas à perdre sa première dent, il allait avoir six ans, l'âge où j'avais fait moi-même cette expérience qui m'avait plutôt marquée.

Mathurin ne m'envoyait plus de lettres, ne serait – ce pour savoir l'état de santé de son fils, et peut – être le mien, dans l'idéal. Je ne savais pas si ses filles étaient encore en vie, s’il avait eu d'autres enfants, s’il vivait toujours à Paris, bref, j'en venais à douter de son existence même. Bien décidée à ne pas perdre sa trace pour toujours, je lui envoyais parfois des lettres, auxquelles il ne répondait malheureusement plus.

Les jeux dans la neige fraîche de février, qui faisait partie des plus beaux souvenirs de mon enfance, ne lassaient pas les enfants, peu importe le froid ou la quantité de neige tombée, ils trouvaient toujours un moyen de faire de la luge ou d'ériger un bonhomme de neige, que l'on regardait ensuite fondre avec l'arrivée progressive du printemps. Celui de cette année s'appelait Mr Gerbure, car Émile ne prononçait pas bien le mot '' gerçure '', celles qui abîmaient leurs lèvres à cause du froid mordant, cela les faisait tous énormément rire.

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