Chapitre 29J: février 1781

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Au début, il refusait aussi mon sein, mais à force de persévérance et puisque je n'avais pas le choix, il accepta de boire mon lait. La nourrice fut sermonnée par mon mari qui jugeait qu'elle devait faire ce qu'on lui demandait, mais il la laissa finalement repartir, sans ses quelques louis de salaire bien sûr.

J'allaitais donc moi – même mon enfant, comme une paysanne. Le pire dans ce choix de l'allaiter furent les montées de lait. Je ne pouvais pas bander ma poitrine pour les diminuer au risque de les couper mais la douleur était insupportable, surtout la nuit où, ne tenant plus, je devais réveiller mon fils pour qu'il tète et me soulage. Je savais que je ne pourrais pas lui donner le sein un an durant, et qu'il faudrait vite passer aux biberons de lait de chèvre.

Je me souviens du jour où je sortais de couche, et où je présentais mon fils âgé de huit jours à mon amie Gabrielle. Elle prenait mon fils dans ses bras, longtemps, lui faisant faire le tour de sa maison en lui racontant tout un tas de choses. C'était un enfant calme, qui pleurait peu, même dans des bras autres que ceux maternels.

Madeleine m'envoya cette lettre, au début du mois de mars.

Louise,

J'ai bien reçu le faire part envoyé par Léon, félicitation à vous pour votre petit garçon ! J'espère que vous vous remettez bien de l'accouchement, que le petit ange se porte bien, mais aussi et bien sûr Léon – Paul, Émile, Malou et Michel. Quant à nous, Victoire vient d'entrer à l'institution avec ses sœurs, tout se passe bien, tandis que Anne trépigne seule dans l'appartement, accrochée aux jupons de sa nourrice.

Je vous souhaite une excellente continuation,

Madeleine.

Cela faisait bien longtemps qu'elle ne m'avait pas envoyée de nouvelles, si bien que je trouvais le courage de lui répondre, par une courte lettre, pendant que André dormait. Émile, en grand frère modèle, voulait sans cesse prendre son frère dans ses bras, il m'aidait à lui donner son bain, mais aussi il lui chantait des chansons, cela ne me dérangeait pas pour tout ainsi dire, même si cela aurait plutôt tenu de l'éducation d'une petite fille. Émile s'extasiait aussi chaque sourire d'André.

—''Maman ! André il a souri quand je lui ait fait un baiser !

—''Ah oui ? M’extasiais-je en baisant la joue de mon fils. Alors mon bébé, vous faites des grands sourires ? Je vois ça, il doit aimer les baisers !

Léon – Paul aussi était très heureux d'avoir un second petit frère, il aurait aussi aimé m'aider à s'en occuper, mais je l'en dissuadais gentiment, du fait de son âge, je considérais qu'a sept ans et demi, un petit garçon n'avait pas à jouer les mamans. Qu'en aurait pensé son père qui projetait déjà à l'envoyer aux études à Paris ? Je préférais qu'il fasse ses devoirs ou qu'il joue avec ses amis plutôt qu'il m'aide à s'occuper d'André, et cela a mon grand soulagement, il l'avait très bien et très vite compris.

Cela faisait quelques temps qu'elle ne m'avait pas dérangée, mais lorsqu'elle venait frapper à ma porte un matin de mars, je savais qu'un de mes garçons avait fait une bêtise. Suzanne était toujours aussi laide, et toujours aussi commère.

—''Qu'est - que ma fille faisait là - bas ?! Vous n'avez pas honte ?!

—''Mais enfin je ne comprends pas…

— ‘’ Émile ! Avec le p'tit Lansot !

—''François et Émile ? Mais qu'on-t-il fait enfin ?!

Devant mon incompréhension, Suzanne rebroussait chemin, en marmonnant tout un tas de paroles inaudibles. Il aurait suffit qu'elle m'explique, mais elle était trop sotte. Pour éviter que mon fils de cinq ans ne doive s'expliquer devant Léon et ne soit battu par lui le soir venu, je préférais qu'il m'explique et que tout en reste là.

Émile m'expliqua avec ses mots d'enfant qu'avec François, il avait trouvé caché dans la petite forêt entourant le lac une cabane, et qu'une des filles de Suzanne s'y était immiscé. Une petite commère, sans doute sœur de l'enfant, avait vu la scène de loin et l'avait rapportée a ses parents, qui avaient imaginé des choses invraisemblables à leur âge. Vous n'imaginez pas toutes les horreurs qui pouvaient se dire dans un village même de taille conséquente, et à quelle vitesse elles circulaient parmi les habitants.

Alors que je pensais que tout passerait crème, le lendemain matin déjà, j'étais encore une fois cible de moqueries et de dégoût de la part des femmes. Il venait même à se dire que le père d'André était Jacques, un homme que j'avais depuis toujours apprécié, mais de là à imaginer ce genre de choses, c'était juste une idée insupportable.

—''Maman ? Me questionna Léon – Paul en caressant passivement sa plume, vestiges des devoirs qu'ils effectuaient au moment de sa lueur d'esprit.

—''Oui Léon – Paul ? Qu'y a-t-il ?

—''Pourquoi André il dort toute la journée ?

—''C'est un nourrisson, il a besoin de beaucoup de sommeil pour prendre des forces. Mais d'ici quelques mois vous verrez, il pourra jouer avec vous. Allez donc voir s’il est réveillé.

J'entendais mon fils monter les escaliers de son pas léger, puis quelques minutes après, les pleurs d'André, sans doute malencontreusement réveillé par son frère aîné. Je montais chercher mon bébé dans ma chambre, je l'avais installé ici car il n'y avait pas de place pour un berceau dans la chambre d’Émile, Léon – Paul et Michel et puis, je devais l'allaiter la nuit. Léon – Paul paraissait confus de l'avoir réveillé, mais de toute façon je ne pouvais plus attendre la prochaine tétée.

—''Laissez - nous. Je vais donner à manger à André.

S'en suivait un moment d'intimité très fort avec mon bébé. Je lui parlais, tandis qu'il tétait goulûment, l'un puis l'autre de mes seins. Après son repas vite avalé, il continuait de suçoter, son petit corps chaud amplement emmailloté serré près de moi. Nous étions tellement bien tous les deux.

Émile était resté au berceau jusqu'à son premier anniversaire, mais je ne savais pas comment j'allais faire dormir André quand il deviendrait trop âgé, n'ayant plus de place dans la chambre de ses frères. L'idée de le faire dormir avec Malou et Gustavine ne me plaisait pas, mais si je n'avais pas le choix, je le ferais.

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