Chapitre 29H: septembre - décembre 1780

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Alors que Michel s'apprêtait à quitter son instrument, Léon – Paul lui suggéra une chanson qu'il avait apprise récemment à l'école. Mon neveu eu l'air dubitatif, puis avec la grande chance qu'il connaissait par cœur la chanson, se mit à jouer, tandis que Léon–Paul chantait, d'abord timidement, puis avec sa cousine Malou.

Cette chanson était magnifique, douce, la mélodie me charmait. Les enfants la chantèrent par deux fois, mon fils était vraiment heureux, elle s'intitulait, ''Le marin''.

Léon décacheta cette lettre comme n'importe quelle autre qu'il aurait reçue, puis l'ouvrit avec son petit couteau, avant de la lire attentivement en approchant ses yeux de la lettre, ses lunettes n'y faisait pas grand-chose. Il me disait sans grande joie :

—''Mon cousin Cléophas, fils de la sœur de mon père, veut que nous lui rendions visite. Je ne sais pourquoi il m'envoie des nouvelles maintenant alors que voilà dix ans que je ne savais même plus qu'il existait. Je me demande cependant si dans votre état il serait judicieux…

—''Je ne suis pas malade Léon.

—''Si vous vous en sentez capable. Le voyage sera long Louise, il habite près de Rouen.

—''Je m'en sens parfaitement capable. La naissance n'est prévue qu'au début de l'année prochaine, je ne suis pas prête d'accoucher.

—''Dans ce cas nous partirions dans deux ou trois jours.

Nous préparâmes donc nos affaires pour aller passer quelques jours chez cet homme, marié et père de famille, au doux nom de Cléophas Flaubert. J'avais hâte de partir, pour sortir un peu de mon village, voir d'autres choses, me vider la tête. J'embrassais Gabrielle une dernière fois, nous partions pour une semaine, en comptant le voyage de deux jours. Toute la famille prenait place dans la nouvelle voiture de Léon, une six places, avec capote découvrable, une belle acquisition achetée quelques mois avant mais qui n'avait encore jamais servie pour de longs voyages.

Nous étions déjà au début du mois de décembre, les champs que nous voyions défiler à la fenêtre étaient blancs de neige, le paysage défilait lentement, car les deux chevaux avaient froid. Émile trouvait cela drôle, la buée qui leur sortait des narines, il prenait cela pour de la fumée, comme si les animaux avaient été des dragons. Nous marchions au pas, c'était long, et moi qui commençait juste à avoir des contractions, j'avais vraiment très peur. Comme si cela ne suffisait pas, Émile se mettait subitement à se plaindre de la longueur du trajet, c'était insupportable, surtout dans une telle situation de confinement. Je menaçais de le descendre de la voiture, mais cela n'y changeait rien, Malou et Gustavine avaient elles aussi tout essayé pour le faire taire .

Il finissait par s'endormir la tête sur mon ventre, quelque peu bercé par les incessants sursauts de la voiture. Léon – Paul lui, était sage, il rêvait en admirant le paysage qui défilait. Plus je le regardais et plus je me disais que c'était un beau petit garçon, avec ses adorables boucles rousses et son visage d'ange. Mon petit garçon, mon fils, mon enfant à qui j'avais donné la vie.

Comme pour chaque voyage de plusieurs jours que nous effectuions, nous passâmes la nuit dans une auberge, avant de repartir le lendemain matin pour arriver le soir.

Cléophas vivait dans une petite maison, avec ses six enfants et son épouse, il était médecin, exerçant dans son village auprès des paysans. La maison était poussiéreuse et ne comptait que deux pièces, alors les enfants passaient leurs journées dehors, ils récoltaient la neige pour l'eau du ménage, leur puits étant gelé, ils nourrissaient les poules confinées dans le poulailler, et le gras cochon dans la porcherie. Notre puits était suffisamment profond pour ne pas geler lors d’hiver peu rigoureux, même si cela nous arrivait parfois. Les enfants jouèrent un peu avec les enfants et je trouvais la mère de famille charmante, mais je ne comprenais toujours pas la raison de cette invitation, eux aux revenus très modestes, n'avaient aucune raison d'inviter sept personnes qu'ils ne connaissaient pas dans leur maison tellement inconfortable et exiguë. Je comprenais mieux lorsque Cléophas demanda au détour d'une conversation un peu d'argent à Léon, qu'il lui rembourserait très vite bien sûr.

C'était étonnant mais ces histoires d'argent prêté par des amis peu scrupuleux, qui ne remboursaient pas, je ne pensais pas jusque-là que cela pouvait nous concerner. Aussi a mon grand étonnement, mon mari prêtait ces non négligeables cents louis à son cousin. Nous aurions bientôt une nouvelle bouche à nourrir et cet argent qui ne reviendrait sans doute jamais aurait pu servir utilement pour l'enfant. Suite à cet échange, je ne voyais plus Cléophas de la même manière et j'étais pressée de rentrer à Montrouge. La nourrice des enfants nous avait suivie jusque-là parce que, bien que j'espérais le contraire, j'étais épuisée.

Le voyage du retour ne fut pas pire que celui de l'aller, j'avais toujours mes minuscules contractions très espacées mais très angoissantes, et c'est avec joie que je retrouvais mon lit et Gabrielle le huit décembre. Cette petite parenthèse chez Cléophas avait été bien plaisante, mais les histoires d'argent ne me concernaient pas et il était toujours agréable de rentrer chez soi.

Comme je ne m'occupais plus de mes enfants et que je passais du temps dans mon lit, Émile venait naturellement chercher mon affection, parfois j'étais ravie de ses visites, mais d'autres fois, il m'agaçait vraiment.

—''Maman… Me chuchota-il en grimpant sur mon lit.

— ‘’ Émile je suis fatiguée, vous vous souvenez de ce que je vous avais dit ?

—''Non.

—''Mais si, à propos de Anna…

—''Ah oui… Il faut fatiguer Anna mais pas maman.

—''Voilà, alors filez.

Sur mes mots, Émile repartit avec autant d'entrain qu'il était venu, toujours avec son pouce dans la bouche. Je m'occupais en lisant, en recevant Gabrielle qui ne pouvait pas non plus passer ses journées avec moi, ayant bien d'autres choses à faire, mais le temps était encore long avant la naissance de mon enfant, et je ne pouvais pas faire grand-chose d'autre pour le tuer. Il faisait trop froid dehors pour que je sorte, et à part la messe du dimanche que je ne pouvais pas rater, mes journées étaient plutôt monotones.

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