Chapitre 11C: décembre 1761

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C'est à ce moment-là que je commença à remettre en question la religion : pourquoi faire souffrir de jeunes parents qui n'avaient rien à se reprocher, pieux et soucieux de l'éducation catholique de leurs enfants ? La religion n'était t-elle pas censée faire le bien autour d'elle ?

A partir de cet épisode, il fallut me traîner pour m'emmener à la messe, me menacer pour que je récite mes prières, me punir lorsque j'accusais Dieu du malheur qui s'abattait sur Amédée.

L'enfant dormait et toussait toute la journée, et lorsque sa mère le prenait dans ses bras, il ne réagissait que faiblement. Marguerite prenait soin de Thérèse, tandis que ses parents restaient à veiller son jeune frère.

France passait ses journées et ses nuits à la maison, le petit garçon ne devant plus avoir de contact avec l'air extérieur.

Malgré tous ces malheurs, je me disais qu'il fallait continuer à vivre, et j'écrivais à Camille pour lui exposer la situation à la maison. Elle me répondait de plus en plus rarement, de plus en plus brèvement et cela m'attristait.

Je lui envoyais tout de même des lettres, pour l'informer.

La santé d'Amédée ne s'améliorait plus, mais l'enfant restait dans un état stable.

Le premier janvier 1763, nous fêtâmes ses dix jours de vie, chaque jour étant précieux dans un cas comme le sien.

Par le hasard de la vie, je recroisais au parc en face de l'hôtel une de mes amies d'enfance, Marie–Catherine, partie avec sa sœur jumelle et leur frère en orphelinat il y a quelques années.

Sa pauvre sœur, mon amie Marie-Anne était morte et son frère Jean-Baptiste avait grandi.

A la rue, son père avait disparu, et elle n'avait plus aucune perspective d'avenir à présent.

Elle portait ses cheveux longs et sales dans un foulard, une vieille robe trop petite, et des chaussures usées jusqu'à la semelle, mais malgré cela, je pu la reconnaître. Nous nous enlaçâmes longuement, je n'aurais jamais espéré la revoir un jour.

— '' Depuis combien de temps êtes-vous à la rue ?

—''Un an, après que papa nous aient récupérés mon frère et moi. Il a ensuite succombé à la maladie des rats, et nous sommes retournés à l'orphelinat, mais je me suis enfuie une nuit par la fenêtre.

—''Où est votre frère ?

—''Jean – Baptiste a huit ans trois quarts, il est à l'orphelinat en ce moment.

—''Où dormez-vous ?

—''Dans la rue. Je meurs de froid l'hiver, et j'ai trop chaud l'été. Je m'habitue vous savez...

—''On ne peut pas se faire à la pauvreté. Je vais vous aider, vous allez dormir à la maison, nous allons aller chercher votre frère.

—''Ce serait trop de votre part...

—''Vous êtes mon amie, je ne peux pas vous laisser dans la rue.

J'allais questionner ma tante à ce sujet, qui, occupée et souhaitant sans doute se débarrasser de moi, ne fit qu'acquiescer.

Marguerite l'avait déjà vu, et savait qu'elle était mon amie, et puis nous avions de nombreuses chambres de libres.

J'allais la retrouver en bas de l'immeuble. Ayant l'air de m'attendre, elle acquiesça lorsque je lui exposais tout ce que nous pourrions faire pour elle. Marie-Catherine se mit même à pleurer, allant prochainement sortir de la rue, ne plus connaître la faim et la misère.

Je ramena donc Marie–Catherine à la maison, une jeune fille de quatorze ans sûrement très jolie sous ses haillons.

J'allais moi-même chercher le baquet dans la chambre, remontais l'eau, lui présentait les robes de Camille qu'elle pourrait porter à condition de ne pas les abîmer, et je la laissais se laver.

Lorsqu'elle eut terminé, elle était ravissante, et j'arrangeais ses cheveux abîmés avec quelques coups de peigne et de ciseaux. Qu'elle ait retrouvé le sourire me fit beaucoup de bien.

J'avais prévu d'aller chercher son frère d'ici quelques jours, mais le temps pressait, les conditions de vie étant déplorables, plus nous attendions, moins il y avaient de chances de le retrouver vivant.

Marguerite, pas l'air pressée de me laisser prendre la voiture pour aller chercher Jean–Baptiste, préférait se préoccuper de ses petits-enfants. Je tentais malgré tout de la convaincre.

— '' Tante Marguerite, laissez-moi prendre la voiture pour aller chercher le frère de Marie–Catherine, je vous en prie...

— '' Vous ne voyez donc pas qu'Amédée est mourant ? Et puis laissez-moi cette garce à la rue, nous ne nous sommes pas un hospice.

—''Mais vous m'aviez dit qu'elle pouvait rester...

—''Et bien j'ai changé d'avis ! Cela ne vous arrive jamais ?

C'est terriblement déçue et très mal à l'aise que je dû renvoyer mon amie dans la rue.

Je lui retira la robe de Camille, lui rendit ses chaussures, ses haillons, et lui souhaitais bonne chance avant de lui demander de partir, et c'est dans l'incompréhension totale qu'elle retourna dans sa misère.

Marguerite était cruelle, ma pauvre amie avait eu un instant d'espoir, mais elle avait tout gâchée.

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