Chapitre 30E : septembre 1781

4 minutes de lecture

André dormait dans ma chambre, de ce fait, il n'était pas facile pour mon mari de m'approcher sans bruit. Parfois, lors de nos étreintes conjugales, mon bébé se réveillait, d'abord râlant, si je ne me levais pas pour aller le chercher, il se mettait a hurler, ce qui interrompait alors immédiatement les élans de Léon.

Il était bien difficile de concevoir un enfant dans ces conditions d'intimité précaires, mais j'étais malgré tout convaincue que cela irait vite.

Le clavecin poussiéreux et le lit vide me donnaient le blues, j'avais hâte qu'André dorme dans la chambre que Léon–Paul occupait désormais seul. Mon fils de huit ans paraissait trop être un survivant parmi son cousin et son frère cadet.

Les devoirs de mon fils s'apparentaient parfois à une sorte de combat désagréable. Je regardais le cahier où il recopiait ses poésies.

—''Regardez Léon – Paul, ce n'est pas si compliqué, vous m'apprenez le premier paragraphe, là, jusqu'à « de son feu », puis demain nous verrons la suite. Allez, dépêchez-vous avant que l'on ne passe a table.

—''Je n'y arrive pas maman…

—''Oh arrêtez Léon – Paul ! Je ne veux pas de cela dans cette maison. Votre poème, je vous le ferez recopier cent fois moi ! J'ai été gentille et patiente, mais maintenant vous avez tout gagné. Tenez, vous me l'apprendrez en entier pour ce soir, vous le réciterez avant de vous coucher. Votre père vérifiera. Filez.

Mon fils repartit sans aucunes paroles, la tête basse, son texte à la main, mouillé des larmes versées pendant la bataille et griffonné nerveusement lors des fois où je m'éclipsais pour aller voir si André dormait. Le soir, il connaissait son poème par cœur, grâce à l'autorité de mon mari, qui avait menacé de le battre.

Finalement, je comprenais que Léon veuilles le confier aux frères l'an prochain, sa scolarité devenait trop rude. Pour lui, mais aussi pour nous qui avions l'impression qu'il freinait des quatre fers pour faire son travail dès que nous le menacions plus.

La naissance du premier héritier de Marie–Antoinette et Louis de France, le 22 octobre au château de Versailles, nous redonna du baume au cœur, même si elle bouleversa un peu la famille royale, aussi tardive soit t-elle.

L'hiver arriva bien tardivement cette année, puisqu'au début du mois d'octobre, les températures étaient encore douces. Je n'avais qu'a enfiler une petite veste le matin en allant faire ma lessive, alors que l'année passée à la même période, un manteau m'aurait été nécessaire si je ne voulais pas devoir laisser mon linge détrempé au lavoir pour aller le chercher, ayant trop froid.

Je n'emmenais pas André avec moi, d'abord il s'impatienterai, ensuite je n'y voyais pas d'intérêt et enfin Gustavine avait pris l'habitude de le prendre quand il pleurait et de lui donner son biberon.

Ce n'était pas une tâche ni des plus ingrates, ni des plus compliquées.

Les bouteilles de lait étaient conservées dans le garde-manger, achetées la veille, il suffisait de le faire bouillir dans une casserole avant de le laisser refroidir et le verser dans le biberon. Ensuite, le meilleur moment, s'asseoir sur le canapé, prendre le bébé affamé sur ses genoux, lui ajuster son bavoir et rire à le voir tendre la tête pour atteindre la tétine.

Le regarder engloutir en l'espace de deux minutes ce que vous aviez mis une demie–heure à préparer faisait partie du moment le plus satisfaisant.

Elle lui faisait à chaque fois faire son rot, et heureusement pour elle, contrairement à Malou et Auguste quand ils étaient bébés, André ne régurgitait pas. Si j'étais rentrée, elle me le laissait pour que je change ses langes, toujours sous ses yeux curieux.

—''Pourquoi lui donnez vous un bain à chaque fois qu'il sali ses langes ?

—''Disons que sinon, cela lui crée des irritations, et puis il en a partout presque a chaque fois. Ce n'est pas confortable pour lui et pour nos narines. Voulez-vous bien me passer le savon ?

Je frottais mon fils assis sagement dans le baquet, qui battait l'eau de ses petites mains en souriant et en éclaboussant le parquet de ma chambre.

—''Dites donc Jeanjean ? Voudrez vous éviter de tremper ma chambre ? Tenez, battez plutôt mon linge, cela m'arrangerait. En y repensant, demain Gustavine vous viendrez m'aider à la lessive, je crois que désormais vous avez l'âge.

—''Mais je vais a l'école…

—''Après vos leçons. Je vous apprendrais et vous verrez.

Gustavine dû mettre la main à la pâte dès le lendemain après ses leçons. Elle trouvait cela fort fatiguant et contraignant, mais c'était mon quotidien et ce serait bientôt le sien.

Alors qu'a cet âge, ses frères commençaient à vouloir se déplacer, André n'en avait pas du tout envie.

Aussi fainéant fut-il, quand je plaçais un jouet a l'autre bout du tapis, il le tirait pour l'obtenir.

Il n'était pas pressé de se déplacer, même si Gustavine l’entraînait en le tenant par les mains. Cela avait plutôt tendance à l'énerver, il se débattait et finissait par retrouver sa position assise favorite.

Lorsque je me promenais avec lui, les quelques femmes qui m'interpellaient s'interrogeaient sur son crâne qu'elles croyaient chauve, alors que ses cheveux étaient d'un blond–blanc difficile a distinguer.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Lanam ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0