Chapitre 30D: août - septembre 1781

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Pour faire revivre sa mémoire, mais aussi pour nous permettre de ne pas sombrer dans le chagrin, nous prîmes la décision d'avoir un autre enfant.

Cela nous vint durant notre séjour dans la maison de mon frère, la dernière chose qu'il aurait pu nous prêter.

Une immense bâtisse de pierres, dont les pièces hautes de plafond donnaient une impression de grandeur, d'immensité. Ça sentait le sud, mais surtout la mort.

Seul Léon eu la force de se rendre là où son fils avait perdu la vie.

Une gigantesque bibliothèque où des enfants n'avaient pas à se rendre. Au milieu, un espace vide, où l'on pouvait s’apercevoir que le papier peint se décollait.

Ici se trouvait auparavant un immense meuble destinée à ranger des bibelots, sans doute détruite par la chute. Juste après être retournés une toute dernière fois sur cette tombe que nous ne verrions jamais plus, celle de notre enfant chéri, nous rentrâmes à Montrouge.

Une fois de retour à la maison, l'ambiance avait changé, rien n'était plus comme avant. Mon fils me manquait et même la présence d'André ne pouvait rien y faire. Mais il allait falloir que je fasse mon deuil.

Léon – Paul effectua sa rentrée seulement en septembre, parce qu'il était trop chagriné par la mort de son frère pour avoir le courage d'y retourner avant.

Nous comprenions avec mon mari, même si quand arriva le premier septembre, je le forçais un peu, car il était nécessaire à un moment qu'il s'occupe le cerveau à d'autres activités que la nostalgie et le chagrin.

La vie reprenait doucement son cours, avec ce vide terrible le soir au moment de coucher les enfants, cette place froide qui me rappelait sans cesse mon petit garçon.

François s’était rapproché d’autres enfants, et pour son sixième anniversaire, il les avait invités, autour d’un gâteau. J’imaginais sans cesse Émile, il aurait été invité à l’anniversaire de son meilleur ami, il aurait ri, dévoré mille parts de gâteau et se serait plaint le soir venu de ne plus avoir d’appétit.

Mon fils se retournait désormais sur le dos lorsque je l'allongeais a plat ventre sur le tapis, mais cela l'énervait particulièrement. En revanche, il était incapable de se remettre en position ventrale, se balançant de droite à gauche, et finissant par chouiner pour réclamer mes bras.

Un soir de septembre, très peu de temps après la rentrée de Léon-Paul, sœur Émilie vint me voir précipitamment à la maison, inquiète du comportement et des devoirs de mon fils aîné, qui n'avaient jamais été aussi mauvais.

— Écoutez Madame Aubejoux… Je sais que Léon – Paul supporte assez mal le décès de son frère, mais il faut absolument qu'il se ressaisisse. Depuis qu'il est rentré, il ne suit plus les leçons, il fixe le plafond, les yeux dans le vague... il est complètement absent.

Mon coeur battait à cent à l'heure, mais j'essayais de ne pas le montrer.

—''Ne vous inquiétez pas, ce n'est que passager. Mon mari s'occupera de le remettre sur le droit chemin, vous pouvez en être certaine.

Le soir, Léon–Paul eu le droit a une bonne leçon de moral de par son père.

—''C'est inadmissible Léon–Paul ! Frappa t-il du poing sur la table.

—''Maman… Sanglotait t-il en se lovant contre moi.

—''Chuuuuuuut…

Mon mari soupira.

—''Quelle éducation espérez-vous donner à un enfant de huit ans qui ne se détache pas de sa mère?! L'an prochain, il partira pour Paris, étudier chez les frères de l'école Chrétienne, jusqu'à qu'il soit en âge de suivre des études secondaires.

—''Il est encore bien trop jeune… Laissez lui quelques années, je vous en prie.

—''Un métier, c'est dès sept ans que ça s'apprend, alors estimez vous heureuse que j'ai accepté de l'envoyer chez ces bonnes femmes et qu'il y soit encore ! D'ailleurs je ne vois pas l'utilité de ces apprentissages. Il reçoit une éducation de femme au foyer, pas celle d'un homme qui devra gagner sa vie plus tard.

C'était donc décidé. L'an prochain, il partirait pour Paris, suivre de ''vrais'' apprentissages, où il ne rentrerait que très peu à la maison. Quand a André, dont mon mari prévoyait déjà les études, il n'irait certainement pas à l'école de Montrouge.

Les températures en septembre restèrent assez chaudes, puis elles se refroidirent doucement vers la fin du mois. En octobre, nous eûmes des averses et des orages, avec un temps assez humide et lourd.

Léon–Paul ne suivait pas davantage ses leçons, distrait, le décès de son frère le tracassant énormément. Mon mari s'inquiétait lui aussi pour son fils qui n'apprenait plus en cours, préférant dessiner sur son petit cahier brun. L'enfant se prenait de nombreuses gifles.

Ce jour-là, André m'avait particulièrement agacée. Il était épuisant quand il s'y mettait. Je venais de le lever en plein milieu de sa sieste de l'après–midi, parce qu'il manifestait son mécontentement par d'incessants pleurs.

Lassée, je montais à l'étage pour le calmer, et je le prenais un instant sur mon lit, dans mes bras.

Il ouvrait la bouche et cherchait à défaire mon décolleté de ses petites mains dodues. Ma main l'intercepta.

—''Je ne vous permet pas ! Dites-donc Jeanjean, je vous ait fait téter tout à l'heure. Je suis fatiguée, alors je vais vous remettre dans votre berceau et vous allez dormir.

Comprenant qu'il n'obtiendrait pas ce qu'il voulait, il se remit à crier, a l'exaspération de Gustavine, qui étudiait dans sa chambre non loin.

Bien décidée à le laisser pleurer, a mon grand soulagement et au bout d'un long quart d'heure, le sommeil l'emporta.

A son réveil, je lui donnais sa bouillie de céréales en complément de son biberon de lait de chèvre, mais, n'ayant pas faim et sans doute rendu irrascible par sa sieste interrompue, il attrapa et balança l'assiette à terre, dans un fracas de vaisselle brisé assourdissant.

Je donnais dans mon énervement une gifle à mon fils, la première de sa vie. Il pleurait encore et encore, mais se lamentait cette fois le ventre vide, puisque je ne m'étais pas même donné la peine de lui faire boire son biberon. Seul dans son berceau, il trempait les draps blancs de ses larmes de petit garçon gâté.

Une fois qu'il fut suffisamment calmé, je lui donnais son biberon et mon sein, même si ses petites dents me le lacéraient.

Je confiais parfois André à Gabrielle, l'espace d'une après–midi. Elle prenait plaisir à lui faire faire la sieste chez elle, tandis que je buvais le thé en sa compagnie, ou je m'occupais un peu de Malou, qui venait d'entamer une correspondance avec son frère aîné. Elle avait des difficultés en orthographe et en lecture, alors je lui donnais souvent des coups de pouce. Avec Auguste, ils échangeaient comme deux amis, alors qu'ils ne s'étaient pas vu depuis des mois, et cela me rassurait sur leurs futurs relations d'adultes.

En parlant de Malou et Gustavine, j'avais passé un après–midi entier de ce mois d'octobre a leur démêler les cheveux, excessivement longs. Elles les attachaient chaque matin, mais cela n'empêchait pas les nœuds douloureux de se former, mais malgré tout, elles refusaient obtinéments et toutes deux que je leur coupe ne serais–ce cinq petits centimètres chacune.

Je ne me coupais jamais les cheveux, les filles me les démêlaient aussi parfois, mais mes boucles serrées rendaient difficiles le passage du peigne. Léon se débrouillait seul, je ne l'avais jamais vu faire, il devait sans doute y aller au coupe choux avec beaucoup de précautions, pour entretenir sa moustache et sa coupe de cheveux courte.

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