Chapitre 8B: juillet - novembre 1759

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Jean ( + 20/11/1759)

La journée suivante fut tout aussi merveilleuse que celle de la veille, nous retournâmes au lac dans la forêt, terminant et recommençant indéfiniment la partie de Colin–Maillard, jeu que j'appréciais beaucoup. Tous les jours sauf lorsqu'il faisait vraiment trop chaud, nous nous rendions là-bas.

Il m'arriva une fois de tomber dedans, c'est Camille qui, dans l'euphorie me fis perdre l’équilibre, mais, susceptible, il ne fallait pas l'accuser.

Dans l'eau, ma robe rendue trop lourde m'empêchait de remonter à l'air libre, je paniquais. Camille sauta et me ramena sur la rive. C'était de toute façon la seule qui en avait la force physique, a presque treize ans.

Ma tante se trouvait dans un tel état de panique lorsqu'elle me vit rentrer trempée jusqu'aux os, que je cru qu'elle s'évanouirait. Suite à cela, j'eus l'interdiction formelle de retourner là-bas.

Nous riions de tout, une simple phrase bafouillée nous faisait partir dans des fous - rires incontrôlables. Nous nous disputâmes aussi avec Maria, pour des raisons tellement idiotes, une fois, nous nous fîmes la tête car nous n'étions pas d'accord sur l’orthographe de l'expression :

Au temps pour moi ou autant pour moi ?

Elle avait finalement raison, l'on écrivait '' au temps pour moi''. Le temps passait tellement vite que nous nous retrouvâmes au premier septembre, comme si nous n'avions passé qu'une journée au Portugal.

Je pleurais au moment de rentrer à Paris, mais il me fut promis que nous reviendrons l'an prochain.

J'étais encore jeune, et pour moi, les adultes tenaient toujours leurs promesses.

Lorsque nous rentrâmes à la maison, le vingt et un septembre, quelle ne fut pas notre surprise de nous appercevoir qu’Élisabeth était rentrée avec son fils. Quelque chose de grave avait dû se passer. Aussitôt qu'elle vit sa fille, les yeux rougis par les larmes, au lieu de la battre, ma tante nous confia Charles et conduisit sa fille dans la chambre pour des explications.

Durant le temps que nous restâmes avec le petit garçon, nous pûmes constater sa précocité. Il parlait vraiment bien pour deux ans, et nous décrivit avec beaucoup de précision le cabinet dans lequel son père travaillait.

— '' Cabinet de papa beau, grand, lumières ! Papiers ! Maman triste, maman pleure, maman larmes...

Pendant qu'il nous disait cela, il mimait les larmes coulant sur les joues de sa mère avec ses petits doigts, cela nous toucha beaucoup.

Environ une heure après qu'elles se soit enfermées dans la chambre, Élisabeth et Marguerite réapparurent, puis ma cousine rassembla ses affaires, attrapa son fils par la main pour quitter l'hôtel et je suppose, rentrer à Lyon.

Nous restâmes ma sœur et moi un moment sans bouger, sans comprendre, puis France nous expliqua vaguement que sa sœur aurait espérer trouver du réconfort auprès de sa mère, car sa nouvelle vie à Lyon n'était pas facile.

Camille avait treize ans, et sa puberté commençait. Elle devenait de plus en plus difficile à vivre, claquant les portes, s'énervant pour un rien et ce qui me désolait le plus, refusant depuis peu de prendre son bain en ma compagnie. Comme je me trouvais morose et que je m'ennuyais mortellement malgré mes leçons, je décidais d'écrire à maman.

J'aurais pu lui dire qu'elle me manquait, que la vie ici était morose mais...

Après deux ou trois phrases sans être convaincue, j'abandonnais finalement, elle était morte, de toute façon, elle ne la lirait jamais ma lettre. Je déchirais mon brouillon et le jetais dans la corbeille.

Des fois je me demandais ce que je deviendrais ma mort. Lorsque je questionna une fois Camille sur le sujet, elle me répondit qu'il faudrait qu'une personne meurt, et qu'elle revienne parmi les vivants pour témoigner, mais comme ce n'était pas possible, la question ne serait probablement jamais élucidée.

J'observais les amies de Camille lorsqu’elles venaient à la maison et je souhaitais leur mort, secrètement, car il se passerait une fois quelque chose d'incroyable dans ma vie. Camille avait beaucoup d'amies, contrairement à moi, mais je ne les aimais pas, car elles me prenaient pour un bébé, alors que j'avais presque dix ans.

— '' Camille, votre sœur est vraiment mignonne ! (Comme si je ne le savais pas !)

—''Comme elle a grandie ! Quel âge a-t - elle maintenant ? (Vous m'avez vu la semaine dernière !)

—'' N'ayez pas peur de moi Louise, je ne vais pas vous manger ! (Ce n’est quand même pas de ma faute si votre parfum ne sent pas bon)

Elles m'énervaient, mais d'un autre côté, j'aimais ma place de benjamine. Qui n'apprécierais pas d'être ainsi au centre de l'attention ?

A la fin du mois de novembre, une des amies de Camille se fit renversée par une voiture, mais elle survécu avec seulement un bras cassé, à ma grande déception.

Je poursuivais ma vie monotone. Mon oncle sombrait dans l'alcoolisme, ma tante tentait de nous élever ma sœur et moi avec l'aide de sa fille, ce qui n'était pas facile tous les jours. Nous vécûmes ainsi durant plusieurs mois avant que Marguerite ne réagisse face à la situation.

Depuis quelques temps, nous ne vivions plus que sur les héritages, car mon oncle, ancien marchand de tissus, ne travaillait plus. La situation devint critique lorsque nous dîmes renvoyer les employées et professeurs, dont ma chère gouvernante, pour économiser l'argent.

Ma tante, Camille, ma cousine et bientôt moi-même devions aider à entretenir l'hôtel, faire la cuisine, le ménage, vider les pots de chambre (je n'aimais pas du tout faire ça, mais je fus obligée), aller chercher de l'eau au puits...

Nous savions tous que cette situation ne durerait pas, et que ce n'était que provisoire, en attendant une solution. Jean restait dans son fauteuil la journée entière, sa bouteille de vin à la main, criant des propos incompréhensibles, effrayants.

Mon oncle mourut dans son sommeil dans la nuit du vingt au vingt et un novembre 1759. Notre vie bascula alors.

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