Chapitre 7C: juillet - novembre 1758

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Un soir, ma sœur rentra du parc où elle aimait rester avec son groupe d'amis, et sans même venir m'embrasser, elle se coucha sur son lit, sans dire un mot. Je trouvais cela étrange, car ce n'était pas son comportement habituel. Inquiète, je m'interrogeais. A peine avais – je posé ma question que ma tante s'écria :

— '' Camille–Marie ! Comment est-ce possible ?!

Si elle l'appelait par son nom complet, cela devait être une grosse bêtise. Puis ma sœur pleura doucement et tandis que les larmes roulaient sur ses joues d'enfant, sans même savoir de quoi elle était malheureuse, je me mettais à ses côtés pour la consoler, comme elle faisait souvent avec moi quand je me trouvais triste.

—''Ne vous en faites pas ma sœur, cela ne doit pas être très grave.

Malheureusement, ça l'était. Mon oncle arriva en trombes dans la chambre, me poussa hors de la pièce, et referma la porte. J'entendais ma sœur pleurer, crier, supplier, ce que je ne pouvais pas supporter. Mon oncle vociférait qu'elle faisait la honte de la famille, que son comportement était sale et affreux.

Les larmes me montèrent aux yeux, mes jambes ne me tenaient plus, je m'écroulais sur le sol de l'hôtel et tapais de toutes mes forces à la porte, suppliant que l'on cesse de la battre, pleurant, criant, même si elle ne devait sûrement pas m'entendre.

Ma tante excédée m'attrapa le bras et sans rien m'expliquer de la situation, m'emmena dans ma chambre. Recroquevillée sur mon lit, je n’avais jamais pleuré aussi fort, aussi longtemps, jamais été aussi mal pour Camille. Le sommeil m'emporta finalement.

Lorsque je me réveillais, mes yeux étaient rouges, mon nez coulait. Je voulais voir ma sœur, c'était tout ce qui comptait pour moi. La faim, le malheur, me mettaient à fleur de peau, un rien m'aurait énervée à ce moment-là.

Lorsque je retrouva enfin Camille, je fus choquée de l'hématome qui recouvrait sa paupière droite. La pauvre était abattue, les larmes stagnaient sur son visage meurtri.

Sans réfléchir, je me jetais dans ses bras. Sa réaction fit plus que me surprendre, elle me figea de stupéfaction, car elle me repoussa violemment. Qu'avais - je donc fais pour mériter ça ?

Plus tard, j'appris que la faute grave commise par ma sœur avait été rapporté par une voisine, qui l'aurait aperçu par sa fenêtre embrassant un garçon sur la joue. Camille fut désormais interdite de sortie si un adulte ne l'accompagnait pas. Si être amoureuse était un crime qui méritait ces châtiments, alors jamais je ne tomberais amoureuse.

Si ma pauvre sœur se remettait doucement de ses blessures, elle ne m'acceptait plus, ce qui me rendait malheureuse. Elle n'était plus la même, à presque douze ans, je la trouvais mature et changée. Tant pis, de toute façon je n'étais pas mariée avec elle, et je préférais jouer avec mes amies.

Je me disais cela, pour ne pas m'avouer à moi même qu'elle me manquait terriblement, que j'avais envie de l'embrasser et la serrer dans mes bras.

Tout devenait difficile, et bien qu'elle ne soit pas encore adolescente, elle se rebellait quelquefois contre ma tante ou mon oncle et prenait des coups, ce que je détestais par-dessus – tout.

Bien qu'il fasse encore beau, je n'étais pas du tout d'humeur à sortir. En effet, mes amies Marie-Anne et Marie-Catherine venaient de partir à l'orphelinat sans billet de retour.

En effet, leur père qui travaillait continuellement n'avait aucune possibilité de prendre soin d'elles et il ne pouvait plus payer de nourrice. Celle – ci, qui avait accepté avec bonté et pendant quelques temps de ne pas être payée en échange du logis et du couvert, venait de se fiancer.

Ils avaient plus aucune perspective d'avenir.

J'étais très triste bien sûr de ne plus les voir, mais n'ayant que huit ans, je ne tardais pas à me faire de nouveaux amis. Je me rapprochais ainsi d'une petite fille brune de mon âge, que j'avais jusqu'à alors laissée de côté. Même si je ne l'aimais pas beaucoup, bavarde et assez ennuyeuse, elle me tenait compagnie les fois où je sortais.

Je ne me souviens pas être sortie une seule fois au mois d'octobre, car la pluie tombait à flot, et il y avait des orages, ce qui m'effrayait. J'allais, bien que cela l'agace, voir ma tante, la nuit pour qu'elle me rassure, mais elle non plus ne l'était pas vraiment. J'avais surtout peur que les éclairs me frappent.

Comme son époux était souvent absent à cause de son métier, Élisabeth passait beaucoup de temps chez nous avec son fils. L'appartement qu'elle occupait d'ordinaire avec Charles lui paraissait trop grand pour elle seule et son bébé. Ce dernier, sur le point de marcher du haut de ses huit mois, était un enfant précoce. Un jour, j'entendis son père lui dire :

— Mon fils, vous deviendrez un grand homme, vous ferez des actes extraordinaires dans votre vie qui sera longue et prospère, j'en suis sûr.

Élisabeth rapporta qu'elle n'aimait pas trop cette avance de son fils, car il se disait qu'un enfant précoce mourrait plus tôt.

Les douze ans de ma sœur le deux novembre ne furent pas fêtés, et personne, sauf moi, ne lui rappela son anniversaire. Elle avait trop déçu pour que l'on cherche à lui faire plaisir.

Le lendemain de l'anniversaire de Camille, nous nous rendîmes au théâtre avec ma tante Marguerite et ma cousine France. Pendant que je sautais deux par deux les marches de pierres qui menaient au balcon, mon pied s'accrocha dans un tapis et je me cognais violemment la tête sur le rebord d'une d'entre elles.

Après avoir passé ma frayeur, je touchais de ma main ce que je pensais être un simple bleu.

En voyant du sang dessus, je me mettais à pleurer. Ma cousine s'interpella et remonta les escaliers pour venir me chercher. Lorsqu'elle vit le sang qui coulait sur mon visage, elle héla sa mère qui s'empressa de venir voir ce qu'il se passait. Les yeux écarquillés devant mon état, elle me conduisit jusqu'à l'entrée pour prendre la voiture et rentrer immédiatement. Pendant le trajet du retour, elle tenta d'essuyer avec son mouchoir, qui s'imbiba presque immédiatement. Le médecin observa, puis il m'appliqua une saignée avant d'éponger et recoudre ma plaie.

Mes pleurs s'intensifièrent, je ne me laissais pas faire, j'avais trop mal. Il me fallait du repos, mais la douleur ne me permettait pas de rester sagement allongée dans mon lit, et je marchais donc en rond dans ma chambre, pour oublier ma blessure profonde.

Ce mois – ci, le petit Charles, âgé de neuf mois, effectua ses touts premiers pas sans aide sous nos regards attendris et ceux de sa tante France, mère et grand – mère.

Il avait la blondeur de sa mère, et le caractère de son père. C'était un enfant roi, gâté, sans cesse félicité, complimenté, pour ses parents le plus beau, le plus intelligent.

Il riait, heureux de vivre, contemplant ses deux parents des yeux d'un enfant épanoui.

Son père avait bien l'intention de lui offrir la meilleure éducation possible, qu'il soit plus tard engagé politiquement, socialement, économiquement dans l'avenir de son pays.

Élisabeth vivait non loin de chez nous avec son époux et son fils. Je n'y avais jamais mis les pieds, car Charles était souvent absent, et la jeune mère préférait venir nous voir plutôt que de nous inviter. Elle ne faisait pas trop attention à moi, et je trouvais son fils capricieux et trop gâté.

J'étais jalouse de sa situation idéale, car je n'avais jamais eu la chance de connaître mes parents. Je préférais sa sœur France, plus spontanée, dynamique, mais surtout, la seule qui acceptait de répondre aux questions parfois indiscrètes qui me trottaient dans la tête.

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