Chapitre 2C : septembre 1753

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Jean possédait dans son cabinet une grande bibliothèque, où trônaient des centaines d’ouvrages aux couvertures joliment décorées et dorées. Un jour, alors que la porte n’était pas verrouillée comme il avait pourtant l'habitude de le faire, Louise et Anne s'y introduisirent. Quel bel endroit !

Au sol, du parquet ciré et glissant, aux murs, quelques tableaux de maître et l’immense bibliothèque dont les plus hautes étagères n'étaient accessibles que par une échelle. Par maladresse, Anne glissa sur le sol lustré et bouscula la bibliothèque dont un ouvrage tomba. Au lieu de tenter de le ranger, les filles s'intéressèrent plutôt à son contenu. En titre, écrit en caractère majuscule grasse : Gargantua & Pantagruel de François Rabelais. Anne déchiffra, grâce à ses bases en lecture, le titre qui parut à Louise être intéressant.

Cette dernière emporta ensuite le livre dans sa chambre pour tenter de comprendre cette histoire. Malheureusement, elle n’avait jamais suivi de cours de lecture et le texte imprimé sur cet ouvrage s’apparentait pour elle à un code secret impossible à déchiffrer. Plutôt, que de demander de l’aide à sa tante, elle le rangea dans le tiroir de sa table de chevet.

Anne apprenait à jouer, depuis peu, d’un instrument de musique magnifique, le clavecin.

Tous les jours, la douce mélodie résonnait dans l'hôtel, poussant Louise à s’interroger sur l’objet en question. Elle venait lui rendre visite lors des cours particuliers qui lui étaient dispensés par un précepteur. Elle aurait elle aussi voulu apprendre, mais elle était encore trop jeune, lui disait-on.

Comme Louise, s'ennuyait beaucoup à la maison, sa tante se proposa de les emmener, à l'occasion d'une ouverture au public, à la ménagerie de Versailles. Pour tout le monde, Versailles était la demeure du roi Louis XIV, un château somptueux, qui étonnait la famille entière, car tout le monde savait qu'il abritait plus de mille pièces. Marguerite leur lut la brochure écrite pour promouvoir cette ouverture exceptionnelle.

Le plus beau, le plus grand, le plus somptueux château, le palais de notre majesté le roi Louis XIV ouvre sa ménagerie au public le temps d'une journée, autruches, oiseaux nains, dromadaire, perroquets multicolores et venu d'Afrique noire pour la première fois au royaume de France, un éléphant ! Venez nombreux à cette ouverture exceptionnelle le vingt - six septembre 1753 !''

N’ayant jamais entendu ces noms d'animaux, Louise s'’imaginait des créatures fantastiques dévoreuses de rêves, peut-être pensait-elle, y avait-il là-bas des Aspics, la bête du Gévaudan ou même Baba Yaga ?

Versailles était situé à quatre lieues de l'hôtel. Avant le départ, Louise, surexcitée, sautait partout. Marguerite s'en agaçait.

— Calmez - vous donc Louise.

La petite s'assagit d'abord, avant de reprendre ses sautillements d'impatience.

— Louise, c’est la dernière fois que je vous reprends !

Elle bouillonnait intérieurement. Vivement le départ !

Lorsqu'ils s'installèrent dans la voiture, Louise ne tenait déjà plus en place. Il y avait du monde sur la route, et pour elle, petite de trois ans, le voyage fut beaucoup trop long. Quand sa patience arriva à ses limites, en réalité peu de temps après le départ, elle se mit à râler.

— Ma tante, quand arrivons-nous…

— Patience, le trajet n’est plus très long. Profitez donc du paysage, vous plaindre ainsi n’avancera pas les choses.

Ils arrivèrent finalement devant le somptueux château. Vu la foule, ils pouvaient être sûrs que c'était bien ici. Ils descendirent en faisant attention à garder un œil sur chacun d'entre eux, pour ne pas se perdre, car il y avait bien mille ou deux mille personnes présentes en même temps ce jour-là. Tout le monde se demandait bien où pouvaient se trouver les bêtes tant attendues. Alors qu'ils passaient devant, Marguerite affirma que les animaux ne se trouvaient pas dans le château, mais dans des bâtiments conçus à cet effet, mais qu'elle n'en savait pas plus, parce que la dernière fois qu'elle y était allée, c'était en 1723, alors qu'elle n'avait que douze ans. Il y avait tant de monde que Camille-Marie nous faisait cette réflexion qui m'inquiétait.

— Je crois que nous ne pourrons rien voir des bêtes, il aurait fallu arriver tôt ce matin.

Marguerite soupira, car même les balcons étaient pris d'assaut.

Ils accédèrent enfin aux enclos, après s'être faufilés parmi les gens. Louise tentait d'apercevoir un éléphant, avant que Camille ne la tire par le bras pour lui faire voir un endroit secret.

Elle lui montra un petit trou dans un mur qui donnait une superbe vue sur un immense oiseau ayant un cou disproportionné par rapport à son corps. C'est tout ce qu'ils purent voir ce jour-là, et sentir aussi, car l'odeur du parfum et de la transpiration mêlé à celui du purin était abominable.

Ils passèrent peut-être une bonne demie heure là-bas, avant que Marguerite ne prenne un air déçu.

— De toute façon nous ne verrons rien, rentrons.

Le lendemain cependant, comme pour rattraper sa sortie ratée, Marguerite voulu les emmener chez un ami de son oncle, qui possédait une ferme, une laiterie, un poulailler, et dont les enfants s'entendraient bien avec eux, d'après elle. Le soir après le repas elle questionna donc son époux.

— Jean-Charles vit -il toujours à Montrouge dans sa ferme ?

— Oui, il vient même d'être de nouveau père, j'ai reçu sa lettre avant-hier. Voulez-vous lui écrire ?

— Je pensais emmener les filles, pour jouer avec les enfants et les animaux. Comme nous n'avons pas pu voir grand-chose hier à Versailles et que les enfants ont l'âge de Louise et Camille, bien que Rose… Quel âge a leur aînée ?

—''Dix ou onze ans je crois, elle est à peine plus âgée que Camille-Marie. Je ne vois pas de problème à ce que vous alliez les voir, au contraire, Jean-Charles serait ravi. Je vous aurais volontiers accompagné, mais malheureusement, le travail n'attend pas.

Ils partirent donc le lendemain chez cet ami de l'oncle Jean, qui vivait dans un bourg à une lieue de Paris. La famille, aisée, habitait dans un petit manoir autour duquel ils avaient fait construire une ferme avec un poulailler pour avoir des œufs frais tous les matins, une laiterie avec deux vaches pour fabriquer du fromage, et enfin une écurie pour loger les ânes des enfants. Ceux-là étaient gâtés. La famille comptait un petit garçon de mon âge, et deux filles orgueilleuses de celui de Camille, presque jumelles puisqu'elles étaient nées la même année, à onze mois d'intervalle seulement. Rose et Charlotte avaient une petite sœur, Geneviève, née il y a quelques jours et de ce fait, Marguerite et les enfants ne purent pas voir leur mère, éreintée et somnolente après un accouchement difficile. Toute la journée les enfants jouèrent entre eux, s'ennuyant et ignorant les enfants.

Marguerite était déçue, décidément, rien de ce qu'elle entreprenait pour elles ne réussissait.

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