Chapitre 22A: mai - juillet 1773

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Je venais d'avoir vingt - trois ans et bientôt, je me ferais appeler maman. Je n'y croyais toujours pas tant c'était fort et cela accaparait complètement mon esprit. Je ne pensais plus qu'à cela, ce petit être recroquevillé dans mes entrailles que j'aurais bientôt dans les bras. Ce serait mon enfant a moi, pas question de le confier comme Madeleine a une nourrice, comme un vulgaire paquet laissé à un inconnu une fois livré. Sans doute Léon ne voudrait pas que je l'allaite mais dans ces cas-là je lui donnerais le biberon, comme l'avait fait France avec ses enfants en intermittence avec une nourrice. Inquiète, j'attendais une de ses visites pour lui en parler.

—''Vous croyez qu'il serait mieux pour mon bébé d'être nourri au lait d'une nourrice ou au biberon ?

—''Si vous ne voulez pas l'allaiter, vous n'avez pas d'autres choix que de le nourrir au sein d'une nourrice, au moins ses premiers mois. Vous aviez une autre solution ?

—''Je pensais lui donner du lait de chèvre...

—''Ne faites jamais cela Louise ! Un nouveau - né ne supporte pas le lait de chèvre, il aurait de graves carences ou mourrait d'une indigestion. Vous pouvez tirer votre lait, mais généralement les hommes n'aiment pas que leurs femmes fassent cela. Si vous faites nourrir votre bébé autrement que de votre sein, je vous conseille de bander fortement votre poitrine la huitaine de jours qui suivra la naissance pour stopper la montée de lait, sinon vous allez souffrir énormément.

—''Je suivrais vos conseils France, mais j'ai peur qu'en engageant une nourrice, mon bébé s'attache trop à elle.

—''Vous savez Louise, votre enfant peut - être nourri au lait de chèvre avec de la bouillie dès ses six mois. Six mois ce n'est pas grand-chose et cela ne vous empêche pas de rester avec lui. Il ne se souviendra jamais de sa nourrice si elle le nourri seulement ses premiers mois.

J'écoutais avec beaucoup d’intérêt les conseils de ma cousine : tout m’intéressait, les premières dents, les pleurs, les changes, les bains, elle me donna à chaque fois les réponses que j'attendais, j'en fus ravie et un peu rassurée. France me donna aussi tout son matériel pour bébé : du linge qui sentait bon la lavande, les robes de ses fils, un hochet, une tétine, deux biberons de verre. J'aurais voulu lui donner de l'argent pour tout cela, mais elle refusait, de toute façon ce matériel l'encombrait et ne lui servirait plus.

Ma belle - sœur me rendit visite peu après la naissance de mon enfant. Sa petite Françoise, qui avait plus d'un an, gigotait dans les bras de sa nourrice pour descendre jouer. L'enfant avait de fins cheveux bruns qui lui tombait sur les épaules et de grosses joues rouges. Sa mère et sa nourrice vantaient ses progrès : la petite disait depuis peu quelques mots, notamment '' Nounou'', mimait à la perfection le bruit du cheval (il est vrai que c'était très utile dans la vie), mangeait seule et plutôt proprement sa bouillie et adorait jouer avec Michel, avec qui elle aimait partager ses poupées. Comme il était drôle de voir ce petit garçon aveugle si à l'aise avec sa cousine, donnant le thé a ses poupées comme n'importe quel enfant !

Plusieurs fois, bien qu'enceinte à ne plus voir mes pieds, je me rendais en empruntant une voiture chez ma sœur, lui donnais les dernières nouvelles de la famille, lui lisait les gros titres des journaux, je l’embrassais, priais pour elle et emmenait ses enfants qui s'ennuyaient au parc ou voir Françoise chez leur oncle. Auguste fils se détachait maintenant facilement de sa mère, du haut de ses trois ans, il n'aurait de tout façon pas pu faire autrement. Michel souriait peu d'habitude, mais dès qu'il entendait le son de la voix de sa cousine, son visage s'éclairait et il se dirigeait maladroitement vers elle, tâtait son visage pour s'assurer que c'était bien elle, et l'embrassait a pleine joue, d'un baiser baveux.

Le quinze juillet, alors que la naissance était proche, je me réveillais dans une désagréable sensation d'humidité. J'allumais ma bougie, encore somnolente : il y avait une grande flaque sur mon matelas et le bas de ma chemise était trempé. J'avais d'un seul coup peur, que m'arrivait -il ? Dans l'incompréhension la plus totale, je me levais pour aller changer les draps et de chemise, mais une horrible douleur au dos me stoppa dans mes élans. Le bébé allait naître, j'en étais sûre, mais ne pouvait - t-il pas attendre le matin ? J'appelais Léon dans l'urgence, mais ce fus Gustavine qui pointa à la porte. Les douleurs devenaient insoutenables, elles se mêlaient à des crampes intestinales qui me donnaient envie d'aller au pot de chambre...

—''Gustavine appelez votre père, je vais accoucher... La priais - je dans ce qu'il me restait de voix.

J'avais peur d'accoucher toute seule, surtout que l'enfant arrivait mais pas Léon. Je soufflais enfin lorsque deux sages - femmes débarquèrent dans la chambre. Très vite elles m'installèrent sur une chaise et j'enfantais, c'était atroce, la douleur était si forte que je criais a en avoir mal à la gorge. Je bataillais toute la journée du quinze et enfin, mon enfant naquit à l'aube du seize juillet. Aussitôt qu'il fut lavé et serré dans ses bandages, Léon découvrit son fils, ravi de pouvoir donner un frère a ses deux filles. Nous nous reposâmes quelques heures et en milieu de matinée, mon fils était conduit au baptême. Il aurait comme marraine la mère de Léon et comme parrain un de ses amis de surcroît j'arrivais à faire entendre ma voix pour désigner ma cousine France avec son époux seconds parrains et marraines. Mon petit Léon - Paul rencontra peu de temps après Gustavine et Caroline, qui manifestèrent toutes deux une certaine déception de ne pas avoir de sœur, mais ensuite une immense joie lorsqu'elles purent le prendre sur leurs genoux, installées sur le petit fauteuil de la chambre.

Mon bébé avait les cheveux roux, des jambes potelées, un fort cri lorsqu'il pleurait et de petites mains roses. Il était le plus beau des nouveau - nés, à côté je trouvais les enfants de Camille et France moches, pour tout ainsi dire. J'étais mère et cela me faisait une drôle d'impression, c'était si fort émotionnellement...

Allaité par une nourrice, lorsqu'il hurla la nuit de sa naissance pour prendre le sein, la femme arriva en courant pour lui donner son lait et cela me mis mal à l'aise, elle pénétrait dans une intimité mère - enfant que je jugeais pourtant impénétrable. Cette nuit - là Léon - Paul me réveilla trois fois, faisant accourir à chaque fois la nourrice. Le lendemain, très fatiguée, je devait lui changer ses bandes, nettoyer son cordon ombilical et lui donner un bain. Je nettoyais son cordon saignant et remettait le bandage pour stopper les saignements. Je trempais le gant dans l'eau fraîche et je frottait doucement la peau rose de mon fils avec le savon. Ensuite je le séchais dans la serviette chaude, ébouriffais ses cheveux roux déjà épais et je le ré - enroulais dans ses bandes. Comme c'est à ce moment précis qu'il se remettait à pleurer, je le défaisais de ses bandelettes et l'enroulait simplement dans un linge, plus simple pour moi pour le changer et plus confortable pour lui, ce n'était que du bénéfice.

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