Chapitre 16A: mai - juillet 1767

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Le trois mai, j'avais dix – sept ans.

Dans un peu plus d'un an, je quitterai l'établissement pour rentrer chez moi, quelle hâte avais - je !

Une mésaventure m'arriva alors que j'avais la tête dans mes pensées, et j'en eu longtemps honte. La journée de leçons était terminée, je m'installais comme à mon habitude sur mon lit pour me reposer un peu. Lorsque j'ouvris le tiroir pour prendre mon livre, il y avait une médaille dedans, mais ce n'est que lorsque l'élève voulu rejoindre son lit que je considérais ma bêtise : je m’étais trompée de couchage ! Penaude et honteuse, je rejoignais ma chambre sans dire un mot, la prochaine fois je ferais plus attention. En mai de cette année-là, mis à part cet incident, il ne se passa rien de mémorable. En revanche, il se passa beaucoup de choses en juin, notamment la lettre de Camille qui me fis chaud au cœur.

Chère Louise,

Vous n'allez pas en croire vos oreilles, ce sont deux bébés en pleine santé qui sont nés ce onze juin ! Si je peux vous raconter, car j'ai assisté à l'accouchement :

Vers le dix juin dans la soirée, France ressentit les douleurs les plus intenses de sa grossesse, et aussitôt, la matrone fut appelée pour la naissance imminente. France s'assit sur le fauteuil habituel, la main sur son bas ventre douloureux, en plus de moi, dans la pièce, se trouvait deux matrones, et la marraine de l'enfant à naître. Lorsque France commença à accoucher, nous ne nous doutions pas de la surprise qui nous attendait. Elle avait très mal, criait et ce, pendant cinq longues heures. Tandis que moi, assise au fond de la pièce, je somnolais, la matrone tira ce qui était le nouveau-né, et le sorti comme un magicien un lapin de sa cape, de sous la robe de la mère. Lorsqu'il fut complètement libéré, je coupais le cordon, m’apercevant au passage que c'était une petite fille, et la matrone s'en alla au baquet le laver et l'emmailloter. Alors que France pensait les atrocités terminées, la deuxième matrone, dans la surprise, attrapa au vol un second enfant. C'était cette fois un garçon. J'aidais à soigner le nouveau-né, braillard, vigoureux et la matrone l'emmaillota. J'accompagnais au baptême, les petits hurlants furent plongés dans l'eau, j'eus peur lorsque le prêtre, de ses mains mouillées et glissantes, lâcha malencontreusement la nouvelle née qui se cogna la tête contre le rebord de la cuve de pierre. Elle s'en sorti par miracle avec une simple bosse. Lorsque les jumeaux furent baptisés, leurs prénoms furent choisis : Philippe et Marguerite. Une fois présentés au père, on ne peut plus heureux de cette naissance, ils le furent à Marguerite, fière que sa petite fille porte son prénom. Les enfants vont fort bien et France se repose, mais c'est à moi de leur donner le biberon, toutes les deux heures. Joseph n'assume pas plus et j'espère de tout mon cœur qu'un autre enfant ne naîtra pas dès l'année prochaine car cela commence à faire beaucoup!

Bien affectueusement, Camille.

Chère Camille,

J'ai appris avec joie la naissance des jumeaux, quelle hâte ai-je de les rencontrer l'an prochain !

Puis-je vous poser une énigme entendue parmi les filles du dortoir ?

Si je viens la journée, je disparais la nuit.
Oublié le matin, le soleil je détruis.
Inconnu de l'aurore et bien loin de minuit.
Regardez ce poème et devinez qui je suis.

Réfléchissez bien ma sœur, je ne vous donnerais pas la réponse !

Louise

Chère Louise,

J'ai triché en demandant à France =) la réponse est le soir. C'est même marqué dans le poème ! Je vais vous en donner un bien difficile, je parie que vous ne trouverez pas !

Qu'est ce qui est devant nous mais que nous ne voyons jamais ?

Amédée vient de quitter sa robe, il porte tout fier son pantalon, comme un petit homme!

Camille

En juillet, accablée par la chaleur, et pressée de retourner dans ma chambre après une journée éprouvante, je glissais dans les escaliers, et me brisais la jambe. Contrainte de devoir rester au lit trois semaines durant, je ne trouvais qu'a assembler et ré - assembler les pièces d'un petit puzzle offert il y à longtemps par Camille et décortiquer ma Bible, déjà lue deux ou trois fois. Au quatre août, le médecin déclara ma jambe guérie, à mon grand soulagement. Un soir pourtant, alors que j'allais me mettre au lit, Louise, mon amie de dortoir, nous convia autour d'elle. Toutes les cinq en robe de nuit, nous écoutions ses belles paroles. Elle avait une âme de cheffe, c'était sa nature, et les autres suivaient la plupart du temps, à tort ou à raison. Ce jour - là, elle avait dû cogiter longuement, car elle nous expliquait avec une grande précision son plan pour s'échapper d'ici et aller s'amuser un peu.

J'avais besoin de prendre l'air et ma liberté me manquait. Je suivais donc sans trop d'hésitation Louise avec deux autres intrépides, Georgette et Anne–Sophie, que j'avais appris à connaître grâce à elle. Nous nous habillâmes de nos uniformes en essayant de ne réveiller personne, et nous descendîmes toutes les quatre jusqu'au salon d'entrée, où débouchait chaque escalier depuis les dortoirs. Une fois en bas, comme rien n'était fermé à clef, Louise n'eut qu'à ouvrir le portail d'entrée, pour nous la liberté. La chaleur de la journée persistait la nuit, et mélangée à la brise du soir, cela rendait l'ambiance aussi indescriptible qu'agréable. Nous suivîmes Louise jusqu'aux berges de la Seine, éclairées par la lune qui avait l'air de veiller paisiblement sur nous.

Louise descendit jusqu'au bord de l'eau, et alla se tremper les pieds. Nous fîmes bientôt de même, mais c'était sans compter sa facétie, et la bataille d'eau qui s'en suivait. C'est dégoulinantes mais mortes de rire que nous rentrâmes au couvent, attendues de pied ferme par la mère supérieure.

Le lendemain, renvoyées d'office, nous rangeâmes toutes les quatre nos affaires. C'est ainsi que je retrouvais dans mon tiroir la pendulette de Suzanne, que je posais discrètement sur sa table de chevet, pour ne pas être traitée de voleuse. Je quittais le couvent, pour rentrer chez moi. Je regardais distraite le paysage qui défilait devant mes yeux, une succession de bâtiments et d'arbres. Puis je reconnaissais la rue de ma maison, où la voiture m'arrêta. Lorsque je retrouvais Camille, je lui sautais dans les bras, elle m'avait tant manqué !

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