Chapitre 10A: juillet 1760

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Chère Louise,

Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour les blessures engendrées, j'étais à ce moment-là malheureuse, je ne savais plus ce que je disais. Vous restez ma sœur chérie, ne vous en faites pas. Concernant les nouvelles, l'été s'annonce bientôt, j'aurais enfin des vacances, donc tout le temps pour vous écrire. Portez-vous bien, je vous réécris vite.

Camille.

Camille,

Si vous croyez que je vous pardonnerai avec quelques mots gentils, vous vous trompez.

Pendant ces deux mois, je ne savais pas ce que vous deveniez, vous avez fait la morte, cela m'a blessée. Mais si vous me promettez de ne plus jamais reproduire ce comportement, je vous pardonne. J'ai tant de choses à vous dire ! Tout d'abord, Marguerite est très malade, elle doit rester alitée, souffre de crampes qui lui détachent des cris terribles, parfois elle se lève mais se recouche bien vite faute de force.

Heureusement, la naissance de l'enfant de France lui redonne des forces, j'ai gagné mon pari, le bébé se prénomme Thérèse–Anne, envoyez-moi une fleur de lys (non fanée de préférence).

Ensuite, l'on m'a acheté une paire de souliers neuf, une jolie robe et un nœud rouge pour attacher mes cheveux que je trouve vraiment très longs. Cet été, avec France, Joseph, et Célestin, nous retournons au Portugal ! Marguerite ne viendra pas, elle est trop faible, mais nous lui enverrons une lettre. Célestin m'a dit que nous partions en juillet, pour rentrer au mois de septembre ou octobre, j'ai hâte !

Ne m'envoyez surtout plus de lettre durant ces trois mois, Marguerite les lirai.

Bien à vous,

Louise.

Nous nous préparâmes à partir pour le Portugal, à l'aube le sept juillet.

Thérèse–Anne pleurait beaucoup, de ces petits cris agaçant qui s'apparentaient plutôt à des râlements d'inconfort.

Sa jeune mère ne parvenait pas à calmer son enfant fatigué d'avoir été réveillé aussi tôt, et surtout affamé, sa nourrice étant absente. Joseph ignorait les pleurs de sa fille, et même si il montrait parfois des signes d'agacement, ce n'était pas de son devoir de s'en occuper.

Thérèse se mit bientôt à hurler, dévoilant ses gencives dénuées de dents, devenant rouge, bavant.S Sa mère lui donnait son petit doigt à sucer, mais il n'y aurait rien à faire tant que la nourrice ne serait pas là. France, impuissante face à la situation, fit une chose jusque-là absolument impensable : elle défit avec discrétion le haut de sa robe, déroula le bandage qui devait empêcher les montées de lait et en cachant sa poitrine, elle plaça Thérèse contre son sein.

Le nourrisson se tût alors comme par magie, et se mit à téter goulûment et avec bonheur le sein encore gorgé de lait de sa maman.

Un silence de courte durée puisque Marguerite, étonnée de ne plus entendre les cris de sa petite-fille, arriva dans la pièce. Après un mouvement de surprise, elle se dirigea vers France et lui retira brusquement son bébé accroché a la poitrine, qui se remit alors à pleurer très fort, à la fois surpris et agacé. Marguerite aida France à bien resserrer son bandage et le haut de sa robe, et sermonna qu'une mère bien éduquée de la haute bourgeoisie ne donnait jamais le sein à son enfant, peu importe la situation.

France, les yeux baissés, eu l'air de ne pas comprendre. Elle fixait sa mère comme une enfant qui venait de se faire punir, et qui demandait par le regard la raison de sa sanction, tout en la connaissant pertinemment. Quand je regardais ma cousine, je voyais une enfant, elle avait seulement vingt–deux ans, et un visage angélique.

Thérèse–Anne continuait de s'agiter et de pleurer dans les bras de Marguerite qui la berçait fort de droite à gauche en espérant qu'elle se calme, et en râlant après la nourrice qui n'était toujours pas arrivée.

Le père se tenait là, impassible. Il aurait préféré un fils.

Le départ fut retardé, la nourrice de Thérèse n'arrivant pas. Nous partîmes finalement le huit juillet, laissant l’enfant aux soins de sa nourrice, malgré les réticences de la jeune maman qui quittait son bébé pour la première fois.

Le voyage fut terriblement long et lorsque nous arrivâmes au Portugal, ce fut sous une chaleur accablante. Je jouais un peu avec Maria au petit lac, il y avait des grenouilles, que nous n'avions pas vu il y a deux ans, brunes, c'était la première fois de ma vie que j'en voyais.

Les frères de Maria, qui avaient bien grandis, restaient toujours avec nous.

Nous aurions voulu jouer comme avant mais, je ne sais pas si cela tenait du fait que j'avais grandi, je n'éprouvais plus l'envie de m'amuser avec eux. Je préférais regarder les bestioles et les nuages.

France passait ses journées au frais dans la maison avec Célestin pendant que j’observais les insectes dans la forêt, bien que l'on me sollicite pour jouer.

Le temps fila comme il y a deux ans et j’avais tout sauf hâte de reprendre le chemin du retour, car je savais qu'il serait encore horrible.

Nous fîmes beaucoup de choses cet été-là avant de rentrer à Paris. Nous pêchâmes, lûmes des livres en français, Maria me fit découvrir de nouveaux plats, et nous nous chuchotâmes des confidences le soir dans la chambre que nous partagions. C’étaient des moments où plus rien ne nous empêchaient de nous livrer l'une à l'autre, je disais tout, même les choses intimes, et mon cœur souvent battait fort. C’était plutôt agréable de vider son sac.

Je lui racontais notamment ce que m’avait dit Camille sur les changements de son corps progressifs avant son départ pour le couvent. Qu'elle se sentait plus mature dans sa tête, que sa pilosité naissante la dérangeait beaucoup, qu'elle essayerait bien la cire d'abeille de Marguerite tout en ne sachant pas comment lui dire...

En considérant la pudeur des adultes à notre époque, je la comprenais parfaitement. Cela ne me concernait pas encore, heureusement.

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