Chapitre 8A: juin - juillet 1759

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Nous reçûmes au début de l'été des nouvelles d’Élisabeth, de son mari et de leur fils.

Charles écrivait dans la lettre humide et difficile à déchiffrer :

Chers beaux-parents et apparentés,

Cette lettre vise avant tout à vous rassurer sur notre arrivée à Lyon. Comme dit, le voyage s'est déroulé sans encombres, si ce n'est que ma chère épouse se soit inquiétée de partir si loin de la capitale et que petit Charles ait trouvé ennuyeux de rester sis durant la distance qui nous séparait de notre destination, soit cent vingt-cinq lieues, manifestant son agacement par d'insupportables cris et autres dérangements. L'arrivée et l'installation se sont passés comme il le fallait, j'ai trouvé mon nouveau cabinet fort agréable, et mon nouveau logement de même. Charles vient de débuter son instruction en mon cabinet, et je peux affirmer, sans quelconque prétention, que c'est un garçon relativement doué qui deviendra, j'en suis persuadé, un grand avocat. Sans rien vous promettre, je peux vous donner l'idée que nous passerons la Saint - Nicolas en votre compagnie.

Sur ces belles paroles, je ne peux que vous souhaitez une bonne continuation, une bonne santé.

Votre beau – fils,

Charles-Emilien de Montmorency.

L'été qui suivit fut un des plus beaux de ma vie. Au début du mois de juillet, une lettre nous parvint comme quoi la sœur de ma tante nous invitait dans leur maison au Portugal.

Quand nous apprîmes la nouvelle, nous étions folles de joie, et surtout moi, qui courais autour de la table du salon en criant :

— '' Vive le Portugal ! Vive le Portugal !

Même quand on me priait de faire preuve de décence, je ne m'arrêtais pas bien longtemps. Notre oncle ne nous accompagnerait pas, il fallait mieux qu'il reste à Paris, nous partîmes donc à quatre : ma tante, ma cousine France, ma sœur et moi.

Trois jours après la réception de la lettre, les bagages faits, nous montâmes dans la voiture pour un trajet de près de trente jours, direction le Portugal. Je ne pensais peut - être pas que ce serait aussi long de rester assise des journées entières, avoir des fourmillements dans les jambes, dormir dans des auberges souvent insalubres, et se lever tôt le matin pour reprendre la route. Cependant, le jeu en valait la chandelle.

Dehors, au fur et à mesure des lieues parcourues, le paysage changeait radicalement, dévasté, détruit par la catastrophe de 1755, désertique. Mais la sœur de ma tante avait depuis acquit une nouvelle maison assez éloignée de Lisbonne. La voiture pénétra dans une campagne poussiéreuse, très ensoleillée, il faisait chaud.

Une fois que nous fûmes arrivés, vers le vingt-sept ou vingt-huit juillet, devant une modeste maison à la façade blanche qui éblouissait à cause du soleil qui tapait très fort, j'étais folle de joie. Un homme à la peau rendue mate par le soleil nous accueilli, c'était l'époux de la sœur de ma tante. Tandis qu'une femme très brune étendait son linge, aidée d'une petite fille qui était sûrement la sienne, dehors, sous le ciel bleu, des enfants jouaient au ballon. Puis l'homme appela de sa voix grave et autoritaire :

— '' Alice, Moises, João, Maria, Venta ! Os primos chegaram!

Je ne compris pas cette phrase, mais cela voulait sûrement leur dire de venir car les enfants cessèrent immédiatement leur jeu, pour venir nous saluer. Tandis que la mère de famille, ma tante Alice, et l'enfant qui étendaient leur linge posèrent leur panier pour venir à notre rencontre.

Alice reconnut sûrement sa sœur avant nous car elle lui fit une longue accolade, lui parla un peu en français, mais ne prêta pas de suite attention à nous. En fait, à part ma cousine qu'elle avait dû voir il y a fort longtemps, elle ne nous avait jamais vu.

Nous reçûmes ses salutations, nous lui dîmes nos prénoms, et elle nous fit rentrer chez elle.

La maison était simple, mais ils passaient tellement de temps dehors qu'elle n'avait pas besoin d'être plus grande ou plus confortable.

Je fis rapidement connaissance avec les enfants du couple, dont les deux garçons me parurent vraiment polissons. Maria, dix ans, était plutôt sage, mais João et Moises, ses frères de six et sept ans, la bêtise incarnée.

Ma cousine Marie m'expliqua en souriant qu'ils étaient toujours prêts à jouer les enfants canailles, faire des croches–pattes, des remarques déplacées envers les gens, des farces plus ou moins drôles. Je tentais au maximum de les éviter, mais ce ne fus pas facile, et je me liait d'affection avec leur soeur aînée Maria.

Lorsque le soleil commença à baisser d'intensité, Maria, qui parlait bien le français du fait de sa mère native, proposa à ce qu'on dorme à la belle étoile ce soir. Son père accepta, c'était chose courante ici, en Méditerranée. En guise de souper, eûmes droit à un plat typiquement Portugais, une caldeirada, un ragoût de poisson, de crustacés, avec des tomates, et des herbes aromatiques, un plat consistant, mais assez bon.

Nous nous couchâmes très tard, car nous passâmes la soirée à faire connaissance, je lui parlais de moi, elle m'apprit les bases en portugais. Une fois, Camille vint nous déranger dans la chambre. Je ne sais pas ce qui passa dans ma tête mais je la repoussa, assez violemment. Elle s'en alla finalement sans doute assez déçue, et je fus prise de remords jusqu'au lendemain.

Nous dormîmes dehors, et, mis à part les moustiques qui me dévorèrent, la chaleur accablante dès le lever du soleil et la lumière du jour qui me réveilla assez tôt, ce fut une expérience que j'appréciais. Le lendemain matin, après le déjeuner composé de Pasteis de Belem, une viennoiserie, Qeijadas, un gâteau à la crème, et autres croissants au jambon et fromage, je fus rassasiée un certain temps.

Nous partîmes pour une balade, suivie d'un pique – nique en début d'après-midi.

Nous marchâmes quelques temps, jusqu'à un endroit verdoyant, quelque peu coupé du reste du monde, il y avait un lac asséché, nous jouâmes autour avec Maria ses deux frères, puis nous prîmes notre repas du midi. Dans la forêt, il y avait aussi un minuscule lac rempli, épargné par la sécheresse du fait que les arbres filtrent les rayons du soleil.

Là, le père de Maria nous initia à la pêche, mais, n'aimant pas l'eau, et effrayée par les poissons, je fis beaucoup rire les enfants. A la fin de la journée, épuisée, je m’endormis sur le lit de Maria, sans même avoir pris mon souper. Comme j'aurais voulu passer des journées de ce type toute l'année !

Cette nuit-là, mon rêve m'emporta loin de tout, dans un monde étrange, peuplé de poissons maléfiques, de ravins où l’on n’atterrissait jamais lorsqu'on y tombait, ce qui me fis sursauter, car je cru vraiment chuter de mon lit. Je crus aussi pendant ce rêve apercevoir ma mère, mais je fus réveillée avant de savoir si c'était elle.

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