La horde - 4° partie / La poursuite

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Les voleurs savent courir, leur vie en dépend. Peu pressé, Étienne observait l’hydre. L’arc tendu, elle reculait à petit pas, attendant que tous aient atteint la sylve. Tout aussi sûr de sa vitesse, Julien rebroussa chemin, insistant pour qu’il le suive. Le cadet regimba. Depuis le début, quitte à abandonner le village à son sort, son frère ne cherchait qu’à fuir. Ses pouvoirs en réserve, comment aurait fait son égérie pour abattre les pirates sans son aide ? Étienne devait continuer à la soutenir du mieux qu’il pouvait. Il se sentait fort.

Elle se mit enfin dans les pas de la petite fille, toujours en pleurs. Elle l’entraîna, la poussa. Elle tourna sa tête vers lui.

— Il faut se rendre à l’endroit où j’ai tué mes poursuivants. La forêt y est dense. Et il y a des armes.

Elle a un plan ! Elle a toujours un plan. Là-bas, l’allure des chevaux serait ralentie. Elle pourrait agir à sa guise. Quant aux armes, elles permettraient de se défendre de tous côtés.

Julien ne pouvait pas abandonner son frère. S’il lui arrivait quelque chose, il se le reprocherait indéfiniment. Mais quelle tête de mule ! À croire qu’il pouvait tout se permettre : voler les gens et voler à leur secours étaient inconciliables. Par-dessus le marché, il se trompait de combat. Mais l’aîné avait peur de la femme. Elle avait abattu trois hommes, puis deux autres. S’il avait insisté auprès du cadet pour se sauver avec lui, elle aurait pu le considérer comme son ennemi.

Il aurait préféré partir avec son cheval pendant qu’elle s’occupait de gagner en reconnaissance auprès des prisonniers. Une belle monture. L’occasion s’était présentée lorsqu’elle visait le malfaiteur avec son arc. Son sot de frère allait leur coûter cher.

Énervé, il accéléra, prit la main d’Étienne et l’emmena avec lui. Mais celui-ci se libéra, lui lançant un regard mauvais.

Trop tard ! La forêt vomit ses cavaliers derrière eux.

.oOo.

Casey exultait. Les quatre morveux avaient rejoint un groupe incluant jeunes femmes et enfants, des marchandises faciles à soumettre. Comment ces derniers avaient-ils réussi à s’échapper du village aussi tardivement ? Il l’ignorait. La chance souriait aux endurants pour l’avantager au moment du partage. Jordan lui avait attribué le commandement du groupe de chasse et il comptait honorer sa fonction.

Il passa d’une silhouette mouvante à une autre, comptabilisant ses gains. La fille aux cheveux d’or retint rapidement son attention. Toute son attention. Elle portait les armes des fuyards tout en protégeant une jeune fille de son corps. Une attitude insensée. Son maintien démontrait qu’elle pourrait la distancer, et de loin. Tant pis pour elle. Quelques foulées et elle serait sienne.

Deux bifurcations et les voilà. Elles étaient à lui. Paniquée, la plus jeune chancela. Sans hésiter, la blonde fit volte-face, levant un bras comme pour empêcher l’irrémédiable. Ne pas la défigurer, éviter la collision ! Sans qu’il ait eu le temps de lui ordonner, son cheval stoppa net, se cabra, henni sous l’effort.

— Mordious ! cracha-t-il en s’écroulant.

Il n’avait pas lâché la blonde du regard. Elle avait aidé la petite à se relever et ordonné de suivre les autres. Sans attendre, elle avait fui dans une autre direction.

Ceux qui le suivaient s’arrêtèrent à ses côtés.

— Tu ne tiens plus à cheval, Casey, se moqua un comparse.

Ces demeurés ne comprenaient rien à la stratégie. Inutile de répliquer.

— Qu’est-ce que vous attendez ? Tous sur elle. Tous ! Il me la faut.

— Mais… Et les autres ?

— Après !

Casey fulminait, tentait d’apaiser la douleur. Gotti arrêta son cheval devant lui.

— Tu as vu les corps ?

Les corps, oui… En traversant le large chemin montant, il avait cru en remarquer deux.

— Des villageois, qui d’autres ? » L’air peu amène de son vieil ami le fit douter. « D’accord, allons voir.

Ils eurent tôt fait d’atteindre la route. Trois des leurs gisaient au sol. Dans un chapelet de jurons, Casey mit pied à terre et examina les blessures.

— Ça vient d’arriver.

Gotti n’avait pas le cœur à descendre de cheval.

— Mais qui a pu faire ça ?

— Les quatre gugusses qu’on poursuivait, je ne vois que ça.

— Ils avaient tant d’avance que ça qu’ils ont pu à la fois abattre les nôtres et délivrer les prisonniers ?

Les liens disséminés au sol parlaient d’eux-mêmes. Une tâche importante. La forêt devait avoir fait perdre beaucoup de temps aux cavaliers pour que leur gibier ait eu le temps d’opérer. Ils avaient pris un risque inconsidéré. Si la femme blonde ne l’avait contraint à s’arrêter, le groupe entier serait déjà entre ses mains.

— Il manque Gus, remarqua Gotti.

Une énigme de plus.

— Ne perdons pas de temps. La blondasse d’abord.

.oOo.

— Pourquoi attendre ici ? demanda Bob Roubard.

Paul Sens se posait la même question. Dès que ses frères et lui auront récupéré, ils chercheront un abri sûr, proche du village. S’encombrer de ces fuyards les mettrait en danger. Ils n’avaient pas le choix.

— Ici, la forêt est dense, expliqua Julien. Ils seront obligés d’abandonner leurs chevaux pour nous attaquer.

— Ça ne les empêchera pas de venir nous chercher, répondit Antoine Raley. Et ils ont des armes, eux.

— Nous aussi, argua le jeune voleur. Il y a des armes dans le coin.

— Des armes, où ça ?

Paul s’était levé. Il avait observé chaque membre du groupe, cherchant à identifier ceux qui pourraient les aider. Trois hommes étaient armés : l’homme en noir, celui qui le suivait comme une ombre et le jeune homme habillé en pirate. Que faisait-il là, celui-là, d’ailleurs ? Il n’habitait pas au village. Cherchait-il à passer pour un des leurs ? Dans ce cas, il pourrait nous être utile.

— Quelque part dans le coin. Là où l’étrangère a abattu trois hommes.

Une étrangère ? Abattu trois hommes ? Ses frères furent aussi intrigués que lui. Pour le moment, seules les armes comptaient et il leur incombait de les trouver les premiers. La petite tribu se leva comme un seul homme. Paul s’adressa à Gus.

— Te joindras-tu à nous pour les retrouver ?

Gus ne les craignait pas. De sa tranche d’âge, ils se révélaient plus accueillants que les autres. Il accepta immédiatement. Julien leur emboîta le pas.

— Je ne sais pas précisément où ça s’est passé, reconnut-il. À trente pas de la lisière, pas loin d’ici.

Les six compères se séparèrent pour quadriller la zone, à quelques pas les uns des autres. De nombreux fourrés les contraignaient à zigzaguer. Peu après, Baptiste lança un appel.

Paul rejoignit son frère jumeau. À terre, un corps.

— Là, un autre, cria Gabriel.

— Le troisième, ici, ajouta Élie.

Les pirates avaient été abattus séparément après avoir suivi le même sentier, ce qui expliquait l’alignement des cadavres.

Le malfaiteur retourné, Paul déduisit :

— Celui-ci a pris un coup de poignard. Et vous ?

— Flèche, fit Élie.

— Pareil, répondit Gabriel.

— J’ai une épée et un poignard. Et vous ?

— Pareil.

— Pareil.

Julien semblait se remémorer les événements. Alors que la fratrie se regroupait, Paul lui demanda :

— D’où vient l’étrangère ?

— Du royaume d’Idrack. La fumée l’a attirée.

— Comment s’y est-elle prise pour tuer ces hommes ?

Il haussa les épaules. Paul n’en apprendrait pas plus, son interlocuteur paraissait aussi surpris que lui. Gus expliqua de quelle manière elle avait abattu ses deux comparses.

Le regard de Paul croisa celui de son jumeau. Il fallait faire de cette femme une alliée.

— On voit le village par-là !

Sans attendre, tous rejoignirent Élie. Personne ne s’était aperçu de la proximité de la plaine.

Trois maisons brûlaient. Paul localisa la demeure de sa fiancée, serrant le pommeau de l’épée de toutes ses forces sans s’en rendre compte. Avait-elle réussi à se cacher ? La torturaient-ils ? Son incapacité à agir le minait. Il savait ses frères dans la même situation. Aucun ne disait mot.

— Retrouvons les autres, se ressaisit-il, si je ne m’abuse, ensemble, nous disposons de quatre épées et deux dagues.

Gus suivit. La disparition de l’aventurière l’inquiétait. Il aiderait les quatre frères où qu’ils aillent. Ils pourraient ainsi témoigner de sa bonne foi. Sans quoi, sans elle, sans eux, son passé tortueux le rattraperait.

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