Frustration

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 Comment on fait pour céder sa place dans la métro ? ou pour tenir la porte à la prochaine personne ? Ces questions apparemment simples me sont extrêmement compliquées.

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 Quand j'étais petit, on nous avait fait faire une expérience en cours. Il fallait étudier le développement d'une plante à travers différentes conditions.
 Dans l'obscurité, elle se rapetissait
 et mourait.

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 On déplore souvent la disparition des bonnes manières, on blâme une génération, ses individus, et son éducation. Il faut savoir...
 Les bonnes manières s'enseignent à l'école et au foyer. Moi, je crois qu'on y apprend autre chose.
 En fait non, je ne crois pas,
 je sais.
 Expérience personnelle.

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 Je ne veux pas de mal aux gens. Mais les gens me veulent du mal. Et ils se veulent du mal.

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 J'entre dans le métro : déjà de partout on me calcule, on m'esquive, on m'appréhende comme un obstacle.
 Et je dois faire pareil.
 Et je dois faire tout cela convenablement, sans bousculer, de manière bienveillante...
« Oublie pas ton sourire pour ce soir si tu sors, un jury t'attend n'injurie pas le sort »

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 Autour de moi des affiches. Pour pousser à consommer tout ce qui se vend ; ce qui se vend c'est ce qui se vend. Et si on doit en passer sur le corps...je veux dire, féminin...tant que ça fait vendre...
 Qu'on est loin de l'Iran de la BD où l'on présuppose que les hommes sont tous des obsédés et qu'il faut donc en protéger les femmes...

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« Faites attention » « Pardon » « Faites attention »...
 Je fais deux pas, déjà, maladroit, je rentre dans une personne. Pardon, pardon...
 Je sais que tout autour de moi... On m'accuse...
« Faites attention » « Pardon » « Faites attention »...

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 On accuse facilement d'égoïsme. Mais l'égoïsme est toujours relatif.
 J'ai un travail à rendre, professeurs, famille, amis, tous me pressent autour de moi, et les horloges sont leurs armes. Allez vite vite...
 On me presse en sens contraires.
 Dépêche-toi, fais attention, dépêche-toi, fais attention...
 Moi je cherche à faire ce qu'on me dit...

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"Mieux vaut prévenir que guérir"
 Mais prévenir en quel sens ?
 Partout autour de moi on me prévient. Des gestes et des paroles me retiennent, on se hâte de s'en prendre à moi, on réagit immédiatement, on me donne la leçon...
 Mieux vaut méfiance que confiance ?...

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 Tout ceci, c'est quelque chose qui a pourri en moi. « Vas-y, crache ton venin »... Mais ça ne sort que comme ça. Dans la plaie laissée à l'air libre, le sang coagule.

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 Il m'est toujours un supplice de trouver une place assise dans un train qui va se remplir ensuite.
 Alors les autres passagers arrivent. J'essaie de me manifester à une femme. Trop timide : elle ne me repère pas. J'attends un peu. Puis je me lève : alors un homme quelconque vient prendre la place.
 Parfois même, personne ne la prend et je reste là debout comme un con.

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 Je tiens une porte. On arrive pas loin. Que dois-je faire ? ou bien un manque de zèle, ou bien un excès de zèle (et ils courent exprès pour ne pas me faire perdre de temps). Quand on ne s'occupe pas de me blâmer...je le fais pour les autres...

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 Certaines circonstances m'ont asociabilisé et amené à tout calculer. C'est comme ça.
 Mais quand j'observe les autres, je me rends compte qu'eux aussi calculent, mais pas toujours de façon très consciente...

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 Un jour, j'étais pressé, je suis... Je courais, très vite, pour rattraper le train, ce n'était pas si important puisque c'était le retour, mais je garde toujours cette appréhension, de croire qu'on me reprochera le moindre retard pour tout et n'importe quoi et je ne veux pas rater l'heure du thé, parce que je sais que je serais de mauvaise humeur et ne pourrais être actif ensuite :
 je rentre dans une dame.

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 J'éprouvai une sacrée confusion. Je ne savais pas quoi dire.
 Elle non plus. J'avais provoqué je crois de son point de vue, un scandale.
 J'étais arrivé en effet à une très grande vitesse.
 Pardon pardon pardon...
 Mais on me dit toujours...

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 On me dit toujours : le pardon ne sert à rien. Il faut seulement agir comme il faut.
 Mais si on se trompe, si on se rate ? si tout nous paraît si difficile, si on est si maladroit....?
 Tant pis pour nous.

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 Et si on ne vit que des échecs ? si tout s'accumule, si on essaie de joindre les deux bouts, de faire tenir sa vie à peu près dans l'équilibre, mais que tout foire constamment ? on fait quoi ?

 Si on nous parle peu, sinon pour nous gronder, menacer, moquer...frustrer... Que me reste-t-il ?
 Qu'est-ce que je dois faire ? si je rate un peu tout ? Est-ce forcément de ma faute ?
 - de qui d'autre ?...

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 Ce matin, j'étais à nouveau en retard...la rame était juste là, en face, elle s'apprêtait à partir...c'est la ligne 6...
 Vous comprenez, à l'esprit, je pense que je tâche d'arriver à l'heure, je sais que etc.
 J'arrive dans la rame ; avec un peu de vitesse.
 Comme ils étaient déjà sens dessus dessous, ils sont un peu bousculés...

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 Il y a un type qui me crie dessus.
 Le pardon ne sert à rien...
 Je ne sais pas quoi lui dire... Comment entamer une conversation si mal engagée ?
 J'essaie de le tempérer. Il s'énerve.

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 Pourquoi serait-ce toujours moi qui aie tort ? pourquoi toujours, toujours, toujours moi ?
 Est-ce que je suis un incroyable malotru atterri parmi une ribambelle de saints ?
 Pourquoi toujours moi ?
 Ils étaient déjà très serrés, avec le choc du départ ils auraient été renversés.
 Alors quelle différence ? j'ai quasiment rien fait.
 Zut ! zut j'ai rien fait !

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 Arrive une dame qui fait la maline. Elle joue l'hypocrite, je déteste. J'ai rien fait ! lâche-moi !
 Pourquoi je devrais toujours reconnaître l'entièreté de mes fautes et vous rien, sans que rien ne se passe, sans que j'y gagne rien ? à quoi ça sert alors ? Je vous dis pardon avec sincérité, vous continuez à me mépriser :
 alors laissez tomber ! cette fois marre !

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 Figurez-vous qu'il y a un même un gars qui a voulu "s'expliquer" avec moi. Il m'a beaucoup surpris.
 Un homme assez grand, corpulent... Assez direct. Je crois que je préfère.
« C'est quoi ton problème ? » Eh bien oui j'ai un problème, évidemment j'ai un problème ! mais c'est toi, c'est le premier venu qui va me le résoudre ? Y crois-tu vraiment ?
 Evidemment j'ai un problème...

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 La plante pourrie, vous n'avez plus qu'à la brûler.

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