Chapitre 40

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Le lendemain, le réveil est d’autant plus difficile qu’il intervient une heure plus tôt que d’habitude, les profs ayant prévu une activité nécessitant plus de temps. Si j’apprécie qu’ils fassent autant d’efforts pour enrichir notre séjour, j’aurais bien savouré une bonne grasse matinée. Surtout avec la personne qui partage mon lit en ce moment même.

Je souris en constatant qu’une petite routine s’est rapidement installée entre nous. Ce matin, comme les derniers jours, j’ai le droit à un baiser dès le réveil, puis à un ou deux coups d’oreillers pour que je puisse enfin réussir à me lever, avant que chacun ne se prépare. On continue à descendre séparément, mais j’aime surtout le moment juste avant de sortir de la chambre, quand Enzo m’embrasse passionnément, me mettant à chaque fois dans un état pas possible. Je suis certainement un peu ridicule à réagir au quart de tour dès qu’il m’embrasse, mais tant pis. Honnêtement, je crois que je me fais plutôt bien à ça.

Après une heure de bus, nous sommes arrivés à l’endroit de l’activité du jour : une espèce de mix entre une chasse au trésor et une course d’orientation. En gros, on doit faire un parcours en pleine cambrousse pour rejoindre un point tout aussi en pleine cambrousse, en prenant soin d’atteindre les repères placés entre temps. À ce stade, je ne sais pas si les profs proposent réellement des activités ou s’ils essaient juste de perdre le maximum d’entre nous. En tout cas, Anne a l’air très enthousiaste en délivrant ses explications.

Malik, dont le teint a de nouveau viré au verdâtre à cause du bus, se plaint à côté de moi :

- Sérieux, c’est un voyage scolaire ou un camp d’entraînement pour l’armée ?

On rigole en allant récupérer les sacs à dos. Pour ma part, je suis plutôt content : le temps est doux, le coin sympa pour une petite randonnée, et notre groupe de 5 s’est naturellement reformé pour cette activité, ce qui augure une bonne journée.

On récupère notre plan, et après avoir entendu les dernières recommandations des profs, qui de toute façon ne seront jamais très loin de nous – j’imagine que malgré tout ils préfèrent ne pas expliquer à la direction comment ils ont perdu des élèves en forêt – nous voilà partis.

Tous les groupes se suivent plus ou moins au début, mais chacun se sépare ensuite pour suivre son propre plan. Ça m’arrange, parce que Valentin s’éloigne aussi, ce qui ramène Max vers nous et détend la conversation. Ce n’est pas que je sois particulièrement possessif envers mes amis, mais si je dois écouter cet abruti toute la journée, je vais finir par me jeter dans le premier ravin que je verrai.

La matinée s’est passée dans une bonne ambiance. On a crapahuté un bon moment tout en discutant, s’arrêtant pour poinçonner nos feuilles pour bien montrer qu’on suivait les étapes. On a même été plutôt efficaces, et quand Anne a vérifié notre parcours au détour d’un chemin où nous l’avons croisée, elle nous a félicité – ce qui a encourager Thibaut à nous pousser à continuer plus vite, même si on était déjà essoufflés et qu’il n’y avait rien à gagner en plus.

Si bien qu’à midi, on avait déjà bien avancé sur notre parcours, et qu’on a décidé de s’octroyer une pause bien méritée.

On a discuté un moment de tout et de rien, et c’était agréable de retrouver mon petit groupe, comme avant. Surtout, c’est bête mais ça m’a un peu rassuré de constater que je n’avais pas changé, que je suis toujours le même avec mes potes.

On a été rejoints par d’autres de nos camarades, fatigués aussi de marcher et ravis de s’asseoir pour manger un sandwich. Thibaut a sorti son sempiternel jeu de carte, l’occasion pour nous de faire une partie en pleine nature. La bonne ambiance, associée au temps très doux pour la saison : c’était un super moment.

À un moment, la discussion tourne sur la prochaine soirée à l’école, qui aura lieu d’ici un mois, pour la Saint-Valentin : une soirée sur le thème du romantisme, pleine de slows et de décorations rouges, un truc très cul-cul donc forcément, Thibaut est fan et s’enthousiasme déjà.

- Non mais les gars, ça va être trop cool !

- Ça va surtout être très mièvre, rétorque Margot.

- Mais c’est le principe même de la Saint-Valentin ! Des pétales de rose, des nounours géants, de l’amour quoi !

- C’est ça que tu vas offrir à Lola ? Un ours en peluche géant ? Rigole Margot.

Lola, c’est la copine de Thibaut, une fille au moins tout aussi exaltée que Thibaut sur la moindre petite chose. Elle n’est pas dans notre lycée, mais on la voit souvent quand on fait des soirées. Les deux ensemble, c’est une vraie tornade de bonne humeur et d’enthousiasme. Mais si un jour ils ont des enfants, je ne voudrais pas être la personne qui gardera ces terreurs.

- Et pourquoi pas ? Répond Thibaut. Mais toi, t’es la meuf la moins romantique au monde aussi !

- Mec, se moque Max, c’est pas une question de romantisme, admet-le : la Saint-Valentin, et surtout la Saint-Valentin à l’école, c’est tout pourri !

Thibaut soupire :

- Vous êtes tous célibataires, vous ne pouvez pas comprendre. Lucas, soutiens-moi !

Je sens mes joues s’empourprer et je pique un fard :

- Euh… Ouais, non, je ne suis pas trop Saint-Valentin non plus…

- Tu n’as pas envie d’inviter Sarah à aller danser peut-être ? Insiste-t-il, alors que mon niveau de gêne monte d’un cran.

- Non mais il ne faut pas demander ça à Lucas, rigole Max, pour lui c’est trop d’intimité !

- Je… je ne sais pas, on verra, je bredouille.

Heureusement pour moi, ils n’insistent pas plus, Thibaut se contentant de grommeler qu’il n’est pas né à la bonne époque alors que les gars continuent de le charrier. Le sang bat à mes tempes tandis que j’essaie d’inspirer profondément pour calmer mes nerfs. Il est temps que j’apprenne à mieux cacher mes émotions, parce que si je me mets dans tous mes états dès que quelqu’un fait une allusion de ce genre, je ne suis pas sorti.

Une heure plus tard, nous avons repris notre randonnée. Les gars sont partis un peu devant, remotivés par la pause du midi.

- Ça va toi ? Me demande Margot en ralentissant à ma hauteur.

- Oui, oui, ça va.

- Tu es sûr, t’as l’air soucieux ? Ça va avec Enzo ?

- Oui, de ce côté là pas de soucis. Dès qu’on est dans notre chambre, c’est génial. Enfin, je ne parle pas que de sexe, hein, mais juste… être avec lui. Je me sens bien avec lui. Tu vas me dire que je ressemble à une midinette, n’est-ce pas ?

Elle rigole.

- Un peu, mais ça va, c’est encore mignon. Mais du coup, c’est quoi le problème ?

- Rien, je réfléchissais.

- À cause de la remarque de Thibaut sur la Saint-Valentin ?

- Entre autres, oui.

Je lui raconte un peu ce qu’il s’est passé ces deux derniers jours, notamment l’appel de mon père, et l’après-midi avec les trois petites mamies.

- Tu vois, poursuis-je, ma rupture avec Sarah va forcément entraîner des questions, et je ne sais pas trop si je suis prêt à y répondre. Mais en même temps, ça me soûle de m’en faire à chaque instant à l’idée que quelqu’un découvre ce qu’il se passe avec Enzo. J’aimerais juste que ce soit banal en fait, que je puisse en parler comme j’en parlerai si c’était une fille. Quand c’était le début de mon histoire avec Sarah, ça ne m’était pas du tout venu à l’idée de le cacher. Tu crois que je devrais en parler aux gars ?

- Tu as envie de le faire ?

Je réfléchis un instant.

- Envie, oui. Mais je stresse à mort à cette idée, et je ne sais pas si je suis prêt… Mais tu ne penses pas qu’ils vont m’en vouloir de leur mentir ?

Elle reste silencieuse quelques instants. Quelques dizaines de mètres devant, un cri de joie de Thibaut nous apprend qu’il vient de trouver la prochaine étape.

- Je pense que tu ne devrais pas prendre ça en compte. C’est ton histoire, ton coming-out, et tu ne devrais le faire que si tu en as vraiment envie et que tu te sens prêt. Prend le temps qu’il te faut. Enfin, ajoute-t-elle après une pause, mon expertise dans ce domaine est assez limitée, donc globalement, mon conseil sera surtout : fait ce que tu penses être bien pour toi.

Je rigole :

- C’est pas possible, tu n’aurais donc pas réponse à tout ?

- Eh non, malheureusement. Mais si tu répètes ça à quelqu’un, je serai obligée de me débarrasser de toi. En tout cas, je suis désolée de ne pas plus pouvoir t’aider.

Je soupire :

- Tu m’aides déjà énormément, tu sais. Sans toi, je paierai des fortunes dans des séances de psy.

Cette fois, c’est à son tour de rigoler. On reste silencieux un instant.

- Bon, dit-elle, et si on allait rejoindre les gars ?

Acquiesçant, je lui emboîte le pas vers nos camarades.

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