Chapitre 26

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Quelques heures plus tard, nous sommes sur le chemin pour rentrer à l’hôtel. Après plus de deux heures d’enquête acharnée, nous avons gagné le concours. Il faut dire que Thibaut avait plus d’énergie et de motivation que le reste de nos camarades, dont certains avaient abandonné depuis longtemps. En tout cas, on a eu l’extraordinaire chance de gagner une coupe en plastique, deux exemplaires d’un livre sur l’alpinisme et des T-shirts estampillés du logo du musée. Je ne sais pas si ça valait tous les efforts qu’on a fourni, mais en tout cas Thibaut a l’air ravi depuis, serrant contre lui sa coupe comme si quelqu’un pouvait menacer de la voler.

Mon portable vibre, encore un message d’anniversaire par un de mes cousins. Ce midi, Sarah m’a appelé. Après le traditionnel « joyeux anniversaire », elle m’a interrogé sur le voyage :

- Ça se passe bien ? C’était pas trop long le bus ?

- Si, quasiment 10 heures, j’en pouvais plus. Mais ça se passe bien, le village est trop beau, je t’enverrai des photos.

- T’as intérêt ! Vous avez fait quoi aujourd’hui ?

- Pas grand-chose. On a visité un musée, rien de très palpitant. Les profs avaient prévu un jeu pour essayer de nous motiver.

- T’as gagné ?

- Eh oui, je suis maintenant l’heureux détenteur d’un T-shirt orange « alpiniste en herbe » du plus bel effet !

- Ah ah, je suis très fière de toi !

- J’ai pas beaucoup de mérite, c’est surtout grâce à la ténacité de Thibaut et à la perspicacité de Margot, sinon on serait encore en train de chercher avec les gars !

- Ah bah oui, qu’est-ce que tu ferais sans Margot, hein !

- Ça veut dire quoi, ça ?

Des grésillements s’étaient fait entendre comme elle soupirait à travers le combiné.

- Rien. Écoute, j’ai pas envie de me prendre la tête maintenant, on n’en parle plus. Ça se passe bien sinon avec les gars ? Vous avez réussi à avoir une bonne chambre ?

- Euh… je… Ouais c’est cool. La chambre est bien.

- Tant mieux alors ! Et la bouffe ?

On avait continué à discuter cinq minutes. À la fin, elle avait pris son ton sérieux.

- Écoute, Lucas… On n’a pas pu se parler des vacances, alors j’aimerais bien qu’on ait une vraie discussion à ton retour. En ce moment, je sens bien que c’est tendu dans notre relation. Il faut qu’on trouve le moyen d’arranger les choses entre nous… J’aimerais vraiment que tu prennes le temps d’y réfléchir, Ok ?

Mal à l’aise, j’avais vaguement acquiescé.

Je repense à cette conversation. Je ne sais pas trop pourquoi je n’ai pas dit à Sarah que l’on avait pas pu avoir une chambre avec les gars. Tant pis, je lui dirai en rentrant, ce n’est pas pressé. Pour ce qui est de réfléchir en tout cas, ce n’est pas mon fort : j’ai beau essayer de me concentrer, mon esprit reste blanc.

Je soupire comme nous arrivons à l’hôtel et descend du bus. Après le repas, je tombe sur Anne, qui m’arrête.

- Bon anniversaire Lucas !

- Merci ! Vous vous souvenez de mon anniversaire ?

- Quand même, je suis ta coach depuis 3 ans, un peu que je me souviens de ton anniversaire ! Bon, et puis t’es mon élève préféré, c’est pour ça !

- Oh, c’est vrai ? Du coup, j’ai le droit à un cadeau ?

Elle se penche vers moi et reprend sur un ton plus bas :

- Écoute, si tu veux, exceptionnellement, tu peux sortir avec deux ou trois amis ce soir, je fermerai les yeux.

Je reste ébahi. Cette prof est vraiment la meilleure : elle me propose carrément de faire le mur, avec sa bénédiction.

- Mais vous faites attention, hein, vous ne passez pas non plus la nuit dehors ! De toute façon, je ne suis pas sure que vous trouviez quoi que ce soit d’ouvert après minuit ! Ajoute-elle en riant.

- Promis, on sera raisonnables !

- T’as intérêt, t’es majeur maintenant, c’est sur toi que ça retombera ! Oh, et ne le dit pas aux autres profs, ils sont beaucoup moins cools que moi !

Je la remercie, et repart en souriant. Les gars vont être contents de cette petite sortie surprise. Je leur envoie un message pour les prévenir.

En arrivant dans ma chambre, j’entends l’eau couler dans la salle de bain. Malgré mon envie de prendre une douche, je vais devoir attendre qu’Enzo ait fini. J’en profite pour rappeler ma mère, qui m’a appelé au moins trois fois aujourd’hui.

Après deux sonneries, elle décroche.

- Bon anniversaire ! Me hurle-t-elle sans me laisser le temps de parler.

- Merci maman.

- Mon bébé qui a 18 ans, mon Dieu !

- Tu devais bien te douter que ça arriverait, non ? Je me moque.

- Non, j’avais laissé ton frère atteindre cet âge-là, je pensais que c’était fini maintenant !

Je rigole.

- Tu sais, un jour, Sally aussi aura 18 ans. Et je crois bien qu’à ce moment, tu auras 50 ans.

- Ne me vieillis pas trop vite, tu as encore un moment à me supporter, jeune homme ! Bon, au moins rassure-moi, tu n’as pas profité d’être majeur pour faire des bêtises ?

- Bah, maintenant, mon dos est assorti à celui d’Aloïs.

Un silence se fait à l’autre bout du fil, comme elle essaye de déterminer si je plaisante ou non.

- Lucas Alexandre Georges, dis-moi que tu n’as pas fait ça ?

Je rigole. Quand pas mère commence à utiliser mes trois prénoms, c’est qu’elle est proche de la crise.

- Je plaisante, rassure-toi, ma peau est toujours blanche, je n’ai pas été boire comme un trou, ni été dépenser mon héritage dans des casinos ! J’ai même passé la journée au musée, si tu veux savoir.

Elle pousse un soupir de soulagement. On discute pendant quelques minutes, avant d’être brusquement interrompus. Ma mère râle dans le lointain alors que la voix de mon frère se fait entendre.

- Hey petit frère ! Bon anniversaire ! Enfin t’emballe pas, tu peux avoir 18 ans, je t’appellerai toujours gamine !

- J’en doute pas, toi tu ne grandiras jamais !

- C’est ça ! En tout cas, repose-toi parce que quand tu reviendras, on fera tout ce qui t’était interdit jusqu’à maintenant : on va faire toutes les boîtes de nuit de la ville, descendre tout l’alcool de tous les bars, et faire le tout des clubs de strip-tease !

Je rigole alors que j’entends ma mère pousser des cris scandalisés en arrière-plan. À ce moment, j’entends la porte de la salle de bain s’ouvrir, et aperçois Enzo sortir de la salle de bain. Ses cheveux mouillés partent dans tous les sens, et des gouttelettes s’en écoulent lentement, longeant sa mâchoire, s’égarant le long de son cou... Je me secoue en réalisant que je n’écoute plus ce que raconte Aloïs.

- … et après on ira voir des prostituées !

- Hum, tout un programme.

- J’attends ça depuis qu’on m’a dit que j’allai avoir un frère !

- T’avais deux ans.

- Oui, tu vois depuis combien de temps j’attends !

Je secoue la tête. À l’autre bout du fil, des bruits étouffés se font entendre, signes que ma mère récupère le téléphone.

- Je t’interdis de faire ça Lucas, sinon je…

- Tu me déshérites, je sais, je rigole.

J’entends mon frère déblatérer dans le loin, mais ma mère le fait taire. On discute encore quelques minutes, pendant lesquelles Sally vient me souhaiter mon anniversaire. J’ai même le droit à un aboiement de Pantoufle. Ma mère semble sur le point de raccrocher.

- Euh… Papa n’est pas là ? Je lui demande anxieusement.

Elle ne répond pas tout de suite, et je sens qu’elle est gênée.

- Il… il est resté au bureau. Tu sais, il a beaucoup de travail en ce moment. Mais il essaiera de t’appeler quand il aura le temps ! Et quand tu rentreras, on ira dans ce restaurant que tu aimes bien.

J’essaie de ravaler ma déception.

- Ce n’est pas grave, t’inquiète pas. Je vous embrasse tous, on se voit la semaine prochaine.

Après un dernier au revoir, je raccroche.

- Tu veux te plaindre des pères nuls ?

Enzo me regarde depuis son lit, sur lequel il lit en tailleur. Je souris.

- Non ça va, je n’en suis pas encore là. Mon père ne m’a pas appelé, je devrais m’en remettre.

- Le jour de tes 18 ans.

Je hausse les épaules.

- Bah, il a toujours beaucoup travaillé, c’est pas maintenant que ça changera. Et puis, si je me plains de ça, tu vas me dire que c’est un problème de riche.

Il rigole.

- Promis, je m’abstiendrai. Pour ton anniversaire.

- Quelle grandeur d’âme !

- Je n’ai pas trop le choix, je n’ai pas d’autre cadeau à t’offrir. Je ne savais pas que c’était ton anniversaire.

Je secoue la tête.

- Ce n’est rien, t’inquiète, je ne suis pas trop anniversaire de toute façon. Et puis, Aloïs m’a déjà promis un stip-tease, tu ne peux pas concurrencer !

Il me regarde silencieusement et je rougis en réalisant ce que je viens de dire. Il me dit qu’il n’a pas de cadeau, et moi je lui parle d’un strip-tease ! Voulant cacher mon trouble, je me tourne vers la commode, attrapant quelques vêtements, et file sous la douche. Quand j’en ressort une dizaine de minutes plus tard, après m’être assuré d’avoir retrouvé un teint correct, Enzo n’a pas bougé. Je m’attends à un moment gênant mais quelqu’un frappe à la porte. Sauvé par le gong.

J’ouvre et découvre mes amis, tous les 4 derrière la porte.

- Vous étiez pressés de me voir ?

- Pressés de sortir surtout ! Met ton manteau, on y va !

Avec un sourire, je rentre chercher ma veste. Mes amis me suivent mais s’arrêtent au pas de la porte en apercevant Enzo, le saluant d’un air gêné. Je fouille un instant dans mes affaires.

- Eh mais c’est carrément cool ici ! s’exclame Thibaut. Vous avez aussi grand que nous alors qu’on est 8 par piaule ! Oh, vous avez même une douche ! Pourquoi moi je n’ai pas le droit à une douche ?

J’interviens pour qu’il ne se mette pas à fouiner partout :

- Tu feras le tour du propriétaire plus tard ! Dis-je en le poussant vers la porte.

Je passe la porte, puis refais demi-tour pour aller rechercher mon portefeuille. En repassant près de lui, Enzo m’intercepte en agrippant mon poignet. Je me tourne vers lui.

- Eh, Lucas ? Bon anniversaire.

Pendant un instant, je ne dis rien. Je ne sais pas pourquoi cela me touche, alors que c’est la quinzième fois qu’on me le souhaite aujourd’hui.

- Salut ! Fait une voix féminine, cassant le moment.

Je me tourne vers la source et m’étonne de trouver Lara, qui s’adressait à Margot, et qui rentre maintenant dans la pièce. Qu’est-ce qu’elle fait là ?

- Merci, dis-je en dégageant mon bras et en me dirigeant vers la sortie.

Je rejoins mes amis et nous nous remontons le couloir.

- Tu la connais ? Je demande à Margot un peu en arrière.

- Qui donc ?

- Lara.

- Oui, on est dans la même chambre. C’est une chouette fille.

- Qu’est-ce qu’elle fait ici ?

- Elle est venue voir Enzo je pense. Ils sont toujours potes de ce que j’ai compris.

Je reste silencieux.

- Mais, si ça te rassures, poursuit-elle, il me semble que Simon vient aussi.

Je m’offusque.

- Pourquoi je devrais être rassuré ? Il fait ce qu’il veut, c’est pas mon problème.

- Si tu le dis, conclue-t-elle d’un ton léger.

Je reste agacé par cet échange, et ça m’a travaillé une partie de la soirée. Nous sommes allés dans l’unique bar de la ville, un lieu à l’ambiance très cosy. Je vais pouvoir rassurer ma mère, je n’ai pas bu jusqu’à l’ivresse puisque le seul alcool que j’ai pu obtenir est un vin chaud. Mes amis eux ont du se contenter de chocolat chaud à la cannelle. Mais c’était quand même sympa de passer la soirée tous ensembles, on s’est bien marrés. Ça m’a permis de me changer les idées, bien que la conversation avec Sarah, et les allusions de Margot, me soient revenues en tête à plusieurs reprises.

Nous avons quitté le café à sa fermeture, un peu après minuit. On a tout de même fait attention de ne pas faire trop de bruit en rentrant à l’hôtel, et on s’est séparés en se souhaitant une bonne nuit.

Arrivé dans ma chambre, j’allume la lampe torche de mon portable pour ne pas réveiller Enzo. Je tâtonne un peu avant de trouver mon lit, et retire mes vêtements pour me mettre au lit. Dans la bataille, je me cogne à la table de chevet. J’ai peur d’avoir réveillé Enzo, mais celui-ci se contente de se tourner dans son sommeil. La faible lumière éclaire doucement son visage, et je ne peux m’empêcher de l’observer. Il paraît tellement innocent, serrant son oreiller entre ses bras, ses cheveux s’étalant dessus dans tous les sens. Le voir ainsi réveille les interrogations que j’avais essayé d’enfouir. Avec un soupir, j’éteins la lumière et me couche. Demain est un autre jour.

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