Chapitre 25

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Quand le réveil sonne, je suis complètement déboussolé. Je ne reconnais pas les lieux, et je me demande pourquoi Edith Piaf hurle dans la pièce. Il me faut quelques instants pour me rappeler où je me trouve. La musique se coupe.

- Désolé, j’aurais pu changer le réveil.

Je grogne.

- T’inquiète, ça ou autre chose, de toute façon je déteste les réveils.

J’entends Enzo se lever alors que je renfonce la tête dans l’oreiller. À travers mes cils, je le vois s’étirer puis partir vers la salle de bain.

Quelques minutes plus tard, je reçois un oreiller en pleine tête.

- Hé ! Je proteste.

- Tu t’es rendormi marmotte ! Ça fait trois fois que je t’appelle, et en plus tu baves.

- C’est faux, je ne bave pas.

J’essuie quand même discrètement ma bouche. Avec un soupir de résignation, je repousse les couvertures et vais m’habiller.

Quelques minutes plus tard, nous descendons tous deux dans un silence un peu gêné. J’ai envie de lui parler, mais en même temps je me vois mal lancer la discussion gênante maintenant, et mon réservoir de banalités est épuisé.

Mes amis sont tous les quatre dans le hall, m’attendant. Quand il passe à côté d’eux, Enzo lance un « bonjour » poli, auquel mes potes ne répondent que par des vagues saluts. Seule Margot répond chaleureusement, et je jurerais voir un regard appuyé entre les deux. Pourtant, une seconde après, Enzo a quitté le hall sans s’arrêter. Je commence vraiment à virer parano.

Ils restent assis sur les marches, m’observant avec de légers sourires.

- Qu’est-ce que vous avez à me regarder avec des yeux de merlans frits ?

- Oh, rien, répond Malik. On te trouve changé, plus vieux.

- Ouais, fait Max, t’as des rides qui commencent à apparaître.

- Des rides, rien que ça ?

- Et des cheveux blancs aussi, ajoute Margot.

Finalement, Thibaut, trépignant d’impatience, lâche :

- Bon anniversaire !!!!!

Il me serre fort dans ses bras – ce qui, au vu de sa carrure, ne me marque pas beaucoup. Max me prend aussi brièvement dans ses bras, et Margot dépose un baiser sur ma joue. Malik lui se contente d’une tape sur l’épaule, summum de ce dont il est capable au niveau contact physique. Je souris.

- Merci les gens, ça me touche !

- Alors, dit Max, ça te fait quoi ?

- Hum, je fais semblant de réfléchir, je me sens bien plus mûr d’un coup. Vraiment, je vous vois tous comme des gamins maintenant.

- Mais rigole-pas, t’as 18 ans maintenant ! Tu peux boire !

- Et passer le permis, ajoute Malik.

- Et nous conduire, surtout ! Enchaîne Thibaut.

- Et aller en prison, conclut Margot.

- Ne comptez pas trop sur tout ça, la voiture, je ne l’ai pas, et boire je suis le seul à pouvoir le faire ici puisque vous êtes encore des petits jeunes. Il reste aller en prison, cela dit.

Ils rigolent, et continuent d’énumérer la liste des choses auxquelles j’ai le droit maintenant que j’ai la majorité.

- Bon, au lieu de dire des conneries, et si on allait manger ?

On rejoint la grande salle pour le petit déjeuner.


Deux heures plus tard, nous sommes arrivés au musée où nous allons passer la journée. C’est un musée sur les Alpes, avec de jolies photos de sommets enneigés. Rien de très passionnant somme toute. Pour essayer de nous motiver un peu, les profs nous ont remis un questionnaire à faire en groupe, avec une récompense pour les premiers. Aussitôt, Thibaut, toujours à fond quand il s’agit de gagner quelque chose, organise les choses pour nous cinq. Une minute plus tard, le voilà parti avec Margot à l’autre bout du musée, pendant qu’il nous envoie dans la section « alpinisme ».

- Bon, on va devoir y aller si on ne veut pas que Thibaut vienne nous crier dessus, soupire Malik.

- Il en serait bien capable, je rigole.

- Ça c’est sûr ! Ce matin, il est venu tambouriner à ma porte à 7h pour être sûr qu’on ne te louperait pas pour te souhaiter ton anniversaire. Il m’épuise, ce garçon.

Je souris. Malik joue l’exaspération, mais ces deux-là sont inséparables, malgré leur caractères opposés.

Je suis content de la tournure des évènements entre Thibaut et moi. Après ce qu’il s’est passé avant les vacances, j’avais eu peur qu’il m’en veuille. Heureusement pour moi, ce garçon est incapable de faire la tête plus de deux jours. Ce qui n’est pas le cas de Max, qui est parti devant. Je soupire.

On se met donc à remplir le questionnaire, qui est en fait une petite enquête à mener dans le musée. Je dois avouer que c’est plutôt marrant, finalement. À deux reprises, Thibaut est revenu nous voir en courant pour recouper les informations avec nous, avant de repartir aussi sec. À un moment, je me retrouve seul avec Max. On réfléchit quelques minutes sur l’enquête, dans un silence un peu gêné, échangeant par monosyllabes. N’en pouvant plus, je décide de crever l’abcès.

- Max, je voulais te dire, pour ce qu’il s’est passé avant les vacances…

Je vois qu’il se braque. C’est mal parti. Je ne me démonte pas et continue sur ma lancée :

- Je suis désolé de la façon dont les choses se sont passées. J’ai pris conscience que je m’étais éloigné de vous depuis quelques semaines, et ce n’est pas du tout ce que je voulais.

- Tu regrette ? La soirée théâtre ?

Je prends le temps de formuler ma réponse.

- Je regrette ce qu’il s’est passé.

- Mais pas d’être allé voir les autres et de nous avoir balancés ?

Je respire profondément. Je tente d’apaiser les choses, ce serait dommage de les empirer sur un coup de tête.

- Si j’avais pu faire autrement, je l’aurais fait. Mais je ne regrette pas d’avoir saboté le plan. Essaie de me comprendre, ça aurait eu des conséquences sur le reste de l’année ! Regarde ce qu’on aurait loupé ! Dis-je en écartant les bras.

Ça aurait peut-être eu plus d’impact si on ne se trouvait pas devant la reconstitution d’une avalanche en miniature, avec cinq alpinistes morts dans la neige. Max ne dit rien, et fixe sa feuille. Je soupire. J’ai déjà essayé cent fois de le raisonner, ce n’est pas maintenant que mes arguments vont faire mouche. Mais je ne m’avoue pas vaincu pour autant.

- Max, on se connaît depuis qu’on a 3 ans, on ne va pas se faire la gueule pour ça, si ? Ça fait des jours qu’on s’est pas parlé vraiment, ça me manque. Mon meilleur ami me manque.

Il tripote encore quelques instants sa feuille, puis se tourne vers moi.

- Moi aussi, ça me manque. Mais j’ai vraiment pas apprécié ce que t’as fait, et j’ai l’impression que tu t’en fous. Ça me soûle que mon meilleur pote ait choisi des gens que je ne peux pas blairer plutôt que moi !

- Ce n’est pas… Je respire. Max, je te présente mes excuses. Je ne pensais pas que ça te blesserait autant.

Il réfléchit quelques instants, puis soupire. Ce n’est pas facile de rester en colère contre quelqu’un qui accepte de prendre les torts en s’excusant platement.

- Meilleur pote ? Dis-je en tendant la main.

Bien sûr, dit-il en souriant, tapant dans ma main pour refaire le checke que l’on faisait enfant.

- Et je vais me rattraper tu vas voir. Dès qu’on rentre, tu viens passer le week-end à la maison et on campe dans le jardin, comme quand on était gamins.

Il sourit.

- On est en plein hiver, idiot.

On reste un instant l’un en face de l’autre.

- Bon, je vais aller voir pour la partie d’après. Je te laisse finir celle-là, Ok ?

Je hoche la tête et l’observe s’éloigner. Avec un soupir, je me remet à travailler.

Quelques minutes plus tard, je suis rejoint par Malik.

- Je reviens avec toi, j’en ai marre de courir après Thibaut.

Je souris et lui tend l’indice trouvé. Il m’observe quelques instants.

- Quelque chose te tracasse, pas vrai ?

Je hoche la tête.

- T’es vachement observateur en ce moment.

- T’as vu ça, je m’étonne moi-même ! Allez, profite, raconte-moi ce qui ne va pas.

Je soupire.

- J’ai l’impression que Max me fait toujours la gueule. J’ai essayé de lui parler, je me suis excusé mille fois, et il m’a dit que c’était bon, mais… Je ne le sens pas comme d’habitude, tu vois ? Je ne comprends pas pourquoi il bloque tellement sur la soirée théâtre.

Malik reste silencieux un moment, tellement longtemps que je finis par penser que j’ai épuisé ses capacités d’attention. Finalement, il dit :

- Je pense que ce n’est pas vraiment ce que tu as fait à cette soirée le problème. Ça, ça a juste été l’événement qui lui a fait prendre conscience qu’il était en colère contre toi.

- Pourquoi ? Parce que je vous ai un peu délaissés dernièrement ?

- Non, pas que… Je crois qu’il prend conscience que tu as grandi.

- J’espère bien que j’ai grandi, on s’est rencontrés en petite section, le contraire aurait été gênant.

- Ouais mais lui ce qu’il voit c’est que tu as changé, et que vous ne pouvez plus avoir la même relation qu’avant. Regarde ce qu’il s’est passé ce soir-là : avant, c’est le genre de choses que tu aurais fait avec lui. Et je ne dis pas ça en bien ou en mal, hein, c’est comme ça.

Je réfléchis à ce qu’il vient de me dire. Max est mon meilleur ami depuis mes trois ans, et ça ne m’avait jamais effleuré l’esprit qu’il puisse en être autrement. Je n’avais pas envisagé que Max pourrait regretter le gamin que j’étais autrefois.

- Enfin, reprend Malik, te fait quand même pas trop de bile sur ce que je dis, hein. Mes compétences en psychologie se limitent aux articles des magazines de ma mère, donc bon, je suis peut-être pas du meilleur conseil !

Je souris.

- Si, t’es de très bon conseil.

Il tape dans ses mains.

- Je savais que lire Voici allait me servir dans la vie ! Rigole-t-il. Bon, c’est pas le tout, mais on n’avance pas beaucoup, si on s’y remettait ?

Je le suis pour rejoindre le reste de notre groupe.

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