Chapitre 23

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Une fois que tout le monde connaît la composition de sa chambre, nos accompagnants se séparent pour aller nous indiquer la direction de celles-ci. Anne nous accompagne Enzo et moi.

- Vous avez de la chance, les garçons, vous avez une meilleure chambre que tout le monde ! Bon, par contre, vous serez éloignés de vos copains, mais vous serez avec toute la journée. Et puis, si vous avez un problème, Cécile (aka Mme Blanc, notre prof de math) et moi on a une chambre dans le même couloir, n’hésitez pas !

Génial, ça va me remonter le moral. Entendons-nous bien, j’aime beaucoup cette prof, qui est par ailleurs une excellente coach pour le club de hand. Mais la perspective de passer dix jours dans la même pièce qu’Enzo ne m’enchante pas, loin de là. Une fois encore, je maudis tous les dieux que je connais pour l’avoir choisi lui, parmi toutes les personnes qui auraient pu partager ma chambre.

Nous arrivons à notre chambre.

- Voilà les garçons, traînez pas trop, le repas est à 19 heures !

Elle nous laisse là et repart. Je respire un grand coup avant d’entrer. Après tout, ce n’est qu’une dizaine de jours. Et ce n’est que pour dormir. Je devrai bien survivre à ça, non ?

Pour dormir, à quelques dizaines de centimètres d’Enzo, persifle la voix dans ma tête.

- Tu as une préférence pour le lit ?

Je hausse les épaules.

- Peu m’importe.

- Ok. Je prend le premier dans ce cas.

J’installe donc mes affaires sur le lit près de la fenêtre. Je dois admettre que la chambre est carrément cool. C’est assez spacieux, avec deux lits simples espacés d’un mètre environ, une penderie, deux tables de chevet et un petit bureau, le tout joliment décoré dans un esprit chalet. On a le droit à une grande fenêtre avec vue sur les montagnes. Et, cerise sur le gâteau, on a également une vraie salle de bain à l’entrée de la pièce, avec une douche. Franchement, si j’avais pu partager cette chambre avec n’importe lequel de mes potes, j’aurais été aux anges.

Je déballe mes affaires en ignorant Enzo, qui en fait de même de son côté. Je garde les yeux baissés quand je sens son regard sur moi, alourdissant un peu plus le silence déjà pesant qui s’était installé.

- Elle est bien la chambre, non ? Demande-t-il après quelques temps.

Mon cœur fait un bond en entendant sa voix. Je me fustige intérieurement. Ce n’est qu’une banale question, ça ne devrait pas me mettre dans cet état.

- Oui, c’est cool, dis-je, toujours sans relever la tête.

Le silence revient. Il soupire, puis prend quelques affaires.

- Je prends le premier tour de douche, déclare-t-il avant de s’enfermer dans la salle de bain.

Je soupire également. Ça me soûle de me comporter comme ça avec lui. J’ai bien senti qu’il souhaitait engager la conversation, mais je ne sais pas comment réagir. Les discussions qu’on avait avant les vacances me manquent. Rigoler avec lui me manque. Mais j’ai peur de me laisser embobiner de nouveau, et d’y laisser des plumes. D’ailleurs, me laisser embobiner dans quoi ? Pour autant que j’en sache, lui ne m’apprécie pas – il l’a assez clairement dit à ses amis. Peut-être se montre-t-il simplement poli avec moi, et moi comme un con je suis là à me faire des films.

Après avoir retourné la situation dans ma tête pendant de longues minutes, je prends la décision de me montrer cordial avec lui, tout en gardant mes distances. Oui, ça me semble un bon plan. Je vais être sympa juste ce qu’il faut pour rendre le séjour supportable, pas plus. Et bien garder à l’esprit que, de toute façon, lui aussi aurait bien souhaité être plutôt avec ses potes.

Fort de ma nouvelle résolution, je finis de ranger mes affaires tout en préparant quelques petites phrases simple dans ma tête – sur la météo, sur le trajet en bus, ou sur tout autre sujet pioché dans « la conversation pour les nuls ». J’en suis là quand j’entends la porte de la salle de bain s’ouvrir. Je prends une inspiration et me prépare à lancer ma meilleure phrase bateau, mais j’ai le souffle coupé en me retournant. Je n’avais pas anticipé qu’Enzo serait torse nu, une serviette drapant seulement ses hanches. Je bloque un instant, mais me ressaisis pour ne pas lui donner l’impression que je le fixe, récupère mes affaires et file dans la salle de bain que je referme précipitamment.

Je vais aussitôt sous la douche. L’eau tiède qui coule sur mon front rafraîchit un peu mes idées. Autant pour l’opération « politesse ». En même temps, quelle idée de se promener à moitié nu comme ça. C’est pas ma faute, on en serait destabilisé à moins que ça. Certes, j’ai déjà vu la plupart de mes coéquipiers en tenue d’Adam plus d’une fois, mais là ce n’est pas pareil. Déjà, parce que je ne dors ma dans la même chambre qu’eux. Puis mes coéquipiers ne passent pas leur temps à me jeter des regards étranges pour me destabliser. Aussi, mes coéquipiers n’ont pas un corps pareil. Corps qui était entièrement nu quelques minutes plus tôt à l’endroit exact où je me trouve…

Je coupe aussitôt l’arrivée d’eau en voyant où mes pensées m’emmènent. Je reste un instant à fixer le mur, troublé par mes propres réflexions. J’inspire profondément pour calmer mon cœur qui menace de se rompre. Petit à petit, je me rassure : ce n’est rien, c’est juste l’air de la montagne qui me fait délirer. C’est parfaitement possible, je l’ai lu une fois. En altitude, le manque d’oxygène détraque le cerveau des alpinistes, au point que ceux-ci croient parfois avoir des bouffées de chaleur et retirent leurs vêtements, alors qu’il fait – 20 degrés. Bon, certes, c’est plutôt au sommet de l’Everest que dans les petites stations des Alpes, mais ça doit s’extrapoler, non ?

Quelques minutes plus tard, quand je suis enfin calmé, je sors de la salle de bain. À mon grand soulagement, Enzo n’est plus dans la chambre. Je regarde l’heure : 18h58. Il faut que je descende si je ne veux pas rater le début du repas.

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