Chapitre 5

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La cloche sonne et l’on sort de la salle de maths.
- Encore une heure, je ne tiendrai jamais ! Se plaint Margot. Qui s’est dit un jour que mettre la chimie en dernière heure un vendredi après-midi c’était une bonne idée ? Et toi qui me lâche, ajoute-t-elle avec un regard de reproche.


Je lui fait mon plus beau sourire d’excuse et m’éloigne. J’ai encore rendez-vous avec la proviseure. En milieu de semaine, ils nous ont fait savoir que nous devions faire des groupes de 3 pour être ensuite mélangés avec d’autres groupes de l’autre lycée. Certains avaient protesté de ne pas pouvoir choisir, mais de toute façon nous ne connaissons pas suffisamment les autres pour faire des groupes par affinité. Cela dit, même si je ne sais pas vraiment avec qui je voudrais être, je sais ceux avec lesquels je ne veux pas être. Enfin, celui, surtout. Malheureusement, mes potes m’ont gentiment fait remarquer la veille que ça n’allait probablement pas se passer comme je le souhaitais.
- C’est mort, je ne me met pas en groupe avec toi ! a catégoriquement refusé Max.
- Sympa, je t’ai fait quoi ?
- C’est pas contre toi, mais j’ai pas envie d’être avec Enzo !
- C’est quoi le rapport ?
- Bah tu vas forcément te mettre avec lui !
- Quoi ?
Ma voix avait tragiquement monté dans les aigus, mais Thibaut a enchaîné avant que je ne puisse protester.

- Ah mais trop ! Ils vont forcément vouloir vous mettre ensemble, genre pour le symbole !
- Quel symbole ? C’est un exposé, pas Miss France !
- Non, mais tu vas voir qu’on a raison ! Toi t’es un peu notre chef, et lui, bah c’est le chef des Saint-Thomas. Forcément, ils vont vous mettre en groupe ! Et c’est mort, je ne veux pas me retrouver avec ses potes débiles !
- Moi non plus, avait renchérit Max.
- Moi ça m’intéresse, je ne vais pas te laisser tout seul, m’avait soutenu Margot.
- Allez, je me joins à vous, avait dit Malik. Je ne voudrais pas manquer les clash que ça va apporter.


J’ai donc mon demi-groupe pour ce projet, et la désagréable impression que je vais me faire entuber à un moment ou à un autre. En plus, j’ai du passer la veille à courir après tous les terminales pour récupérer la liste des groupes, et je me retrouve donc à devoir aller porter la dite-liste à la proviseure – inconvénient largement compensé par l’autorisation que cela m’apporte de pouvoir louper le dernier cours de la journée. Tout du moins, je le pensais jusqu’à ce que je vois Enzo devant le bureau de la proviseure. Je n’ai pas d’autre choix que d’avancer. De toute façon, je n’ai pas de raison de ne pas le faire, je ne vais pas le fuir comme la peste.
Il me fixe comme je m’approche, puis fait mine de regarder sa montre.
- La ponctualité n’est pas ton fort, dis-moi.
- J’ignorais qu’on avait rendez-vous, je marmonne.
- Quitte à aller au même endroit, autant le faire ensemble, non ? De toute façon, la proviseure n’est pas encore là.
- Ah ! Donc ce n’est pas de ma faute si on commence en retard.
- Bah c’est la proviseure de votre lycée, il fallait se douter qu’elle n’allait pas être capable de faire les choses correctement.


Je relève les yeux, que je n’avais pas conscience d’avoir gardés baissés jusque là. Il me regarde avec amusement, et je comprends qu’il essaye de me provoquer.
- Je croyais qu’on devait faire des efforts pour se montrer courtois.
- J’en fais ! Ça fait au moins deux minutes que tu es là et je n’ai rien dit sur ton T-shirt.
Je baisse les yeux, étonné, sur mon T-shirt noir avec le logo des Rolling Stones.
- Qu’est ce qu’il a mon T-shirt ?
- Rien, il est parfait pour un collégien des années 90.
Son large sourire et son ton sarcastique sont contagieux, et je ne parviens pas à empêcher un léger sourire de se former sur mes lèvres.
- La musique des Stones est légendaire, pas de ma faute si tu es incapable d’apprécier quelque chose de magnifique comme cela.
- Oh non, j’apprécie les choses magnifiques.
Ses yeux bleus pétillent en me fixant, et je sens des frissons courir le long de mon dos. Je me sens bête, mais je suis sûr que j’ai rougis. La chaleur sans doute. Oui, il fait très chaud au mois d’octobre chez nous, vous en doutez ?


La proviseure arrive à ce moment.
- Ah, messieurs, vous êtes là. Entrez.
On la suit dans son bureau.
- Avez-vous la liste des demis-groupes ?
Enzo lui tend docilement sa feuille, et je fais de même. Elle la parcourt quelques secondes des yeux, puis la pose sur une autre pile de papiers.
- Parfait, nous vous tiendrons au courant des groupes définitifs.
Je prends cela pour un signal de départ, et commence à me diriger vers la sortie.
- Attendez une seconde ! Les groupes seront formés au hasard, bien sûr. Toutefois, nous avons jugé qu’il serait bon que vous soyez mis dans le même groupe. Si vous arriviez à bien vous entendre tous les deux, ce serait un symbole fort pour les autres.
Je jure intérieurement. Qu’est-ce qu’ils ont tous, avec leur symbole ? C’est juste une querelle entre deux lycées, pas la troisième guerre mondiale.
- Bien sûr, répond Enzo. Ça ne me pose pas de soucis.


Un blanc s’installe, et je m’aperçois qu’ils attendent ma réponse. Ça me paraît bête, parce qu’il ne m’a pas semblé qu’une question avait été posée. De plus, qu’est-ce que je peux dire ? « Non, merci, je passe mon tour. Ce gars me met franchement mal à l’aise, et je n’ai pas envie de passer deux mois à travailler avec lui. » ? Certes, c’est la vérité, mais ma maman m’a appris la politesse.
- Ouais. Je veux dire, oui, pas de problème.
- Parfait. Dans ce cas, au revoir, messieurs.


On ressort et je ferme la porte derrière moi. Je fais un bref signe à Enzo :
- Bon, ben, salut.
- On part dans le même sens.
Ah. Gênant. On marche donc en silence pendant quelques secondes.
- On va faire le projet ensemble du coup.
Oui, j’ai un don pour énoncer les vérités évidentes.
- Oui, désolé pour toi.
- De quoi ?
- J’ai bien vu que tu avais hésité avant de dire répondre à Madame Lomes.
- Elle n’avait pas posé de question.
Il a un bref rire.
- Donc ça te fait plaisir de travailler avec moi ?
- Enzo !
Ouf, sauvé. Simon, un des potes d’Enzo, s’avance vers lui. C’est un abruti fini, toujours prêt à nous lancer des insultes, mais j’ai rarement été aussi content de le voir.
- Eh, Enzo, qu’est-ce que tu fais à traîner avec un tocard comme ça ?
Bon, je suis un peu moins content.
- T’inquiète, on avait fini, répond Enzo. À bientôt, Lucas.
Et il s’éloigne avec son abruti de pote. La colère m’envahit : quand je vous disais que ce type prend toujours plaisir à se moquer de moi, avec ses questions tordues. Je respire un grand coup et j’essaie de calmer. Si je me mets en colère à chaque fois que je le vois, je risque de finir avec un ulcère à l’estomac avant même de rendre ce stupide projet.

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