Chapitre 4

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- La terre appelle Lucas. Lucas ? Nous avons perdu le contact, Lucas ne réponds plus, je répète, Lucas ne répond plus.

Je relève les yeux pour voir Max qui tente de capter mon attention.

- Quitte à faire la gueule, tu ne veux pas te plaindre avec nous ?

Je soupire. L’entrevue a été éprouvante, et mon humeur ne s’est pas améliorée après. En sortant du bureau de la proviseure, Enzo ne m’a pas parlé sur le trajet pour retourner au gymnase, même pas regardé, il s’est contenté de lire ses feuilles en silence. Pas que je m’attendais à quelque chose, hein, mais ça m’a soûlé. En arrivant devant la porte du gymnase, il s’est arrêté net, à tel point que j’ai trébuché pour ne pas lui rentrer dedans. La main sur la poignée, il m’a dit : « Bon, je crois qu’on n’aura pas d’autre choix que de travailler ensemble. Je vais faire en sorte que les élèves de Saint-Thomas se tiennent à l’écart de vous et fassent leur part du boulot. Si tu pouvais essayer de faire pareil, ce serait cool ». Il m’a fixé un instant, puis, sans me laisser le temps de répondre, il est entré et je suis resté une minute bouche bée devant un tel culot. D’où ce gars se permet de me donner des ordres ? Et ça veut dire quoi « essayer de faire pareil » ? Il croit que mes camarades ne me respectent pas ou quoi ? Quand je suis rentré dans le gymnase, tous les terminales de mon lycée s’étaient barrés (alors que tous les Saint-Thomas étaient là, merci les potes), et je suis encore passé pour un con. En plus, comme personne ne m’a attendu, j’ai passé tout le trajet jusqu’au self à répondre à ceux que je croisais sur ce que m’avaient dit les proviseurs. Bref, cette matinée n’a été qu’une succession de mauvaises nouvelles.

Là, le repas est presque fini, je n’ai quasiment pas touché à mon assiette et cela fait une demi-heure que j’entends mes potes se plaindre.

- Et si on faisait grève ? Propose Max.

- Ils supprimeront toute la vie étudiante : le voyage, les clubs, les quelques pauvres soirées qu’on a le droit de faire ici…

Max, toujours prompt à s’énerver, semble exaspéré par ma réponse.

- Mais ils n’ont pas le droit de faire ça ! Il y a des lois dans ce pays !

Malik s’exclame.

- Bah oui, des lois qui empêchent les enseignants de donner des devoirs aux élèves et qui les obligent à partir en voyage !

- Hé, on s’emballe pas pour rien, les gars ? Intervient Thibaut. Franchement, on bosse un peu et en échange on part en voyage, c’est plutôt cool, non ?

J’adore ce gars, il voit toujours le verre à moitié plein, et c’est génial pour remonter le moral des troupes.

- Et puis franchement, vous n’en n’avez pas trop marre de l’ambiance de merde qu’on se traîne depuis un an ?

Max me regarde dépité.

- Pas toi, Lucas ! T’es notre leader, tu ne peux pas capituler comme ça !

Je secoue la tête.

- Désolé mec, mais j’avoue que ça commence à me soûler aussi. C’était drôle au début, mais ça devient lourd de devoir être toujours sur ses gardes pour éviter les coups fourrés des autres. Et puis j’ai pas envie que le club de hand soit dissout. Tous les clubs d’ailleurs, ça t’emmerderait pas de devoir arrêter le foot ?

- Si, mais là on ne fait que se défendre ! C’est notre territoire !

- Vrai homme défend son lycée ! Se moque Margot.

On rigole tous en chambrant Max. Parfois, il est un peu excessif.

- Mec, dis-je, ce n’est pas une capitulation, c’est une armistice. Il nous reste huit mois à tirer ici, autant faire en sorte que ça se passe bien.

- Et si les autres nous emmerdent ?

Je hausse les épaules.

- On va supposer qu’ils vont aussi faire un effort.

- T’en a parlé avec Enzo ? Demande Thibaut.

- Non. Je veux dire si ! Enfin, pas vraiment !

Ils me regardent tous avec des yeux interrogateurs, et j’ai du mal à savoir pourquoi je bégaye comme à une interro surprise. Je respire un bon coup.

- Je veux dire, on n’a pas vraiment parlé. On s’est juste dit qu’il fallait que tout le monde fasse des efforts.

- Et ça va, il n’a pas été trop chiant ?

- Non, ça va. Enfin, pour un Saint-Thomas, je rajoute précipitamment.

Je tais le fait qu’il a essayé de me la faire à l’envers en se plaignant aux proviseurs de notre comportement. Je ne veux pas envenimer les choses, alors que je suis en train de leur dire qu’il va falloir faire des efforts.

- Oui, donc con comme un Saint-Thomas, dit Max.

- Mais il est tellement sexy, dit Margot d’une voix suave avec un petit mouvement de tête.

Je regarde dans la direction qu’elle désigne. Enzo vient d’entrer, avec sa bande de potes.

- Sérieux ! Fait Max. C’est ton genre de mec ?

- Hum, carrément.

- Non, c’est pas possible ! Fait-il d’un air horrifié.

- Gros, intervient Malik, même moi c’est mon genre de mec.

On rigole : habituellement, les choix de Malik se portent plutôt sur les jolies blondes avec plus de poitrine.

- J’aime bien ce type de mec, poursuit Margot. Avec des cheveux en bataille, pour pouvoir passer les mains dedans pendant le sexe.

Elle dit ça en regardant Max avec un regard lubrique, et celui-ci pique un fard. Je souris : Margot sait parfaitement l’effet qu’elle a sur les hommes, et elle adore en jouer.

Je reporte mon regard sur Enzo, qui est en train de s’installer quelques tables plus loin. Je dois reconnaître que Margot a raison : ce mec est un canon (J’ai assez confiance en moi pour commenter le physique des autres mecs sans que cela ne remette en question ma virilité. Et puis, quand on traîne avec Margot depuis aussi longtemps, on est rodé). Il est grand, comme moi je pense. Il a une gueule d’ange (« on lui donnerait le bon Dieu sans confession », dirait ma grand-mère), avec une mâchoire assez carrée, des yeux bleus ciel et des cheveux blonds un peu longs, faussement coiffés dans tous les sens, genre « je me suis réveillé ce matin et j’étais déjà canon ».

- Et cette bouche, grands Dieux ! Dit Margot. Rouge, ourlée…

- Tu vas tenter ta chance ? Demande Thibaut.

- Non, mais il ne sort qu'avec des pouffes, fait Max.

Effectivement, régulièrement, une nouvelle fille apparaît comme par magie à son bras, puis en repart peu de temps après. Aujourd’hui encore, une petite brune est assise à côté de lui, et s’esclaffe en passant sa main sur son bras, tellement fort qu’on l’entend d’ici. Ça m’énerve. Enfin, pas que ça me regarde, s’il veut sortir avec des idiotes, ça le regarde.

- Dans ce cas, dis-je à Margot, tu as toutes tes chances ma chérie.

Elle me répond avec un doigt d’honneur manucuré.

Il doit sentir qu’on le regarde, parce que d’un coup il se tourne vers nous. Avec les trois gars retournés sur leur chaise pour le regarder, bonjour la discrétion. Il n’arrête pas sa conversation avec ses amis, pourtant j’ai la désagréable sensation qu’il me sourit personnellement – un sourire un peu joueur, et ça me met mal à l’aise car on n’est pas potes.

Avant que j’ai pu confirmer mon impression, il tourne la tête. Fin de l’observation.

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