8. Voyage

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Drôle de soirée samedi.

Aujourd’hui est un autre jour, et en ce lundi matin, je pars pour une semaine bien charger. Des fournisseurs à contacter, un graphiste à voir pour de nouveaux adhésifs publicitaires sur mes véhicules de fonctions. Donc, pas de quoi être distrait, enfin… Je l’espère fortement. Sachant que ce weekend fut fort en émotions.

— Caleb, bouge tes fesses ! Sinon tu vas être encore en retard, me dis-je à voix haute pour me motiver alors que je suis encore en boxer.

Ma valise prête, je file dans mon couloir sombre encore. J’ai pris la fâcheuse tendance de ne pas allumer lorsque je me dirige dans cet étroit passage. Je tends la main vers le placard, attrape mes chaussures, les enfile, et me redresse pour tendre à nouveau le bras. Cette deuxième prise en mains m’aide à attraper une veste.

Je la passe sur mon dos, sans vraiment regarder comment elle est. Et d’ailleurs, je n’en ai pas le temps, j’ai déjà plus de dix minutes de retard. Fichu réveil qui n’a pas sonné ! Ou plutôt fichue tête qui ne m’a pas laissé m’endormir avec tranquillité hier soir. Je franchis ma porte, ferme à clés.

Un tour, deux tours, j’abaisse la poignée. C’est bon, c’est fermé.

Je pars serein.

Me dirigeant vers ma voiture, le sourire aux lèvres face à la semaine qui m’attends. Difficile mais satisfaisante, je plonge les doigts dans la poche de ma veste où j’ai fourré, il y a quelques instants la clé de ma voiture. Ma peau frôle le tissu doux, mes doigts s’emmêlent autour de mon porte-clé et en faisant sortir le trousseau de ma veste, je remarque un bout de papier volé.

— Je rêve ?

J’observe le paysage autour de moi, regardant de droite à gauche à différentes reprises. Mais je ne vois personne au alentours, n’aperçoit pas les yeux qui semblent m’examiner à cet instant. Un vent glacial monte le long de ma colonne vertébrale. Je ne peux pas m’empêcher de passer ma main dans mes cheveux perturber par le morceau de papier qui jonche le sol.

Je ne comprends pas bien comment c’est possible.

Comment ce bout, ce morceau d’emballage, tâché de rose et que je reconnaitrais entre mille.

— Encore toi…

Je murmure cette fois, de peur que quelqu’un m’analyse, et surtout qu’on regarde mes réactions face à cet emballage de confiserie que je pensais avoir brûlé. D’ailleurs, je suis certain de l’avoir vu partir en fumée. Alors, je prends sur moi et me baisse pour prendre en main ma plus grosse peur de ces derniers jours.

Le papier contre ma peau, je ferme les yeux à la sensation de plastique glacé sur mes doigts. Le feuillet est à la fois, doux et rêche, je sens les divers plis formés lors de la fermeture du bonbon. Je le tourne, le retourne et devient pâle quand je distingue le goût, le motif représentant des cerises.

Mais ce n’est pas ce qui me bloque le plus à ce moment.

« Vengeance ».

Encore ce mot, encore cette écriture, cette calligraphie et cette odeur.

Cette fois-ci, je ne panique pas, je rage. Je suis presque en nage, me demandant comment ce fichu morceau de papier, s’est retrouvé ici, à ce moment et surtout dans cette veste parmi cinq autres. Comment la personne qui l’a placé-là aurait pu savoir que j’allais prendre ce blouson. Et précisément celui-là.

D’un pas décidé, je fonce droit vers les containers. J’ouvre le volet avec force, et grogne en balançant le feuillet. Je le vois viré et virevolté, puis disparaître au fin fond de la benne. Je reste pantois encore deux minutes, face à la poubelle dont l’odeur nauséabonde emplit mes narines. Reculant enfin… Je suis perplexe, perdu dans mes pensées en rejoignant mon véhicule.

Mon sac étant abandonné sur le côté, je l’attrape, et le jette avec fureur dans le coffre de mon automobile. D’ailleurs, je ne maitrise pas ma poigne lorsque je claque celui-ci en le refermant. Je recule, fais le tour de l’habitacle, et prends place. Un soupir, une respiration, un souffle, et le moteur vrombit. Je sors rapidement de mon emplacement, et vais pour m’engager dans la rue.

— Attention !

Entendais-je au moment où j’avance sans poser le regard sur la route. Je sursaute, appuie comme un forcené sur la pédale de frein. Une odeur de caoutchouc chaud envahit le véhicule. Je hurle, m’égosille contre la silhouette en contre-jour devant moi. Je rumine, me détache et sort en claquant ma portière pour montrer ma colère.

— Vous pourriez faire attention avant de traverser la rue !

— Ravie de te revoir aussi, me surprend une voix douce que je reconnais.

Mia.

Qu’est-ce qu’elle fait ici ?

Je l’observe, la jauge au possible. Examinant, ses vêtements, ses chaussures, et son visage. Elle a des baskets en tissu bleu, un jean slim et un t-shirt des plus classiques, mais c’est son regard qui me surprend le plus. Ses yeux me transmettent à la fois de l’incompréhension et de la colère. J’ai une forte impression d’être coupable.

— Tu rigoles, j’espère ? C’est toi qui étais au volant ! Tu ne regardes pas la route dans ces conditions ?

Elle m’agresse, s’approchant de moi en posant ses mains sur ses hanches. Elle me hurle dessus alors qu’une minute plus tôt seulement, elle m’a répondu sarcastiquement. J’hausse les épaules à son attention et ne compte pas lui répondre. Bien sûr que je fais attention en conduisant, mais elle a débarqué de nulle part !

Tel un fantôme, une ombre, elle s’est retrouvée face à moi.

— Je devais être dans mes pensées, lui dis-je avec calme.

— Dans de sacrés nuages, je dirais même.

A présent, elle me sourit, et lâche ses hanches. Elle fait un nouveau pas vers moi, se met sur la pointe des pieds. Elle est trop près, son odeur effleure mes narines. La panique entre en moi, se diffuse du bout de mes doigts vers le haut de ma nuque. Elle tend mes lèvres et les pressent sur ma joue. Un frisson me parcoure, m’englobe et m’habite. Elles sont douces, délicates comme laissant une trace et ravivant celle du passé.

Elle se sépare de moi, un sourire s’installe sur son visage quand ses yeux se posent sur moi. Elle me fait à la fois frissonner et aimer cet instant. Ma main vient se poser à l’endroit même où Mia a eu un contact avec ma peau. Je ne suis plus dans le même présent mais perdu dans une nostalgie lointaine.

— Ce n’est pas grave, tu sais. Je suis encore en vie, me déclare Mia d’une voix calme.

Sur cette dernière phrase, elle me laisse, m’abandonnant à ce moment éphémère, presque rêvé. Quand je retrouve mes esprits, elle avait disparu comme elle est apparue. Debout à côté de ma voiture, je reste statique pendant quelques minutes, la main toujours sur ma joue. Une question hante mon esprit.

Comment a-t-elle fait pour atterrir devant moi, à cet instant précis ?

Une coïncidence, un hasard, après tout elle habite à cinq minutes de chez moi.

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