7. Un piège

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Un souvenir de Lina encore…

Le calme avant la tempête, je dirais.

Difficile de croire que cette soirée n’est pas un piège, une vulgaire mise en scène pour me faire avaler le message plus facilement. Cette jeune femme, cette Mia vit dans la maison de Lina, la maison de la piscine. Sa maison. Celle où tout à commencer et surtout celle où tout s’est terminé. Je grogne, repousse la main qu’Alex avait posée sur mon épaule.

Non, je ne veux pas me calmer !

Cette maison, c’est la sienne. Là, où j’ai passé tant de nuits, là où je lui ai donné son premier baiser, là où tout à basculer, là où sa mère a mis fin à sa détresse. Le début et la fin d’une histoire qui a mal tourné, mais qui pourtant avait bien commencé. Le rouge monte de mon cou à mon visage, mes poings se serrant et se desserrant plusieurs fois.

Ma respiration devient plus rapide, plus tendue, plus forte aussi. J’ai l’impression de suffoquer et de voir les visages de mes amis défiler face à mes yeux, ils sont inquiets. Me regardent avec des pupilles presque horrifiées. Ma vision se voile, comme pour me protéger de mes amis et de leurs jugements.

Je vacille, me sentant glisser dans un monde nuageux, flou et froid.

Des mains me rattrapent, me secouent mais je ne réagis pas. Je suis perdu, invisible. Sauf qu’une personne m’appelle, m’interpelle et me demande de refaire surface, de revenir à la réalité. Ne plus sombrer dans les méandres de la noirceur de mon âme. Néanmoins, je ne m’en sens pas capable, agresser par les souvenirs cachés d’un moment que je pensais oublié.

— Caleb ! Reprends-toi ! Maintenant !

Une claque vient heurter ma joue. Violence qui me raccroche à l’instant présent. Alex m’observe, me tendant un chiffon dans lequel sont enroulés des glaçons. Il m’ordonne de la plaquer sur la marque rougeoyante formée par le coup de mon ami. J’exécute, le tout sous le visage affolé de Mia.

Une main camouflant sa bouche arrondie par la surprise de mes réactions.

Elle remue la tête, et Ethan l’accapare pour détourner son attention. Elle lui sourit avec plaisir, commande un autre verre, et me jette un coup d’œil au moment où le barman se penche vers son cou. Je me renfrogne un peu plus, passe une main sur ma nuque. Alex me tape dans le dos, et me fait m’asseoir sur un des fauteuils. C’est mon pilier, pourtant à l’époque, il m’a lui aussi abandonné.

Pour une bonne raison, mais je me suis sentie bien seul.

— Tiens, c’est pour toi, me dit Marc en posant face à moi, un verre du cocktail chéri de Lina.

Je fronce les sourcils. Décidément ce soir, c’est la manie que j’ai adoptée.

Je ne comprends pas trop pourquoi il me sert un verre, d’autant plus qu’il ne me demande pas de payer. Il s’en va et repart à ses occupations comme si tout était normal. Cependant, rien ne l’est. Du moins, pas tout à fait. Alex essaie de savoir si je vais bien, je ne prends pas la peine de lui répondre, mes frissons faisant le travail pour moi.

— C’est de la part de la jeune blonde, revient Marc en répondant à mon interrogation silencieuse.

— D’accord, merci.

Il ne faut pas plus longtemps pour braquer mon visage vers la jeune femme qui rit de bonne grâce avec le reste de mes amis. Alex lui, m’examine, attendant que je daigne ouvrir la bouche. Sauf que je suis dans l’observation, l’analyse de cette jeune femme qui s’adapte bien vite au sein d’un groupe d’homme.

Encore quelques minutes, et quelques coups d’œil, et je remarque que Mia se tourne et se retourne à plusieurs reprises. Comme pour voir, ou savoir ce que je fais, ce qui me guide et surtout ce qui m’habite. Des remords ? Des cauchemars ? Un fantôme ? Je dirais les trois à la fois.

Mon meilleur ami se lève, me tape encore l’épaule et d’un signe de tête, me dit qu’il revient. Revenir d’où ? Je ne sais pas, et pour être honnête, je ne suis pas certain de vouloir le savoir. Je commence à bouger, à retrouver l’usage de mes membres endoloris par les images nettes du passé.

Descendant de mon tabouret, j’empoigne mon verre, en bois des gorgées et me rapproche d’Ethan. Accompagné de Simon, ils encadrent parfaitement le corps mince de Mia. Prise au piège, entre les griffes de deux jeunes hommes dont elle ne connaît pas l’âme. Elle ne sait rien d’un, pourtant dans ses yeux, dans le miroir de son identité, je lis une étincelle.

Cette étincelle qui animait Lina quand elle sortait avec notre groupe.

Une lumière de joie.

Pendant une seconde, j’ai l’impression de lire un autre indice au fond de ses pupilles vertes. Elle me sourit, elle est rayonnante et me fait oublier ce moment désagréable, ce plongeon que je n’ai pas l’habitude de vivre. Je m’avance vers eux, elle se détourne de moi attendant de sentir ma présence dans son dos.

— Merci pour la boisson, chuchoté-je en atteignant le dos de Mia.

Je la vois tressaillir quand mon souffle frôle la peau nue de son cou. Lui ferais-je le même effet qu’elle me fait ? Il m’est difficile de me décrocher d’elle, essayant tant bien que mal, d’éloigner les mains de Simon de sa taille de guêpe. Je n’ai plus confiance en lui depuis longtemps. Depuis cette année-là. Pourtant, il reste dans ce cercle que je me suis créé.

Un cercle d’amis fidèles, d’amitié faussée qui dure malgré les années, et les dilemmes qui se sont offerts à nous. J’ai besoin de souffler, d’évacuer, de m’évader de ce bourdon qui me poursuit. Me hantant du matin au soir, aujourd’hui. Alex nous rejoint, il cherche mon regard des yeux mais je ne lui donne pas l’occasion de lire en moi.

Le reste de la soirée se déroule dans le calme. Je suis tout de même hanté par des bribes de souvenirs, des morceaux de Lina. Nous avons au final retrouver notre coin de table tranquille, suivi et en compagnie de la jeune Mia. D’ailleurs, elle s’est intégrée bien vite pour une inconnue. En revanche, je constate que le contact avec Ethan se fait avec naturel.

Peut-être que mon impression de départ était vraie.

— Et donc, vous vous connaissez depuis combien de temps ? Nous, interroge Mia, s’intéressant de plus en plus à nos liens.

C’est Simon qui lui répond en premier. Dans mes pensées, j’essaie de repenser à mes premiers souvenirs avec eux. Ils remontent en effet à plus de quinze ans, quand on s’est retrouvé ensemble à notre entrée au collège. Nous ne nous sommes pas lâchés d’une semelle depuis. De quoi en faire fuir plus d’une.

En revanche, je suis bien le seul à ne pas avoir encore trouvé chaussure à mon pied.

— Caleb ? Dis-moi, tu t’y connais en plomberie ? J’ai un souci dans la salle d’eau, le robinet tourne seul sur son axe.

— Je pourrais t’envoyer un de mes salariés. Je dois partir pour la semaine, répondé-je en observant Mia, sceptique.

Comment peut-elle savoir que je touche à la plomberie ? Je cligne des paupières, secoue la tête, hausse les épaules, et me fais une raison. Ce doit être Ethan qui lui a parlé de nous. Sinon, elle ne serait pas là, ce soir.

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