6. Sa maison

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Le 2 novembre 2 010.

Mardi, mon jour préféré de la semaine.

Pourquoi ? C’est simple, tous les mardis soir, et ça depuis presque un an maintenant, je suis embauché pour récupérer Lina à sa sortie de son cours de musique. Elle me fait toujours l’impression d’une ballerine quand je l’aperçois qui descend les marches du bâtiment, et court vers moi pour déposer un baiser sur ma joue. Elle est radieuse, mais n’est pas danseuse, elle est plutôt adepte du piano.

Alors armée de ses partitions, elle me frappe pour que je me décale et la laisse s’installer dans ma voiture. Jeune conducteur de dix-neuf ans, je fais le fier. Sauf que je ne suis le chauffeur que d’une simple petite 205 verte. Je n’ai qu’une hâte, changer de véhicule. Enfin… Pour le moment, je fais le chauffeur pour miss princesse et aussi parce que je le veux bien.

Et puis à cette époque de l’année et vu l’heure à laquelle elle sort de son cours, il vaut mieux. Voir une jeune fille rentrer à pied dans les rues de notre petite ville, alors qu’on peut y croiser des gens tordus. C’est hors de question ! Elle rit en me voyant me frotter le haut du crâne comme pour masser la bosse qui s’est formée après son coup de partitions.

— Arrête, je n’ai pas tapé si fort, me dit-elle en refermant la portière.

D’accord, je l’avoue mais elle est si canon avec la petite ride qui se dessine entre ses sourcils quand elle les fronce. Un haussement d’épaules, et je fais le tour de mon véhicule pour m’asseoir côté conducteur. Il faut bien la reconduire ma peste adorée ! Un tour de clé, la musique qui hurle des enceintes, une marche arrière et on est parti. Du moins, je l’espérais.

Sauf que c’était trop beau pour être vrai !

— Baisse le son ! Tu veux nous rendre sourds ?

Lina cri, essayant de dépasser le bruit de la mélodie. Je suis sûr qu’elle y met toute sa voix, pourtant je n’en perçois qu’un murmure. Et bien sûr, un large sourire apparaît sur mon visage lorsque mes doigts tournent le bouton du volume pour l’augmenter. Je sais, c’est petit. Mais elle croise les bras et ça suffit pour l’attente qu’elle va avoir. À savoir cinq bonnes minutes.

Oui, elle vit à proximité de la piscine, et celle-ci est située à moins de deux kilomètres de son école de musique.

Pratique !

Nous sommes donc en route pour la maison de la piscine.

Une petite demeure de quatre-vingts mètres carrés, avec une entrée fleurie et une légère place en castine pour avoir la possibilité de se garer. Un portail blanc nous accueille, il est toujours ouvert, ma belle-mère l’ayant enfoncé lors d’une de ses visites, discussion autour d’un café avec la mère de Lina.

Je ne vais jamais plus loin que la cour, bien que je connaisse cette maison comme ma poche. À commencer par la porte d’entrée, une porte en bois brut. Elle donne direct dans un salon aménagé et une longue bibliothèque, plein bien entendu. Le salon désert plusieurs pièces, d’abord la salle à manger et la cuisine sur lequel il est ouvert. Ensuite, sur un pas perdu, sorte de minuscule couloir, qui lui donne sur deux chambres, la salle d’eau et les toilettes.

Quoi ? C’est important non ?

De toute façon, la plupart du temps, je reste de l’autre côté de la porte, le plus souvent dans ma voiture. Et quand j’ai besoin, non, quand Lina m’envoie un message en pleine nuit parce qu’elle veut me voir ou vice versa, nous n’avons pas vraiment besoin de l’entrée. Nous avons d’ailleurs inventé un code secret pour ces nuits-là.

En attendant, nous sommes arrivés, elle m’embrasse sur la joue, une nouvelle fois, le tout accompagné d’une décharge électrique qui me fait naître un frisson dans ma nuque. Puis, elle glisse un bout de papier entre mes doigts. Et je sens la douceur de sa peau me quitter juste avant de la voir filer et disparaître derrière la paroi de bois, qu’elle claque.

Je souris bêtement en ouvrant le mot qu’elle m’a laissé.

« Rejoins-moi à 23 heures, ma fenêtre sera ouverte pour toi après le code. »

Rien d’inhabituel en fait. Même si parfois j’en viens à me demander pourquoi elle cache à sa mère que je dors chez elles quelques fois. Souvent ? Oui. Mais peu importe. Je suis ses directives, rentre chez moi pour un moment puis, dix minutes avant l’heure, je descends, monte en voiture, et remonte chez Lina.

Je me gare à la piscine, je fais une minute de marche à tout casser, et je passe mon chemin traversant la place de gravier, passant devant sa porte d’entrée, pour me retrouver à cinq pas de celle-ci face aux volets clos de ma belle blonde. Une respiration, deux, et je dresse le bois vers ces structures de bois.

Toc. Toc. Toc, Toc, Toc. Toc.

Le bruit d’une fenêtre qui s’ouvre se fait d’abord entendre, puis le grincement strident du loquet qui bloque les volets. Et enfin, le son d’une main qui pousse le bois. Je suis d’ailleurs presque assommé par l’angle dudit volet quand il s’entrouvre. Lina ricane comme une gamine, en me voyant reculer d’un saut. Saut qui par la même occasion a failli me faire tomber de l’étroit trottoir que sa mère à fait construire au pied de la maison.

— Où est ton tapis magique Aladin ?

— Quoi ?

— Ah crotte ! Je n’ai pas de balcon, ça ne fonctionne pas ! Grimpe, je t’en prie.

Elle se pousse, me laissant entrer dans son humble demeure. C’est-à-dire sa chambre. Un mur de rose vêtu, un lit qui prend une grande place, une bibliothèque tout aussi immense que celle de sa mère contre le mur en face de la fenêtre. J’oubliais son armoire, dont je me demande si elle sert vraiment, du fait qu’elle accumule une pile de vêtements sur la chaise de son bureau.

Ce n’est pas tout, deux de ses murs sont engloutis sous une tonne de dessins.

Madame l’artiste.

Mais ce que je préfère le plus dans sa chambre, c’est lorsque Line referme ses volets, que nous nous installons sur son lit, allongés sur le dos, et nos têtes sur ses oreillers dans le noir complet, pour mieux apprécier le spectacle. Une centaine d’étoiles phosphorescentes collaient sur son plafond et formant son propre univers.

Une étoile parmi les étoiles.

Et nous finissons par nous endormir, elle la tête sur mon torse et moi, un bras autour de sa taille. Elle a l’air paisible en dormant, comme plongé dans un monde que je ne connais pas. C’est difficile de ne pas la regarder, l’observer dans ce moment paisible de la journée. Mais le sommeil prend aussi le dessus sur mon corps. Pour finir par m’emporter à mon tour dans les bras de Morphée.

— L’innocence se lit encore sur tes traits, ma petite Lina.

Ce sont mes dernières paroles avant de fermer les yeux en cette soirée. Je sombre, et clos les paupières, tout en pensant à cette jeune fille blonde dans mes bras, à sa respiration régulière et paisible, à la douceur de sa peau, et à son odeur sucrée. Mais aussi à tout ce qu’elle pourrait représenter et être pour moi.

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