5. Erreur

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Elle lui ressemble, certes. Sauf qu’elle reste différente. Elle est blonde, oui, en revanche ses yeux ne sont pas de la couleur du chocolat. C’est tout le contraire, ils sont lumineux et verts, d’un vert émeraude à couper le souffle. Et le petit détail qui me fait reculer d’un pas, c’est le grain de beauté qu’elle a juste sous son œil droit, dessinant presque une larme sur sa peau douce.

Une larme que j’ai déjà vu couler plus d’une fois.

Je tremble, ne parviens pas à cacher ma frayeur, pourtant ce n’est pas elle.

— Mia.

Prononce l’inconnue avec un énorme sourire brillant sur le visage. Son visage, sans être le sien. Et au lieu de lui répondre, j’attrape mon verre avec rage et je le finis cul sec. L’alcool me brûle la gorge mais le goût de cerise apaise son agression. Je comprends mieux pourquoi c’était sa boisson. C’est sa boisson.

Je ne sais plus très bien, le visage de Lina se superposant à celui de cette jeune femme, dont le prénom semble être Mia. La même sonorité, la même apparence, mais totalement opposées. Elle continue de me sourire et je me perds dans ses yeux, ses iris qui ne sont pas de la bonne couleur. Qui ne peuvent de toute façon pas l’être.

— Tout va bien ? Me demande-t-elle en s’approchant de moi, avec une main rassurante qui se pose sur mon avant-bras.

Une décharge électrique passe dans mon bras, remontant dans mon cou et foudroyant au passage mon cerveau. Des images se mêlent, s’emmêlent et s’entremêlent. Mélange constant entre présent et passé, vert et marron, et cette étincelle d’innocence que je connaissais si bien. Je me sens défaillir, mes sens en effervescence.

Destin, mon regard se braque vers ma table, celle qu’on réservait toujours quand elle était encore là. Je revois son sourire, j’entends son rire, mais l’image se floute aussi vite qu’elle est apparue. Je vacille encore, et en guidant mes doigts vers ceux de l’inconnue, le froid m’envahit, m’oppresse et m’agresse.

— Pardon. Je vous ai prise pour quelqu’un d’autre, m’excusé-je mal assuré.

— J’ai cru comprendre oui. Je te commande un second verre ? Tu as l’air d’en avoir besoin.

Ma tête bouge seule, comme mise en mode automatique et acquiesce. Pendant, qu’elle appelle Marc pour lui demander une nouvelle tournée. Je l’analyse encore, mais surtout je repense à la voix de Lina, la compare à celle de cette jeune femme. Sauf qu’elles sont différentes, douce, gracieuse et celle de Mia est un ton au-dessus, plus dur, plus grave.

Un nouveau frisson me traverse quand son regard se pose sur moi. Son froncement de sourcils me plaît, et me ramène à une époque où, mes chamailleries avec Lina me faisaient encore sourire. Un sursaut s’immisce en moi, lorsque je sens une main remonter dans mon dos et venir se glisser sur mon épaule. Est-ce un rêve ?

Non.

Mon esprit se rattache à la réalité, quand j’aperçois le bras se tendre vers Mia. Le froid me quitte peu à peu, reconnaissant le tatouage ringard de Simon. Par abus de conscience, je cherche le reste de la troupe des yeux. Trouvant ainsi Alex et Ethan, qui se lèvent et nous rejoignent en me tapant sur l’épaule. Ils ont observé la scène, spectateur de ma défaillance. Je le vois, je le ressens dans leurs mains qui par leur geste crient haut et fort, « Désolé, reprends-toi et respire ».

Un dialogue s’entame alors entre mes amis, et cette fille que je ne connais pas, qui pourtant me semble si familière. Comme un écho, un reflet, une image dans le miroir de mon histoire. Pendant un instant, je perds le fil de la conversation, ne cherchant plus à suivre mais à comprendre la réaction de mon corps et aussi, celle de ma tête. D’ailleurs, mon cœur est encore à pleine vitesse, se questionnant sur la jeune femme qui est debout face à moi.

Serait-ce ma chance ? Celle que j’attendais ?

Cependant d’autres interrogations, plus secrètes, plus sombres, s’incrustent en gras derrière mes paupières lorsque je les ferme pour reprendre mon souffle. Des questions qui ne m’avaient pas hanté depuis bien longtemps. J’ai besoin de boire, d’oublier. Ce n’est pas une solution, je le sais, en revanche je ne vois que celle-là pour le moment. Attrapant, et m’agrippant à mon verre, je les aperçois en grand.

T’attire-t-elle à cause de Lina ? Elle lui ressemble mais tu le sens, ce n’est pas elle. Vas-tu plonger ? Essayer comme tu l’as fait avec Sophie ? Non, Sophie était ton éponge, ton oreiller sur lequel tu t’es reposé pour essuyer ta peine, et te faire remonter la pente quand tu ne laissais plus personne entrer. Le mouchoir dont tu avais besoin, un temps et que tu as jeté sans remords quand tu n’en as plus eu aucune utilité.

Je secoue la tête, passe ma main dans mes cheveux, puis dans ma nuque.

Ces pensées ne devraient pas apparaître aujourd’hui, plus maintenant. De plus, ne devrais-je pas m’intéresser à ce qu’il se déroule dans le présent ? À cet instant, juste sous mes yeux ? Mia… Elle rit, discute, et bois comme si tout était normal. Ethan, s’approche plusieurs fois d’elle avec des gestes familiers, et des regards complices. Bien trop réels pour des inconnus. Et alors que cela doit faire une éternité que je n’ai pas desserré les lèvres, il n’y a qu’une phrase qui en sort.

— Vous vous connaissez ?

— Ah ! Le zombie parle finalement, constate la jeune femme d’un air moquer, qui me fait l’effet d’une balle tirée dans la poitrine.

Pourquoi ai-je cette impression de déjà-vu ?

N’est-elle pas une inconnue. Elle rit accompagnée d’Ethan ce qui a le don de me faire croiser les bras sur ma poitrine. En me voyant agir de la sorte, Mia affiche une moue boudeuse. Quoi ? J’ai oublié un détail ? Sûrement. Et d’ailleurs, même Alex en vient à me tapoter une nouvelle fois l’épaule pour me signaler que je suis ridicule.

— Tu ne te souviens pas, j’ai passé du temps avec Ethan avant mon départ pour le lycée.

— Mia, ton ex ? Demandé-je peu sûr de moi.

— Celle-là même.

Pourquoi sont-ils tous hilares ? Cette fille, nous ne l’avons jamais vue, ni aperçu. Ethan, nous en a parlé vaguement une fois. Il était fier, de cette blonde, douce et fragile avec pourtant des idées bien marquées. Pour autant, je n’aurais jamais imaginé qu’elle soit ainsi. Il y a trop de ressemblance. Et si je m’attarde trop sur elle, et sur sa voix, c’est possible que j’efface l’image de Lina. La remplaçant, sans oublier.

Un nouvel éclat de rire, cette fois-ci même Alex ne se retient pas.

— Quoi ?

— Détends-toi ! C’est une blague ! Nous nous sommes rencontrés, il y a de cela, une semaine. Elle a aménagé à la maison de la piscine.

— Dis-moi que tu me fais encore une blague ! Hurlé-je d’un coup au grand désarroi de mes amis et de notre nouvelle rencontre.

— Calme-toi, me suggère Alex en me prenant par les épaules.

C’était un piège, un guet-apens, une erreur pour mieux faire passer la pilule. Et dire qu’Alex m’a demandé avec gentillesse, si je ne voulais pas plutôt rester chez moi. J’aurais dû.

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