Deux.

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Je progressais peu à peu dans mon travail. Bon, je ne le faisais pas toujours bien, mais j'essayais de faire de mon mieux. Mes relations avec mes collègues étaient top, il y avait des coups de gueule de temps en temps mais rien de bien méchant. On se retrouvait tous autour d'un café avant de prendre nos camions pour partir sur nos tournées respectives. On se racontait les péripéties qui nous arrivaient durant nos journées.

Je m'entendais avec la plupart mais avec les autres je n'avais rien à partager, donc c'était « bonjour, ça va? » Et « bonne journée » mais ça s'arrêtait là, c'est pas pour autant que je les détestais, loin de là ! Mais il y avait un collègue avec qui le courant passait plus que les autres : Pascal. On s'échangeait des regards, des sourires. Il était un peu plus grand que moi, une démarche assurée, un sourire qui me ravageait de l'intérieur. Hélas, il avait le double de mon âge... Croyez-moi que ça m'a traversé l'esprit qu'une moitié de seconde, ce n'était pas le genre de détails auquel je m'attardais en temps normal. Je ne m'imaginais rien de grandiose. On m'a toujours dit qu'on pouvait lire dans mes pensées comme dans un livre ouvert, un de mes collègues m'a vite démasqué.

Le lendemain, il m'a fait part de son avis et je n'ai pas pu nier. Les jours passaient, j'arrivais tant bien que mal à passer outre mon attirance pour lui. Je voyais qu'il ne s'intéressait pas à moi, donc j'ai arrêté de me focaliser sur cette homme. Un vendredi après-midi, je reçois un message d'une personne qui avait énormément compté pour moi dans ma jeunesse. Bizarrement, j'ai ce défaut de toujours vouloir garder contact avec les personnes que j'ai cotôyer dans le passé et qui font que quand je pense à eux, je ressens un gros sentiment de tristesse.

Adolescente, je suis tombée folle amoureuse d'un homme beaucoup plus âgé que moi. J'étais mineur, il avait dix ans de plus que moi à cette époque. Bien évidemment mes parents étaient contre cette relation naissante. Mon père l'a même menacé de le tuer s'il tentait quoi que ce soit avec moi, du coup il s'en est allé; m'a laissé avec mes sentiments, sans repères, perdue. J'ai essayé de vivre avec son absence mais je ne me suis jamais remise entièrement de cet abandon. Donc, ce message venait de lui, me demandant d'aller le retrouver le lendemain matin, un samedi, dans un café, sans m'en dire plus. Je suis d'un naturel très curieuse, je savais que j'allais en souffrir. Je ne lui ai pas répondu tout de suite. L'envoyer balader ou accepter sa proposition? Je me repassais mes souvenirs que j'avais avec lui en boucle. La façon dont j'étais tombée, dont je m'étais à peine relevée... Je lui ai envoyé un message dans la nuit, j'acceptais son rendez-vous. Il était fixé à dix heure trente.

Je tournais dans mon appartement tel un oiseau égaré, apeuré en sachant éperdument que j'allais retomber sous son charme et que j'allais m'en mordre les doigts. En voyant que je n'allais pas dormir tout de suite, j'ai commencé à chercher la tenue, la bonne, pour lui faire voir comment la petite fille de seize ans et demi avait bien grandi, mûrie. Je savais déjà comment j'allais me maquiller. Comme toujours, un peu de fond de teint, pour cacher mes tâches de rousseur, du mascara ainsi que du liner pour agrandir mon regard. J'étais déterminée à lui montrer que je n'étais plus la même, pensant que c'était à cause de moi qu'il n'était pas resté. L'heure du réveil était en train de sonner, je ne dormais toujours pas. Je commence à faire couler l'au chaude pour mon bain, bois mon café puis balance ma musique sur mon enceinte, je ne pensais plus à rien. Après tout ça, je me suis habillée et maquillée.

J'étais en avance. Je m'étais fais un schéma sur ce que j'allais lui dire, en comptant lui reprocher la souffrance qu'il m'avait fait subir ! Je vous avoue qu'en fermant ma porte d'entrée, j'ai pris une grande respiration et ai hésitée à faire marche arrière. J'ai pris la voiture pour partir en direction du centre ville. Il y avait beaucoup de monde sur la route mais c'était normal vu qu'il y avait le marché. Je stressais de plus en plus. En tournant devant le lieu où il m'attendait, je l'ai aperçue. Comme à son habitude, en t-shirt, avec sa guitare enfermée dans une housse noire, une sacoche et un jean bien trop large pour sa morphologie. J'ai tout de suite trouvée une place à trois minutes à pied du rendez-vous, ça me laisserait le temps de souffler et de fumer une cigarette. Je pousse la porte de l'établissement et je le retrouve assis à une table dans le fond. Il avait commandé deux cafés, je prends place et il me fait un grand sourire, ce fameux sourire dont j'étais tombée follement amoureuse dans le passé, de belles dents, bien droites, blanches. Il n'avait pas changé. Il avait des cernes et une mine fatiguée mais ce n'était pas important; il était comme avant.

On s'est raconté nos vies respectives, il voyageait beaucoup et moi je travaillais. Il avait un quotidien idéal, mais un avenir incertain, il n'avait pas d'appartement, habitait occasionnellement chez ses parents, enchaînait les boulots au black et jouait de la guitare le samedi en ville pour gagner de l'argent. Après une bonne heure de discussions, il m'a pris les mains, m'a regardé droit dans les yeux puis m'a demandé s'il pouvait me poser une question très importante. Il voulait savoir si je voudrais quitter ma vie pour partir, avec lui, faire le tour du monde en bateau.

J'aurais tellement aimée dire oui ! J'aurais donné ma place à n'importe qui pour lui faire ressentir la claque que j'ai pris à ce moment précis. Il avait peut-être enfin pris conscience que j'étais la bonne ! Je n'ai pas su quoi répondre. Je l'ai regardée, avalée la dernière gorgée de café qu'il me restait puis j'ai réfléchie. J'avais l'impression de quitter mon corps à ce moment là, de voir cette scène du'un autre point de vue. Est-ce que je devais quitter ma vie avec un travail, une bonne paie, mon appartement, mes amis et surtout ma famille pour un futur avec mon premier amour que toute ma famille voulait tuer? J'étais totalement sous le choc après cette annonce. Il partait définitivement dans trois mois, et il m'a dit que ce serait avec ou sans moi, mais sa décision était prise. Et depuis cette annonce, mon quotidien a été rythmé par des questionnements, des doutes, des souvenirs mais sans trouver aucune réponse; c'est ça qui m'a le plus fait mal.

Au fil des jours, il m'envoyait souvent des messages, me disant de réfléchir, il me disait qu'il ne lui manquait pas beaucoup d'argent pour acheter le bateau de ses rêve, ce n'étais qu'une question de semaines. Mais qu'est-ce qu'il fallait que je fasse n? Quelle décision prendre ? J'ai beaucoup hésitée à en parler à ma mère, sachant que si mon père venait à le savoir, je préparais ma tombe ainsi que celle de celui qu'il détestait au plus haut point, même après toutes ces années. J'ai appelée ma mère, en larmes, je me devais de lui en parler. Je savais au fond de moi qu'elle s'attendait à ce que je lui reparle de cet homme un jour où l'autre. Elle est venue jusque chez moi, je lui ai tout racontée. Comme vous pouvez vous en doutez, elle n'a pas sautée de joie, au contraire. Elle était toujours contre l'idée que je me mette avec lui. Elle l'a énormement critiquer, me rappelant le mal qu'il m'avait fait, l'état dans lequel il m'avait lâchement laissé. Son avis était définitif, je ne devais pas aller avec lui.

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