Prologue

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Année 554

Olbion regarda derrière lui. Il revit les arbres immenses au bout desquels pendaient de longues branches. Il porta ensuite son regard vers les maisons perchées dans ceux-ci et les belles couleurs de la forêt. Il observa également pour la dernière fois les feuilles vertes et enfin, ses yeux glissèrent sur sa maison. Il allait la quitter pour toujours, quitter Shabila. Mais il ne serait pas seul.

Elina, sa femme bien aimée, qui l'avait toujours soutenu, l’accompagnait. Il regarda ensuite dans les bras de sa femme, où se trouvait la personne qu'il chérissait plus que tout au monde. Sa fille. Leur fille. Non, il n’était pas seul.

C’est avec cette pensée qu’il quitta Shabila pour toujours, loin de l’endroit paisible où il avait grandi, loin de ses parents, loin de ses amis. Loin de tout. Il partait vers l’inconnu, vers l’aventure… Mais aussi vers le danger. Il regarda sa femme et sa fille et il se jura de les protéger, quoi qu’il arrive. Leur cheval poussa un hennissement et ils s'engagèrent derrière les autres elfes de la compagnie avec laquelle ils voyageaient.

Olbion Ta’Ilon était chargé de rejoindre Shanima, tout comme les autres elfes de la compagnie, pour aider les soldats qui étaient sur place à combattre les Garocs et les Gogems, des monstres répugnants qui s’étaient installés à Endoy pour y semer le chaos. Olbion savait que le voyage durerait au moins une bonne semaine. Le chef de la compagnie avait prévu de passer entre les terres des Falines et des Lorniens en longeant le fleuve Lorjah pour ensuite arriver à Shanima. Olbion, lui, avait prévu de les suivre jusque chez les Falines pour ensuite cheminer avec pour seule compagnie sa famille jusqu’à Dracanord. Il voulait s’arrêter là-bas pour demander de l’aide aux Dracs. Puis enfin ils arriveraient dans la forêt de Shanima, dans laquelle ils reverraient sûrement leurs compagnons, eux aussi partis pour la guerre.

Olbion fut tiré de ses analyses par son enfant qui gémissait. Sa mère lui murmura des paroles apaisantes :

  • Doucement Elanne, doucement ma tendre enfant.

Cela fit sourire Elanne et bientôt, elle s’endormit.

La vue de cette tendre scène fit sourire Olbion. Il trouvait son épouse magnifique, vêtue dans sa longue robe rouge parsemée de fleurs. Ses cheveux argentés étaient noués dans un ruban de la même couleur que sa robe en une jolie queue-de-cheval. Elanne, quant à elle, était emmitouflée dans une couverture turquoise dans laquelle elle dormait. Elina la tenait dans ses bras.

Elle se tourna vers Olbion, l’air contrarié, et elle lui confia ses craintes :

  • J’ai peur qu’Elanne soit trop faible pour affronter les dangers de ce périple.
  • Ne t’en fais pas, elle tiendra car c’est notre fille.

Un garde du convoi sonna le départ dans un cor elfique spécifique à Shabila. Ils partirent donc, laissant derrière eux leur forêt bien aimée. Le commandant de la caravane leur expliqua ensuite :

  • Nous longerons les montagnes et nous prendrons la passerelle Praline. Là, nous serons sans doute accueillis par des Falines, ces hommes des montagnes se montrent parfois bienveillants. Espérons que ce sera le cas avec nous.

Olbion et Elina hochèrent la tête.

Le début du trajet s’avéra facile et, au bout d’une heure, ils aperçurent la passerelle Praline. Elanne ouvrit brusquement les yeux et regarda avec émerveillement le pont. Il était en bois de chêne et les Falines y avaient fixé quelques pépites d’or. Leur peuple était en effet connu pour creuser dans les mines, avidement à la recherche d’or.

Ils traversèrent la passerelle sans difficulté puis ils continuèrent leur route le long d’un long sentier qui serpentait entre les montagnes.

Ils arrivèrent ensuite dans la capitale Faline, Ine. Le commandant du convoi alla parler au Roi Liba, le souverain des Falines. Leur discussion dura quelques minutes puis le commandant annonça aux elfes du convoi que chaque famille serait logée chez un Faline bénévole.

La maison où Olbion et sa famille furent logés était magnifique. Un énorme lustre d’où pendaient des lampes à huile de mineurs était accroché au plafond et les murs étaient parsemés de pépites d’or. Le propriétaire les accueillit chaleureusement :

  • Bienvenue, étrangers. Vous êtes tombés sur la bonne personne, je me nomme Durlan.
  • Enchanté de faire votre connaissance, je me nomme Olbion et voici ma femme Elina et ma fille Elanne.
  • Merci pour votre hospitalité, ajouta Elina.

Olbion remarqua l’imposante stature de Durlan. Il mesurait environs 1 mètre 90 à vue d'oeil et ses bras étaient incroyablement musclés. À vrai dire, Olbion s’y attendait car il avait entendu dire que les Falines étaient un peuple robuste, habitué à la vie dans les mines. Il avait également appris que plus un Faline était riche, plus il était respecté. Durlan semblait appartenir à cette catégorie si l’on se fiait à son intérieur rempli d’or.

Olbion engagea ensuite la conversation avec leur hôte :

  • Comment se passe votre quotidien dans les mines ?
  • Oh, plutôt bien, répondit Durlan avec un sourire en coin, je suis assez chanceux, voyez-vous, pour tomber sur des pépites d’or. Je creuse dans les mines de Larine au moins cinq fois par semaines. Elles se situent à l’Est d’Ine, là où nous nous trouvons. Je mets deux heures pour m’y rendre à pied. Grâce à mes trouvailles, j’ai réussi à acheter une zone pour moi tout seul dans ces mines.
  • J’en suis ravi pour vous.
  • Merci, mon ami. Mais parlez-moi un peu de vous et de votre culture. J’ai toujours été attiré par les elfes de votre race…
  • Et bien, ma femme, ma fille et moi venons de Shabila, une forêt elfique à l’Est de votre pays. Là-bas, nous sommes dirigés par Garlënnah, que l’on appelle la Dame d’Argent, et par son mari Orion. Nos maisons sont faites de feuilles et de branches et sont situées dans les arbres, près de la lumière lactée des étoiles et du ciel sans fin. Elles sont illuminées par des torches de Magie d’Argent, créées par la Dame d’Argent elle-même. Nous chantons beaucoup et nous sommes des poètes. Nous aimons nous promener dans la forêt, en harmonie avec la nature.

Olbion marqua une pause, comme submergé par son récit. Ses sourcils se froncèrent ensuite et il reprit d’un ton grave :

  • Mais les temps changent et deviennent sombres.

Durlan hocha durement la tête.

Pendant qu’ils discutaient, Elina et Elanne s’étaient installées à table. Elles étaient en train de déguster un gros poulet rôti et Elanne avait prononcé son premier mot depuis le début du voyage : « Shabila ».

Après avoir conversé encore un petit moment, les deux hommes s’installèrent eux aussi à table et finirent le poulet.

Plus tard dans la soirée, Durlan invita Olbion à s’asseoir dans un fauteuil puis ils commencèrent à parler. Le Faline le questionna :

  • Où prévoyez-vous d’aller ?
  • Nous comptons rejoindre Shanima, une autre forêt elfique, car je dois partir combattre les Gogems et leurs terribles serviteurs, les Garocs.

Il marqua une pause puis continua :

  • Une guerre se prépare, nous le sentons, nous, les elfes, et je crains qu’elle ait déjà commencé.

Durlan hocha gravement la tête et Olbion acheva son discours :

  • J’espère qu’Elanne se plaira là-bas, je m’inquiète pour elle et pour son avenir.

Il s’interrompit car Elina s’approchait d’eux, elle leur murmura :

  • Ne faites pas trop de bruit, Elanne dort.

Ils hochèrent tous les deux la tête puis ils discutèrent encore un moment de la guerre en chuchotant puis Olbion et Elina allèrent se coucher dans la chambre d’amis de Durlan. Celui-ci se coucha dans sa propre chambre.

Olbion fut réveillé au beau milieu de la nuit par les pleurs d’Elanne.

  • Qu’est-ce qu’il se passe Elanne ?
  • Shabila, répondit-elle en éclatant en sanglot.

Olbion comprit aussitôt la raison de ses pleurs. Il la prit dans ses bras et lui assura :

  • Ne t’inquiète pas Elanne, soit forte, nous allons nous en sortir, aie confiance.

Elanne sourit, elle était rassurée. Olbion pensa que sa naïveté était attendrissante puis il s’apprêta à s’allonger de nouveau dans son lit quand un bruit à côté de lui attira son attention. Il se tourna et découvrit que c’était Elina. Elle lui demanda :

  • Tu as réussis à calmer Elanne ?
  • Oui, répondit-il.
  • Pourquoi pleurait-elle ?
  • Shabila lui manquait.
  • Moi aussi, Shabila me manque, remarqua tristement Elina.

Olbion la prit dans ses bras en essayant de l’apaiser, malgré sa propre nostalgie puis ils s’endormirent, le cœur serré.

Le lendemain matin, Olbion expliqua à Durlan qu’Elina, Elanne et lui comptaient rester une semaine et qu’après ils partiraient. Ils ne voulaient pas voyager en même temps que leur convoi, ils préféraient aller à leur rythme pour ne pas perturber Elanne, qui avait du mal à suivre. Durlan leur donna son accord et leur annonça qu’il leur fournirait des provisions, des cottes de mailles et des armes.

Pendant le déjeuner, Olbion dessina des plans d’attaque contre les Garocs, c’était souvent eux qui menaient les assauts tandis que leurs maîtres, les Gogems, se contentaient de rester dans leurs grottes. Il se souvint que le point faible des Gogems était l’espèce de petite cible qui retenait leur armure. C’était normal car ces créatures étaient des monstres faits de terre, donc si leur armure venait à se détacher, ils s’effondreraient comme un vulgaire tas de poussière. Quant aux Garocs, ils n’étaient pas difficiles à battre car ils n’avaient pas d’armure, mais leur point fort restait le fait qu’ils étaient très nombreux.

Olbion et Elina s’entrainèrent ensemble au combat dans une salle à cet usage de la maison de Durlan sous les yeux attentifs d’Elanne.

  • Veux battre.
  • Non ma chérie, tu es trop jeune et tu ne pourras jamais faire de cette discipline ton métier, seuls les hommes peuvent s’engager dans l’armée elfique, expliqua tendrement Elina, moi, je me bats seulement pour survivre.

Quand ils durent partir de la maison accueillante de Durlan, ils trouvèrent leurs deux chevaux chargés de provisions et deux épées accompagnées d’arcs, de flèches et de trois cottes de mailles. Durlan en avait fait concevoir une spéciale pour la taille et l’âge d’Elanne pour éviter qu’elle soit blessée par une quelconque arme si jamais ils se faisaient attaquer lors du voyage. Ils partirent sur-le-champ après avoir fait leurs adieux à leur hôte bienveillant.

Plus tard dans la matinée, ils firent une pause pour manger car Elanne était affamée. Olbion sortit de son sac deux pommes et du pain Faline qui avait la particularité de renforcer les capacités physiques. Durlan lui avait expliqué que les Falines s’en servaient dans les mines, ils pouvaient y rester au moins une semaine avec leur pain pour seule nourriture. Olbion fut sorti de ses pensées par un petit gémissement.

  • Iberon !

Il se rendit alors compte qu’il avait oublié le biberon d’Elanne ! Il le sortit aussitôt de son sac et le lui donna.

Après une heure de repas, ils repartirent en longeant les monts Dorés. Ils aperçurent l’immense pont des Deux, le mythique pont qui reliait les monts Dorés et les montagnes Brunes. D’un côté s’étendait le territoire Faline et de l’autre étaient délimitées les terres des Lorniens. Olbion regarda Elanne et lui expliqua :

  • Tu vois Elanne, les habitants de ces contrées sont des hommes mais contrairement aux Falines, ils sont doués pour la nage et la pêche. Ils détestent les mines. Tu devras faire la différence entre les deux quand tu seras en âge d’aller à l’école.

Elanne hocha la tête même si Olbion doutait qu’elle avait tout compris.

Ils avancèrent encore trois bonnes heures puis ils se reposèrent un peu car ils apercevaient le nuage de fumée de Dracanord. Ils étaient presque arrivés dans la cité des Drac !

Bizarrement, le nuage se rapprocha d’eux et Olbion se souvint trop tard que les Dracs n’utilisaient pas de cheminées et il se rendit compte qu’une meute de Garocs fonçaient sur eux !

Comprenant la situation, Elina ouvrit brusquement une malle dans laquelle elle avait rangé ses vêtements pour le voyage. Elle les sortit tous et mit Elanne dedans avec son biberon et des provisions puis elle lui dit malgré sa voix tremblotante :

  • Écoute moi bien Elanne. Nous allons jouer à cache-cache avec ton père. Je compte sur toi pour rester cachée et ne surtout pas faire de bruit pour ne pas qu’il te trouve. Si tu as faim, je t’ai mis des biscuits et ton biberon mais si tu les utilises, ne fais pas de bruit, c’est compris.
  • Veux tu restes vec moi pour cache-cache.
  • Non Elanne, je vais me cacher autre part. Attention, papa va bientôt arriver.

Elina ferma la malle à double tours et elle ne put retenir une larme qui coula le long de sa joue et qui tomba sur la serrure. Elle déposa sur celle-ci une sphère de localisation que lui avait donné la Dame d’Argent de Shabila avant qu’elle parte. Elle lui avait recommandé de l’utiliser en cas d’urgence et de choisir pour récepteur Shabila. Mais Elina n’écrivit pas le nom de sa forêt natale. Elle inscrivit à la place le nom de la cité des Dracs mâles, Dracanord. Elle savait que les Dracs arriveraient trop tard pour les sauver, Olbion et elle. Mais elle se dit avec espoir qu’ils trouveraient la malle, brûleraient la serrure et emmèneraient Elanne à Shanima. Enfin, elle récita une incantation permettant de dresser une bulle de protection autour de la sphère. Seuls les elfes magiciens pouvaient créer des protections magiques de ce type, Elina en faisait partie mais elle était peu expérimentée et le champ de protection qu’elle pouvait dresser ne se limitait qu’à l’espace de la malle. Elle savait qu’il ne tiendrait malheureusement pas plus d’une heure, mais elle pensa que c’était mieux que de laisser la malle sans protection. De plus, le sortilège l’avait fortement épuisée mais qu’importait, elle savait que sa vie allait se finir ici, dans ce champ à proximité de Dracanord. Elle partit ensuite rejoindre Olbion, le cœur serré, après avoir jeté un dernier regard à la malle.

Quand elle arriva, les Garocs étaient tout proches et tout espoir était perdu, alors elle lui prit la main et ils se laissèrent tous deux submerger par la vague de terreur que semaient les Garocs. Ils finirent leur vie en même temps, main dans la main.

Pendant ce temps, Dracalane, le lieutenant des Dracs, avait reçu un signal elfique dans la tour de réception de la cité de Dracanord. Il savait que les elfes n’utilisaient ces signaux qu’en cas d’extrême urgence. Il décida donc d’en faire part à son chef, Draco.

Il se rendit dans la tour du Feu, le bâtiment de Dracanord où logeait leur chef. Il lui expliqua ensuite la situation et Draco lui ordonna :

  • Ne perds pas une minute de plus et va inspecter la zone.
  • Bien.

Il était donc parti en direction de la zone du signal elfique. Il volait aussi vite que ses ailes de Drac le lui permettaient, se retenant de cracher du feu tellement il était inquiet de ce qu’il allait découvrir.

Quand il arriva, il fut épouvanté par l’horreur de la scène. À ses pieds étaient étendus trois cadavres de Garocs. Ils étaient répugnants et sentaient très mauvais. Dracalane se retint de se boucher le nez. Mais ce qui avait le plus horrifié le lieutenant, c’était les dépouilles de deux elfes, un mâle et une femelle, étendues par terre. Il toucha un cadavre de Garoc et constata qu’il était encore chaud, l’attaque avait dû se produire une petite heure plus tôt.

  • Quel désastre, commenta-t-il.

Puis il entendit une voix qui venait d’une malle un peu en retrait dans le champ.

  • Papa tu viens me chercher maintenant ? Maman, je veux plus jouer !

Il alla voir de quoi il s’agissait. Il souffla sur la serrure de la malle, un jet de flamme sortit de sa gorge, ce qui eut pour effet de la brûler. Il vit alors une petite elfe dans la malle, en train de pleurer. Il comprit la situation de la jeune elfe et lui promit alors :

  • Je vais t’emmener à Shanima, tu seras élevée par d’autres elfes au cœur tendre.

Il sortit ensuite délicatement l’elfe de la malle puis il l’enroula dans un bout de tissu qu’il avait arraché à sa tunique. Il la prit ensuite dans ses bras et déplia ses ailes, il décolla ainsi avec elle. Elle lui demanda :

  • Tu t’es déguisé papa ?
  • Chut, dors, petite elfe.

Les oreilles pointues de l’elfe tremblèrent, signe de son incompréhension. Mais elle ferma néanmoins les yeux et sombra dans le sommeil pendant que le lieutenant des Dracs volait.

Ils partaient pour Shanima.

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