Cartonner

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L’autre jour, j’ai adopté le mot tabac en disant qu’il ne faisait plus un tabac.

J’en ris encore, mais passons.

De fil en aiguille, l’expression « faire un tabac » m’a fait penser à une autre tout aussi hilarante (j’en pleure de rire) qui est « Cartonner ».

Je me suis alors dit : « Pendant que tu y es, adopte aussi le mot « cartonner ». Je suis sûr que vous auriez fait la même chose.

Cartonner appartient effectivement au langage familier et plutôt "branché"; on peut éventuellement attribuer son origine à l'expression "faire un carton" au sens du tireur qui place toutes ses balles dans la cible (en carton, justement ! Ha ha), donc qui a réussi.

Aïe ! Attention ! Pas d’emballement (en carton – je ris) : cette expression peut aussi signifier faire un massacre ! Alors, il est conseillé de l’utiliser avec la plus grande prudence.

Transposé dans le domaine du spectacle ou du showbiz, ça signifie en gros avoir du succès, mais peut-être aussi, de façon un peu péjorative, être omniprésent...

Je ne m’étendrai pas davantage sur ce carton car il m’en rappelle un autre. Avec cette histoire abracadabrantesque, je sens que je vais cartonner :

Tout a commencé avec l’histoire du lampadaire qui est passé de l’autre côté de la rue.

Depuis le jour de ma naissance, et jusqu’à il n'y a pas longtemps, un lampadaire était scellé à l’angle de ma maison natale. Il a guidé mes premiers pas et m’a vu grandir.

Moi, je n’avais pas vraiment fait attention à lui, mais j’avais tort car sans lui je me serais certainement cassé la gueule plus souvent. Alors, il s’est vengé. Il a déménagé, et c’est alors seulement que j’ai pris conscience de son importance. Quelqu’un n’a-t-il pas dit : “ Un seul lampadaire vous manque, et rien n’est éclairé ! ” (ou quelque chose comme ça)

Oh, il n’est pas parti bien loin puisqu’il s’est fixé sur la maison d’en face, juste de l’autre côté de la rue. Tout de même, ça fait un choc. Pour bien saisir l’énormité de la chose, il faut savoir que les relations avec le voisin d’en face, qui est cartonnier (on y vient), en sont au stade où si le monsieur dit “ bonjour ” à maman, elle fait le 17 et les gendarmes arrivent immédiatement. C’est eux qui l’ont dit.

A présent, il n’est plus possible d’oublier ce lampadaire. Du fait de son nouvel emplacement, il aveugle la maison, à la manière de ces projecteurs de fortune que les flics gendarmes CRS policiers mettent sous le nez des suspects pour leur faire avouer des crimes qu’ils n’ont pas commis, et qui, au bout d’un certain temps, donnent des envies de meurtre au plus pacifique et débonnaire des pères tranquilles.

C’est précisément ce qui m’est arrivé.

Las de cette lumière omniprésente qui traversait rideaux et tentures, illuminait le couloir comme en plein jour, fouillait la maison dans ses moindres recoins avec une insupportable indiscrétion, fatigué des voyeurs d’en face qui promenaient leurs inconvenants regards dans l’intimité de notre demeure, il fallait agir.

J’ai agi.

N’écoutant que mon courage, je volai un carton de dimensions respectables afin qu’il fasse écran entre les indiscrets et les discrets, les épieurs et les épiés, les curieux et les curiosités. Je ne me doutais pas qu’en exécutant ce larcin, pour une cause honorable, j’avais posé le pied sur la première marche de l’enfer. Ne dit-on pas que l’homme est un loup pour l’homme. Il est des gestes dont l’accomplissement réveille toute une mécanique meurtrière. Je perdais le contrôle de ma propre personnalité, j’étais pris dans un engrenage d’aberrations qui m’entraînait vers le pire sans que j’en aie conscience.

Mais avec tous ces cartons, je m’emballe, je m’emballe… Je vous raconterai la suite une autre fois.


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