Chapitre 4

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Seed, Dalkia, Utopia, 3 juillet 1990, 05h00

L'armée Efdéème était désormais dans la ville. Les combats avaient donc maintenant lieu en ville. Les civils, paniqués, tentaient de rejoindre les transports aériens pour fuir. Les navettes les conduiraient vers les montagnes, là où la présence efdéème était presque inexistante. La Résistance avait pour mission de les escorter vers ces transports puis d'abandonner elle-même la capitale. De toute façon, elle n'avait plus aucune chance face à cet ennemi supérieur en nombre et en armement. La victoire militaire n'était plus possible.

Olympe était toujours avec son frère. Ils étaient dans une ruelle, derrière des débris en tout genre : voitures, morceaux de bâtiment détruis par les tirs de méchas et de chars ennemis, poubelles... D'autres résistants étaient avec eux. Ils avaient été quatre, avant que l'un d'eux se fasse descendre par un tir ennemi. Ils n'étaient plus que trois. Ils exécutaient les ordres du Général Fidémo, chef de la Résistance, à savoir escorter les civils, gagner du temps et fuir.

Ils avaient pris position dans cette ruelle pour ralentir le plus possible les troupes ennemies, les empêchant de couper par cet endroit, les obligeant alors à le contourner.

— On n'arrivera pas à tous les sortir de là ! cria Zack en parlant des civils. Les troupes ennemies nous submergent !

— On tiendra aussi longtemps qu'on le pourra ! lui répondit Olympe.

Au fond, elle savait que son frère avait raison. Les quelques dizaines de résistants qui restaient encore à Seed ne seraient effectivement pas assez pour sauver tout le monde. Mais Olympe était une excellente tireuse. Elle élimina bon nombre de soldats efdéèmois, y compris quelques-uns de la Force Écarlate. Tout ça était nouveau pour elle, jamais elle n'avait participé à une bataille, mais elle n'avait pas le choix, elle devait contrôler sa peur, la surmonter et se battre si elle voulait avoir une chance de survivre.

Soudain, un son mécanique se fit entendre. Comme si quelque chose de lourd était en train de marcher. Un frisson parcourut les corps du frère et de la soeur. Ils se tournèrent vers l'origine du son, le regard anxieux et virent l'engin. Un mécha Efdéèmois. Un engin de combat bipode de près de quatre mètres de haut, doté de deux "bras" au bout desquels se trouvaient des canons.

— Ah, mais c'est pas vrai ! hurla Zack.

— Vite, le lance-roquette ! cria Olympe au jeune résistant qui était avec eux.

— On n'a plus de roquettes, on a tout utilisé, lui répondit timidement ce dernier.

— Merde. Zack ! Il faut qu'on se tire !

Ils sortirent de leur cachette, mais le pilote du mécha tira une roquette dans leur direction. Elle explosa au sol quelques mètres à peine derrière les trois résistants. Le souffle de l'explosion les propulsa en l'air. Olympe et Zack s'en relevèrent non sans mal, mais pas le troisième. Olympe se précipita vers lui presque en rampant, afin de prendre son pouls. Il était mort.

— Viens Olympe, on ne peut plus rien faire pour lui, c'est trop tard, il faut qu'on file ! Allez ! cria Zack en tirant le bras de sa sœur.

Olympe glissa la main sur la plaque métallique autour du cou du résistant mort. Le nom de E.Davis y figurait. C'était comme ça qu'il s'appelait, pensa-t-elle, le coeur noué. Elle ne le connaissait pas mais ce visage resterait dans sa mémoire, comme les amas de corps empilés autour d'elle. Les articulations craquantes, elle se redressa, une douleur lui fit fléchir le genou, elle crispa sa mâchoire, endura et suivit son frère. C'est un cauchemar.

Elle avait participé à des opérations de sabotage, des assassinats, de l'espionnage, des vols de cargaison, voire quelques petites escarmouches contre les troupes efdéèmes, mais jamais elle n'avait participé à une bataille de cette envergure. Après avoir couru quelques dizaines de mètres, elle entendit quelqu'un crier « Olympe ! Par ici ! ».

Elle et Zack s'arrêtèrent et aperçurent un jeune garçon aux cheveux bruns, ébouriffés, les yeux marrons, un mètre quatre-vingt environ, leur faire signe d'entrer dans un bâtiment. Ils s'y engouffrèrent donc. La jeune femme fut heureuse de reconnaître le garçon.

— Jack ? dit-elle surprise de le voir ici.

— Ici vous serez en sécurité. dit le jeune homme.

— Pourquoi ici plus qu'ailleurs ? demanda Zack faisant abstraction du fait qu'Olympe le connaissait.

— Faites-moi confiance.

— Non, ma sœur et moi, on doit rejoindre nos lignes, on doit évacuer !

— Chut ! Ne crie pas Zack, tu vas nous faire repérer, dit Olympe.

Trop tard. Un groupe de soldats efdéèmois les avait entendu et entra dans le bâtiment. Zack, Olympe et Jack se cachèrent derrière un canapé.

— Sortez de là ! Les mains en évidence ! hurla l'un des hommes.

Olympe et Zack se regardèrent. Visiblement, leurs ennemis savaient où ils étaient cachés et tenaient certainement le canapé en joue. C'était risqué de tenter quoi que ce soit.

— Mains en l'air ! cria de nouveau le militaire.

Les résistants auraient pu tirer à l'aveugle en restant cachés derrière le canapé, mais c'était risqué. Ils n'avaient aucune idée de combien ils étaient. Tout ce qu'ils savaient c'est qu'ils étaient plusieurs. Ils auraient pu en abattre un ou deux. Mais les autres, s'il y en avait, auraient certainement eu le temps de se mettre à couvert puis de lancer une grenade ou de mitrailler le canapé. Les balles transperceraient probablement ce dernier, les touchant alors. Zack pensait que les soldats efdéèmois non plus ne savaient pas combien ils étaient. S'il se rendait, peut-être penseraient-ils qu'il était tout seul, qu'ils l'embarqueraient et qu'ils s'en iraient, laissant alors à Olympe et l'autre garçon la possibilité d'attendre qu'ils aient complètement quitté la maison pour s'enfuir.

— Ok, je me rends, dit Zack en se relevant, les mains en l'air.

Il constata que les assaillants n'étaient que trois et que donc le tir à l'aveugle aurait pu se tenter.

— Tu nous prends pour des idiots ?! hurla le soldat. On sait que tu n'es pas seul. Dis aux autres de se lever !

Olympe et Jack se levèrent eux aussi, les mains en évidence. Le plan de Zack avait échoué. La jeune femme se voyait être conduite dans un camp de prisonniers, de travaux forcés ou pire. Elle savait que le Efdéème ne pratiquait pas la peine de mort. À vrai dire, peu de nations utopiennes la pratiquait encore, mais peut-être feraient-ils une exception pour les résistants.

Soudain, une force invisible souleva l'un des soldats et le projeta à travers la vitre.

— Mais qu'est-ce que... dit l'un des deux autres avant d'être projeté à son tour contre un mur.

Zack profita de la diversion pour ramasser son arme et descendre le dernier. Olympe se tourna vers Jack qui avait encore le bras droit pointé vers le mur sur lequel il avait envoyé l'un des soldats quelques secondes avant.

— Bordel, c'est toi qui as fait ça ? lui demanda Zack.

— C'est un Paranormal, répondit Olympe.

— Quoi, tu le savais ?

Olympe connaissait ce garçon depuis quelque temps déjà, elle l'avait rencontré peu de temps avant d'entrer dans la Résistance, alors qu'il errait dans la banlieue de Cleeve, deuxième ville de Dalkia.

— Oui je le savais. Maintenant, sortons d'ici, et vite.

— À part propulser des types à travers des fenêtres et des murs, tu sais faire autre chose ? lui demanda Zack.

— Zack, ça va, laisse-le, lui dit Olympe.

— Quoi, on est en guerre, ses pouvoirs peuvent nous être utiles.

— C'est le seul que je maitrise en tout cas, finit par répondre Jack.

Dehors ça continuait à tirer, mais de moins en moins. Le Efdéème avait sans doute éliminé ou capturé presque tous les résistants. Un blindé arriva à quelques mètres de la maison. Il s'arrêta. Trois soldats en sortirent. Olympe, Zack et Jack s'accroupirent derrière le rebord d'une fenêtre.

— Il faut prendre cet engin, dit Zack. C'est notre seul moyen de passer inaperçus.

— Pourquoi pas, ça peut marcher, ajouta Olympe. Mais il faut d'abord disperser ces soldats. S'ils restent là, c'est mort.

En plus des trois hommes qui venaient de descendre du blindé, il y avait sept commandos de la force écarlate. Autant dire que ça risquait d'être très compliqué.

— Je vais faire diversion, dit Jack

— Non, il faut que l'on reste ensemble, lui répondit Olympe.

— Avec mes pouvoirs, je suis notre seule chance de prendre ce véhicule.

La jeune femme se tourna vers son frère qui réfléchit un moment.

— Il a raison, finit-il par dire. Qu'est-ce que tu comptes faire ?

— Faites-moi confiance. Attendez mon signal et allez récupérer le véhicule.

— Quel signal ? demanda Olympe.

— Bah je ne sais pas... Je vais improviser. Mais lorsque vous le verrez, vous comprendrez.

Sur ces paroles, Jack sortit de la maison.

— On peut lui faire confiance ? demanda Zack à sa soeur.

— Oui, enfin j'espère.

Quelques secondes plus tard, des cris et des coups de feu se firent entendre dehors. Des soldats efdéèmois furent projetés en l'air, avant d'être claqués contre des murs.

— Ici le caporal Kassus de la force écarlate, on a un Paranormal, envoyez des renforts sur le sect... arrggh !!!

Le soldat efdéèmois n'eut pas le temps de terminer sa phrase qu'il fut transpercé par une pique métallique.

— C'est le signal ! On n'y va ! dit Zack, toujours accroupi derrière le rebord de la fenêtre.

Olympe le suivit jusqu'au véhicule. Sur le chemin, ils éliminèrent quelques ennemis. Une fois dans le véhicule, ils n'attendaient plus que Jack qui s'occupait des derniers soldats présents.

— Jack ! cria Olympe.

Le Paranormal courut vers le blindé, poursuivi au loin par d'autres efdéèmois qui avaient entendu les tirs.

— Fonce ! On a très peu de temps, ils vont avertir les autres que nous sommes dans l'un de leurs véhicules, dit Jack au frère de son amie qui avait pris les commandes du blindé.

— C'est bon je gère ! Olympe, prends le contrôle de la tourelle, on risque d'en avoir besoin !

La jeune femme obtempéra. Sur le trajet, elle vit des tas de résistants morts. Beaucoup plus que de soldats efdéèmois. Il y avait aussi des civils paniqués qui couraient dans les rues. D'autres s'étaient probablement barricadés chez eux. Une enfant pleurait, seule, au milieu de la rue.  Olympe ne put s'empêcher de croire que tout ça était de la faute des résistants. S'ils n'avaient pas décidé d'évacuer la ville, peut-être que tous se seraient barricadés chez eux et que le combat n'aurait concerné qu'eux. Pire encore, ils passèrent devant les navettes prévues pour l'évacuation des civils. Elles étaient clouées au sol. L'opération était un échec total. « Tant de morts pour rien » se dit Olympe.

Que se serait-il passé si la Résistance n'avait pas décidé, il y a quelques jours, de lancer cette grande opération afin de profiter de la vulnérabilité des troupes efdéèmes stationnées à Dalkia afin de reprendre leur capitale ? Après tout, la population dalkienne n'était pas maltraitée par l'occupant. Que se serait-il passé si la Résistance avait décidé de se concentrer sur ses opérations de guérilla ? Tant de « Si » qui ne trouveraient pas de réponses. On ne pouvait pas changer le passé. Désormais il fallait avancer.

La radio de Zack grésilla. C'était la première fois depuis un bail. Quelqu'un tentait de prendre contact.

Zzt ci zztaine Moriano, à tous les résistants encore en ville, rejoignez-nous au point Lima.

— C'est quoi le point Lima ? demanda Jack.

— C'est notre point de rassemblement. On leur a donné des codes pour pas que le Efdéème voie de quel endroit il s'agit, lui répondit Zack.

— Et tu sais où il se trouve ? Tu saurais le retrouver d'ici ?

— Hey ! Bien sûr que oui, tu me prends pour qui ? Je ne serais pas dans la Résistance si je n'en étais pas capable.

— Ne t'inquiète pas Jack, on sait ce qu'on fait, ajouta Olympe.

Jack faisait confiance à Olympe. Il l'aimait bien. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Il se souvient du jour où il avait manqué de peu d'être capturé par une patrouille Efdéème. Il avait, quelque temps avant, utilisé ses pouvoirs en public, révélant qu'il était un Paranormal. Or la présence de Paranormaux sur le sol dalkien était strictement contrôlée par l'occupant. Ils étaient tous recherchés.

À l'époque, il découvrait ses pouvoirs. Il les maitrisait donc encore moins qu'aujourd'hui. Il était donc plus facile de le capturer. Il aurait probablement été déporté mais c'est Olympe qui l'avait sauvé. Elle n'était pas encore résistante, mais déjà une bonne combattante. La scène s'était déroulée dans une petite ruelle de la banlieue de Cleeve. Jack tentait de fuir. Mais il n'avait pas tourné où il fallait et s'était dirigé vers un cul-de-sac. Il était à la merci de quatre soldats efdéèmois. Olympe, qui avait vu la poursuite, était intervenue. Elle détestait déjà le Efdéème, comme tous les Dalkiens d'ailleurs, à de rares exceptions. Elle avait ramassé une barre métallique qui se trouvait à l'entrée de la ruelle, à côté des poubelles. Les soldats, trop occupés à hurler à Jack de ne plus bouger, n'avaient pas remarqué l'arrivée de la jeune femme qui frappa l'un d'entre eux à la tête, puis un deuxième avant que les deux derniers ne se retournent en pointant leurs armes sur elle. Jack avait alors réussi à utiliser ses pouvoirs pour la sauver à son tour. Depuis ce jour, ils étaient devenus amis. Il aimait parfois croire qu'ils étaient plus que ça. D'autant plus qu'Olympe semblait être fascinée par les Paranormaux et leurs pouvoirs.

— Ça y est, dit Zack. On va sortir de la ville.

— Et après, comment on rejoint le point Lima ? demanda Jack

— On continuera sur la route pendant une cinquantaine de kilomètres avant d'être obligé de continuer à pied, lui répondit Olympe toujours aux commandes de la tourelle.

— Pourquoi abandonner le véhicule ? demanda Jack

— Le point Lima est situé en pleine forêt, impossible d'y circuler avec cet engin.

— Merde ! s'exclama Zack, ils ont placé un barrage.

Le Efdéème établissait un cordon de sécurité bloquant l'accès par cette route à la capitale, empêchant par la même occasion toute sortie sans autorisation.

— Qu'est-ce qu'on fait ? s'inquiéta Jack

À vrai dire, Zack et Olympe n'avaient pas de réponse. Ils pourraient forcer le barrage, mais ça déclencherait l'alerte et ils seraient aussitôt poursuivis. Ou alors ils pourraient tenter de se faire passer pour des soldats efdéèmois, mais aucune chance que les gardes ne se fassent avoir. La première solution était la plus judicieuse. Olympe se concentra et Zack appuya à fond sur l'accélérateur.

— Accrochez-vous ça va secouer ! prévient Zack.

Le blindé fonça droit sur la barrière. Les gardes se jetèrent au sol pour l'esquiver. Une fois relevés, ils tirèrent sur le blindé, mais leurs balles étaient inefficaces. Olympe fit pivoter la tourelle à cent quatre-vingts degrés pour tirer sur les soldats ennemis.

— Alertez le commandement qu'un de nos véhicules a été volé et qu'il quitte la ville sans autorisation ! cria un officier efdéèmois à l'un de ses subalternes.

— À vos ordres, répondit ce dernier.

Les deux résistants et le paranormal continuèrent leur route à bord du blindé. Direction Lima.

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