Un drame dans les montagnes

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Imala ne présentant aucun signe de malaise, les Trois se pressèrent vers le village. La grande hutte, centre névralgique de tout village Yorubek était pleine comme pour une Danse de Vie. Au centre, les Matriarches chuchotaient, assises sur des nattes tressées. ‘Jetées à la hâte sans respecter le motif des trois éléments et donc tout à fait indignes de leur servir de siège pour une assemblée’, indiqua Imala très instruite des rites et coutumes. Le vieux chaman effectuait une ronde lente le long du cercle créé par les habitants du village, assis en tailleur à même la terre battue. Il ne semblait pas s’apercevoir du murmure qui accompagnait ses pas soucieux. En apercevant son apprentie à l’une des entrées, une part de son inquiétude se leva. Ses sourcils restèrent toutefois froncés.

Peur, fierté, résignation ressentit Veena.

Comme souvent, elle ne partageât pas avec ses sœurs les émotions les plus intimes qui se livraient à elle. Elle trouvait déjà indélicat de sa part de percevoir autant. Elle tut le doute et l’autre émotion pour laquelle elle n’avait pas de mot.

Une à une, la plus ancienne des matriarches de chaque couleur se levèrent. Les bruits et mouvements s’assagirent. La situation était suffisamment grave pour concerner les trois éléments de vie : l’eau, la terre et l’air.

- Quelque chose, énonça la bleue d’une voix éraillée

- De terrible, continua la verte, la mine sombre

-S’est produit, termina la blanche dans un souffle

Elles se tournèrent ensemble vers le chaman pour réclamer :

-Chaman, qu’as-tu à dire aux Yorubeks ?

Veena sentit la détermination prendre le pas sur tout autre sentiment chez le chaman. Sa silhouette voutée se redressa imperceptiblement.

- Yorubeks, nos frères sont morts en nombre aujourd’hui. Depuis le lointain village Waara de l’Oreille Percée, des liés ailés et leurs frères non liés se sont relayés jours et nuits pour nous apprendre cette nouvelle.

Un murmure parcourut la communauté rassemblée : les Waaras vivaient loin, dans la montagne. La distance était énorme et le fait que des liés et non liés aient œuvrés de concert pour les informer une première.

- Des liés de l’Air ont été brûlés vivants. Leurs liés humains se sont tous jetés dans le vide dans les minutes qui ont suivies.

Il laissa un silence pour que chacun mesure l’ampleur du tragique évènement.

- La jeune chamane de ce village s’est tourné vers nous dans l’espoir que notre jeune et talentueuse Danseuse accepterait de réaliser une Danse collective avant que les esprits de ces morts indues n’assombrissent le monde des vivants.

La foule avait le souffle coupé par la nouvelle : ces morts affreuses, cette demande sans précédent, si risquée. Avant que la parole ne se libère à nouveau, une voix s’éleva :

- Je le ferai, clama Sor’a. Puis plus doucement : J’espère en être capable.

Imala et Veena encadrèrent immédiatement leur benjamine.

Le chaman les ignora et se tourna vers les guides du village.

- ô gardiennes des traditions, si vous donnez votre accord à ce voyage malgré le jeune âge de Sor’a, je lui adjoindrais un chaman reconnu, pour discuter des circonstances de ce drame avec la chamane du village Waara. Mon apprentie ira également.

Les anciennes s’entre-regardèrent et hochèrent la tête.

- Oui, oui, bien sûr, commenta la matriarche bleue, Imala n’est pas encore chamane, elle ne peut y aller seule. Si elle suit un autre chaman, elle ajoutera un fil à son apprentissage. Vous avez notre pleine confiance pour ces décisions.

Veena regarda ses pieds le cœur serré. Heureusement, les chasseurs ne l’oublièrent pas.

- Un chasseur pour guider, protéger et nourrir serait utile pour ce voyage, se permit Ibron, l’un des meilleurs chasseurs de Voyemont.

- Que diriez-vous de Veena, ajouta Darik assis juste à ses côtés, ses bras volumineux croisés sur son torse massif.

- Sage recommandation, approuva la matriarche verte d’une voie chenue. Veena épaulera efficacement ses compagnons pour ce voyage. Des préparatifs doivent être lancés ; des messages envoyés et la Vie reprend ses droits. Maintenant. Allez !

Et les trois femmes d’un mouvement de main levèrent la réunion.

Sor’a s’assit à l’endroit où elle s’était dressée. Attrapa son menton et se mit à réfléchir. Silk profitant de la moindre densité de jambes en mouvement, se faufila jusqu’à elle et s’installa entre ses jambes croisées. Urrh se posa sur une poutrelle juste au-dessus.

- Ce sera lui, lança Veena en aparté à Imala

- Il existe d’autre chaman, répondit-elle doucement

- La décision est déjà prise. Il est le plus proche et c’est un ancien apprenti de ton maitre

- S’il doit en être ainsi.

Incluant Sor’a dans la discussion, Veena ajouta à voix haute:

- Le voyage sera long. Les préparatifs aussi.

- Combien de temps ? demanda Imala

- Les premiers campements Waaras sont à une semaine. Je vais me renseigner sur la position et le trajet vers l’Oreille Percée.

- Si c’est un village haut dans la montagne, Urrh ne pourra pas venir. Il fera trop froid pour lui, dit Sor’a.

Urrh vint se poser sur sa main tendue. Un sourire éclaira le visage de la benjamine des Trois.

- Urrh ajoute qu’il y aura trop de volatiles aux crânes épais pour lui.

- Quelle que soit la hauteur, Kelpi n’en sera pas, commenta Veena.

La tristesse marquait sa voix.

- Et Marv’ non plus. Je doute que les grottes lacustres permettent d’atteindre la montagne à la nage. Et Marv’ n’est pas un marcheur.

- Une si longue séparation, soupira Sor’a.

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