Déliés

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Trois personnes étranges les attendaient à la hutte du chaman. Son pélican (lié de l’eau plus que de l’air et donc acceptable pour les Dourouz) montait une sorte de garde à l’entrée.

- Ils ne sont même pas tristes, émit Veena, ils sont partis, absents

- Des symboles sont effacés pour chacun d’eux. Des traces subsistent. Émit Sor’a choquée

-Leurs esprits est…il y a un trou dans leurs esprits, finit Imala à voix haute avant de tituber.

Veena la soutint immédiatement.

- Ah oui, Imala, tu es l’élève du chaman des Yorubeks. Il m’a dit d’éviter de regarder le gouffre de leur esprit. Il craint que quelque chose en sorte ou nous aspire, ajouta le chaman bleu. (Remarque tardive je trouve, grogna Veena. Ce chaman avait mis sa sœur en danger.)

Nared était son nom autrefois se rappela Imala en le regardant attentivement. Chaman était une tâche difficile et quelques peu solitaire si on écartait les Esprits et son Lié. Peu de personne regardaient par-delà le symbole du chaman (un cercle croisé d’une barre et d’un V à l’envers, symbole du lien avec les trois éléments, tatoué sur son front) pour voir l’homme qui se cachait dessous. Imala se rappela qu’il avait séjourné à Voyemont et avait un an de plus qu’elle. Il lui retourna son regard, surpris d’être vu au-delà de sa mission. Imala détourna pudiquement les yeux. Elle avait failli regarder son esprit, ce dont tout chaman se rendrait compte. Par ailleurs son maitre lui avait dit que la lecture d’un chaman entrainait la réciproque.

Veena fit le tour de l’homme le plus jeune. Quelque chose différait chez lui. Il était moins éteint.

Le chaman indiqua :

-Guro n’a jamais été très calme. Son agitation surprenait souvent les autres Liés des dauphins.

-Hum, je ne vois pas pourquoi ? Je ne suis pas calme moi-même, émit Veena vers Kelpi

-Tu as plusieurs Liens ma Liée. C’est pourquoi tu es si merveilleusement complexe…Les Liés de mes amis dauphins gris sont de fait souvent joueurs comme Sor’a avec leur partenaire et sereins le reste du temps

Sor’a s’approchait elle aussi du même Délié en plissant les yeux : Il y a une spire partielle sur cet homme.

- Différente des autres?, demanda Veena

- Elle n’est pas effacée de la même manière que pour les autres. Elle est incomplète, compléta Sor’a

- Chez lui, il y a du gris dans une zone en plus du gouffre dont à parler Nared.

-Nared ? Tu veux dire qu’un chaman a un prénom ? émit Sor’a à l’intention d’Imala

- Quel est votre avis chaman ? demanda Imala (nouveau sourire de Sor’a : Imala n’avait pas laissé Veena poser de question)

La chasseresse emit un clin d’œil mental vers Sor’a assorti d’un signe d’apaisement : ne pas effaroucher Imala. Sinon la chasse serait infructueuse.

Le chaman jeta un œil à son pélican :

- Mon pélican suggère de commencer par Lyra, dit-il en indiquant la jeune femme à droite de Guro. Son lien est jeune ainsi que sa Liée, une tortue de rivière. Peut-être seront-elles plus malléables.

-Cet esprit est intéressant, ma Liée, dit Marv’. Si sa Liée se met dans l’eau, je ferais de mon mieux pour rassembler femme et tortue

Négligeant le compliment de Marv’ envers Na…le chaman, Imala se tourna vers ses sœurs : Marv nous conseille d’agir dans l’eau et propose d’attendre une heure où nos Liés pourront tous être présent. Pour essayer de recréer les liens…

Veena se tourna vers l’autrefois dénommé Nared :

- Nous verrons si nous pouvons retirer ces gouffres une heure avant le crépuscule. Pourriez-vous trouver un lieu accessible pour mon dauphin blanc ?

-Bien sûr ! répondit le chaman bleu. Si je puis me permettre : Je vous déconseille de travailler sur Carn dans un premier temps. Il est lié à une pieuvre depuis plus de quarante ans. Le gouffre semble abyssal chez lui. Je suis étonné qu’il soit encore des nôtres.

Veena observa le vieil homme prostré. On devinait tout juste sa respiration et son esprit n’émettait rien si ce n’est les besoins physiques.

Imala serait tombée si le chaman ne l’avait rattrapé par l’épaule.

-Oh ! Je doute que nous puissions faire grand-chose pour ce pauvre homme. L’empreinte de son lié est tentaculaire. Leurs esprits ne devaient presque plus faire qu’un.

Le chaman l’avait tenu le temps qu’elle parle et se ressaisisse. Se rendant compte qu’elle avait récupérée, il relâcha ses épaules et enchaîna un rien trop vite, ce que nota Veena attentive.

-Le repas va être servi devant le fleuve.

Sor’a les suivit en souriant d’anticipation. Enfin !

***

Le repas se déroula somme toute sans heurt : Les Matriarches ne posèrent aucune question sur l’avenir des trois Yorubeks. Leurs propos tournaient autour de la pêche, de la météo, des naissances. Sujets qui n’intéressaient que peu Imala ou Sor’a. Si Veena prêta une oreille plus attentive au récit d’une Gardienne de Vie exilée pour avoir fondé un couple fixe élevant ses propres enfants, ses sœurs ne s’en rendirent pas compte. Elles s’intéressaient il est vrai surtout à leur repas : poissons frais et crustacés assaisonnés de façon variée et délicieuse, suivis par une tarte aux baies – pâte d’algues et baies d’algue, apprirent-elles, heureusement plus tard. Sor’a était distraite par Silk qui cavalait avec sa nouvelle amie et Imala discutait parfois avec le chaman bleu à sa droite.

A la fin du repas, après un salut main sur le front aux matriarches, le chaman accompagna les Trois pour leurs préparations.

-Les Matriarches n’ont posé aucune question sur les Déliés, fit remarque Sor’a.

-Elles les considèrent comme perdus pour la tribu et donc sans intérêt. Le peuple Dourouz ne considère que ses forces vives, dit le chaman.

Imala compris avec soulagement que lui ne partageait pas ce point de vue. Sinon, il n’aurait pas demandé leur aide.

Veena se demandait, elle, pourquoi des ondes de soulagement émanées d’Imala.

Sor’a partit vers une source indiquée par le chaman pour se purifier, Urrh libre de se montrer tournicota autour d’elle.

Veena rejoignit Kelpi au lieu de rendez-vous pour profiter des instants de communion qui leur était accordés.

Imala suivit celui qu’elle appelait Nared. Ils passeraient une heure à se préparer par une transe. Alya devait la rejoindre ensuite pour lui faire part des dernières recommandations du chaman de Voyemont et donc du Maitre de la Foret.

Imala n’était pas sereine. Elle se demandait ce qui se passait. Dans la lune comme toujours, elle faillit heurter le chaman en entrant dans la hutte. Elle se rattrapa à son dos puisqu’il la précédait.

-est-ce que ça va ?

-Mmm, marmonna Imala

-Shad ! Tu aurais pu me prévenir ! Non ?

-Pourquoi ma liée ? Je suis pour que notre meute s’agrandisse

-Notre meute ?

-Oui. Tes sœurs, leurs Liés, tes liés. Et peut-être le Pélican, l’Ecureuil et leurs liés

-Vous êtes sûr que vous êtes en état, insista le chaman

-Aucun souci, se ressaisit Imala. Mes sœurs pourraient vous dire à quel point je suis tête en l’air et maladroite. Je suis désolée, c’est mal élevé ; je discutais avec mon loup. Il est parfois sibyllin.

- Je comprends. Même si le Lien permet de partager nos pensées, elles sont parfois difficilement interprétables pour un humain.

Ils s’assirent en tailleur face à face. Imala dont l’esprit affleurait toujours inspira et s’ouvrit volontairement. Voile par voile, elle laissa tomber de ses yeux, les barrières qui séparaient le monde de Vie de celui des Esprits.

La pièce ronde avec en son centre un brasero où brulait l’herbe adéquate déposée par Nared (pourquoi donc s’attacher à ce prénom…) par le chaman…se concentrer…relâcher ses frontières…Enfin, elle ouvrit son troisième œil. Le chaman bleu ayant fait le même parcours plus rapidement la regardait.

Ils se virent mutuellement et se reconnurent. Le chatouillis du rire de Shad ne gêna pas Imala. Elle sentit aussi Alya satisfaite. Le sage Marv’ se permit un intéressant. Rien de ceci n’atteint Imala ou Nared tout à la contemplation de l’esprit de l’autre. Se nourrissant de la vision de leur âme sœur.

Pour Imala, le contact d’un esprit, autre que celui de ses sœurs, lui fit l’effet d’une eau cristalline qui désaltèrerait une soif qu’elle ne savait pas avoir.

Si Sor’a ne se rendit compte de rien, en phase finale de son rituel de purification, Veena faillit boire la tasse avec Kelpi

- Un problème ma Liée

- Non. C’est Imala. Je crois que quelque chose de bien lui arrive

- Alors tout est pour le mieux.

Alya entra par une ouverture latérale et se posa sur un pot à onguent. La chouette donna à Imala les informations suivantes : « Le Maitre de la Foret dit de commencer par celui qui est presque lié à l’écureuil. Et d’être attentives au Maitre du Fleuve. »

Sor’a, Urrh et Silk d’un côté, Imala, Shad et Alya de l’autre rejoignirent Veena et Kelpi au bord du fleuve dans une anse où les eaux étaient plus calmes, du moins en apparence. Flin s’étirait sur une roche plate à distance de l’eau. Shad le salua.

-Le Grand Cerf a dit de commencer par celui-qui-est-presque-lié-à-l ‘écureuil Imala transmis simultanément à ses sœurs.

-Ah oui ! s’exclama Sor’a. C’est çà ! La spire à peine esquissée : elle ressemble à celle des écureuils

Ainsi Guro serait leur premier test. Elles attendirent en silence que le chaman bleu amène les trois Déliés. Ils arrivèrent tels des moutons presque poussés par le pélican dans le rôle du chien de berger.

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