Chapitre 11 : Au Père Lachaise

3 minutes de lecture

Visiter le Père Lachaise plongeait Sarah dans des sentiments partagés.

C’est sans doute un des endroits, les plus paisibles, les plus chargés de mémoire d’Héloïse à Desproges, en passant par Chopin, Balzac, Proust, Camus, Eluard et le poète préféré de Jules : Guillaume Apollinaire.

Quand elle donnait rendez-vous à Ari, c’était ici qu’ils se promenaient avant l’amour.

Sans aucune honte, elle avait caressé le sexe de pierre de Victor Noir, avant de tomber enceinte.

Sarah n’aurait pas été surprise de voir tous ces géants sortir de leur tombe, une rose à la main comme Georges Rodenbach.

Mais tous ces doux souvenirs s’envolaient quand Sarah pensait à Jules.

Cela faisait plusieurs mois que l’Allégorie lui avait volé l’alien de sa vie, comme le Liban lui avait volé son père.

Son pire cauchemar s’était réalisé : aller au bout de la tragédie, donner à son tour naissance à une orpheline !

Avec Julie, ou seule, Sarah avait rendu visite à la Pythie.

Ni les pleurs, ni les menaces, ni les poèmes, ni les prières n’avaient eu le moindre effet.

L’allégorie de la Simulation n’était à nouveau, qu’un tableau dans un musée, une image en deux dimensions, morte et muette.

« Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre » : telle avait été l’énigmatique réponse d’Ari.

Son ami avait remué ciel et terre en vain.

Ce matin il lui avait envoyé la vidéo de Five to one des Doors, avec un seul mot : de la part de Catherine …

Moins dix, Sarah était seule devant la tombe de Jim Morisson.

Comme d’habitude la tombe était couverte de fleurs.

L’inscription en grec, l’ultime message de l’amiral Morisson accompagnait le fils rebelle vers l’éternité.

Sarah avait toujours adoré les Doors, dès son plus jeune âge.

Sa mère lui avait avoué que l’étonnante ressemblance physique entre son père et Jim

avait conduit le couple à se former.

Jules aussi était fasciné par cette musique.

Il avait composé un poème en hommage au groupe, appelé : The Doors.

Sarah commença à murmurer le poème :

Va vers

Ton enfer

Ce qui en toi

Ne te plaît pas

Ce qui est dérangeant

Malséant

Troublant

Mais fascinant

Derrière elle, une voix féminine termina le poème.

Et alors tu trouveras

Au fond de toi

Tu ouvriras

Étrange impétration

Les portes de la création

Sarah se retourna et dit :

— Catherine, I presume ?

— Je parle français, répondit une fort belle brune en souriant.

— Vous connaissez ce poème, s’étonna Sarah ?

— Je connais tous les poèmes de Jules.

— Je vois vous êtes une alien !

Catherine se tut bouche bée.

Elle regarda Julie et dit à voix basse :

— Personne ne s’en est jamais rendu compte, même pas ma fille Karin ! Comment avez-vous deviné ?

— C’est simple dans votre démarche, dans votre voix, dans votre regard, il y a quelque chose d’étrange, ce qui m’a attiré chez Jules

— Et aussi, demanda Catherine ?

— Vous savez que je sais car vous me le demandez ?

— Le bébé m’a reconnu, il a bougé , j’ai senti son mouvement.

— Karin ne le sait pas, demanda Sarah ?

— Elle l’a deviné, mais mon mari Monsieur K ne se doute de rien, confessa Catherine.

— Et vous connaissez Jules depuis longtemps, demanda Sarah curieuse ?

— Nous avons vécu ensemble durant cinquante ans sur notre planète !

Sarah demeura silencieuse longtemps.

Le dialogue se transforma en un long monologue.

Sarah comprit que les ambassadeurs (ils détestaient le terme alien) étaient proches de l’immortalité.

Leur civilisation était figée, elle n’ignorait pas la sexualité, mais plus aucun enfant ne naissait depuis plusieurs siècles.

C’est pour cela que Catherine et Jules avaient choisi de venir sur terre.

Jules était ethnologue et détestait être surveillé : il avait pris le corps d’un enfant, en échappant au contrôle du Mossad.

Pour Catherine, l’enfant était tout : elle était tombée enceinte de Karin, dès son arrivée.

Jamais l’ambassadrice n’avait connu un tel bonheur.

Mais tout avait basculé à l’adolescence, les disputes avaient miné le bonheur de Catherine.

Avant sa disparition, Karin était partie en vacances, Catherine pensait tout lui raconter à son retour.

— Et après, demanda Sarah ?

— Ses camarades l’ont vu entrer dans une vieille maison et…

— Et ?

— Tout a disparu, répondit Catherine dans un sanglot. Il ne reste rien, ni la maison, ni Karin : tout a disparu !

— Mais quel lien avec le tableau ?

— Le lien vient des aliens : ils ont pris contact avec Ari et ils ont affirmé avoir trouvé la trace du professeur dans le tableau et sur l’ancien terrain de la maison.

— Le Professeur ?

— L’être le plus dangereux de la galaxie, murmura Catherine.

Un chat roux, sur la tombe de Jim fixa étrangement une Sarah anéantie ...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire phillechat ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0